"God bless America" /1. Le compte-rendu de la relation entre cité de Dieu et cité de l'homme au cœur de la grande œuvre de l'Evêque d'Hippone aide à comprendre la condition particulière des chrétiens d'Amérique après le 11 septembre : la loyauté due à l'Etat et l'absolue volonté de paix, fin dernière et « bien mineur », système démocratique et rôle de la religion.

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:51:16

Le problème de la loyauté envers le gouvernement des Etats-Unis, en particulier après le 11 septembre 2001, n'est pas pour moi une question théorique.1 En réponse à mon appréciation critique de la réaction américaine au 11 septembre 2001, par exemple, un ami m'a écrit en me demandant si mon refus de m'identifier avec la « guerre au terrorisme » ne comportait pas de ma part un mépris envers toutes les « loyautés naturelles » qui nous lient en tant qu'êtres humains. Mon refus d'être « patriotique » signifie-t-il que je sois indifférent aux dons que j'ai reçus de ceux qui ont sacrifié leurs vies dans les guerres qui ont fait de l'Amérique un aussi grand pays ? Le problème est compliqué pour moi parce que je suis pacifiste. Pour les pacifistes, les questions de fidélité à la nation ne sont pas aussi urgentes que celles qui concernent les implications de notre engagement à la non-violence dans les relations avec ceux qui nous sont proches. Le défi auquel font face ceux qui sont engagés dans la non-violence chrétienne, n'est pas, de toute façon, spécifique au fait qu'ils sont pacifistes. Le pacifisme représente plutôt la tension entre l'Eglise et le monde inhèrente à la pratique chrétienne. Il n'est nulle part possible d'observer cette tension mieux que dans le compte-rendu sur la relation entre la cité de Dieu et la cité de l'homme qu'Augustin présente dans La Cité de Dieu. Il pourrait sembler étrange que je commence par Augustin, du moment que beaucoup de lecteurs soutiennent qu'il représente la défense de l'usage de la violence de la part des chrétiens. J'utiliserai la description de la façon dont Augustin interprétait la responsabilité chrétienne pour la cité terrestre faite par Robert Wilken dans son livre The Spirit of Early Christian Thought. Je le fais parce qu'on ne peut certainement pas accuser Wilken de s'identifier avec la non-violence chrétienne; je considère toutefois que l'exposition attentive qu'il a faite de l'interprétation augustinienne des deux cités et de leur relation, non seulement présente le « vrai » Augustin, mais comme j'espère le démontrer peut nous aider à comprendre en tant que chrétiens notre condition particulière en Amérique. Wilken argumente que, si nous nous proposons de comprendre Augustin de la bonne façon, il nous faut d'abord remarquer que, bien qu'Augustin n'identifie jamais la cité de Dieu avec l'Eglise, le hasard veut néanmoins que pour Augustin l'Eglise doive être « une communauté qui occupe une place dans l'espace et qui existe dans le temps, un regroupement ordonné et intentionnel d'êtres humains ayant un style de vie, des institutions, des lois, des croyances, une mémoire et une forme de culte qui la distinguent ».2 Si on perd le sens de l'Eglise présent chez Augustin, il est par trop facile de transformer Augustin en un apologète des régimes libéraux qui donnent une place à l'Eglise pour autant qu'elle est disposée à accepter sa relégation dans le « privé ». Wilken explique que, pour comprendre la relation entre les deux cités, il nous faut observer la signification de l'opinion d'Augustin selon laquelle la paix est le but aussi bien de la cité des hommes que de celle de Dieu. « La paix à laquelle la cité de Dieu aspire est " la concorde parfaitement ordonnée et harmonieuse dans la jouissance de Dieu" ».3 Une paix de ce genre est possible pour l'Eglise du moment que l'Eglise se constitue autour du vrai culte et qu'elle est donc le lieu où de vrais sacrifices sont accomplis en honneur de l'Unique qui est le seul digne de tels sacrifices. Par conséquent le plus grand don que l'Eglise offre aux mondes dans lesquels elle se trouve est d'offrir une image de ce qu'est la paix de Dieu. S'il n'y avait pas l'Eglise, Augustin doute que la politique de la cité des hommes puisse être même seulement décrite comme « politique ». Augustin dit : « Nous-mêmes sommes le sacrifice le plus élevé et le plus illustre, c'est-à-dire sa cité, dont nous célébrons le mystère avec les offrandes que les hommes de foi connaissent bien. [] Il ne peut donc pas y avoir un ensemble d'hommes associé par un accord juridique et par une communion d'intérêts s'il manque cette justice selon laquelle le Dieu unique et souverain commande à la cité qui obéit, selon sa grâce, pour que personne n'offre de sacrifices si ce n'est à Lui ; une justice pour laquelle, en tous ceux qui appartiennent à cette cité et qui obéissent à Dieu, l'âme commande au corps et la raison aux vices, fidèlement et en bon ordre: une justice pour laquelle chaque juste en particulier, comme aussi un ensemble ou un peuple de justes, vit de la foi, qui pousse à aimer Dieu comme il doit être aimé et son prochain comme lui-même. S'il n'y a pas cela, il n'y a sûrement pas de peuple, si cette définition de peuple est vraie. Il n'y a alors pas non plus d'Etat, puisqu'il n'y a rien du peuple là où il n'y a pas de peuple ».4 On ne peut pas obtenir la paix, le tèlos de chaque cité, sans la vraie vénération du vrai Dieu. Wilken attire donc justement notre attention sur l'opinion d'Augustin selon laquelle les chrétiens doivent essayer d'atteindre la paix dans la cité des hommes, si imparfaite soit-elle. Augustin en arrive à suggérer que le chrétien peut se trouver dans la situation de devoir assumer la profession de juge. Bien plus, la profession de juge, peut même demander la torture de personnes innocentes afin d'en déterminer la culpabilité ou l'innocence.5 Wilken remarque que le fait qu'Augustin considère la possibilité pour les chrétiens de devenir juges, - idée qu'Origène n'aurait même pas pris en considération pourrait facilement dépendre de la légalisation du christianisme de la part de Constantin. Pourtant, quels qu'aient été les avantages que l'Eglise obtint de l'ordonnance de Constantin, ces avantages ne conduisirent pas Augustin à la tentation de moins insister sur le fait que la seule vraie paix dans cette vie doit être trouvée dans l'Eglise.6 Par conséquent l'interprétation que donne Wilken de la position d'Augustin concernant la relation entre les deux cités diffère beaucoup de celle que soutient Reinhold Niebuhr. Ce dernier argumente que de notre temps, avant la fin des temps alors que nous ne pouvons pas distinguer une cité de l'autre à cause de leur caractère mixte les chrétiens doivent soutenir le travail de la cité terrestre pour atteindre le bien mineur 7. Ce qu'une approche niebuhrienne omet, de toute façon, c'est le point de vue d'Augustin selon lequel l'Eglise fournit le contexte pour le discernement du rôle des chrétiens dans les cités terrestres. Les citoyens de la cité de Dieu doivent certes « utiliser des choses terrestres et temporelles », mais il est également vrai que « les us et coutumes de la société peuvent être liés pour autant qu'ils ne déforment pas les âmes des fidèles ou les détournent de leur but dernier : la communion avec Dieu et avec les frères »8 Le Patriotisme comme Vertu Augustin dit que la Cité céleste, la Cité en pèlerinage en ce monde, convoque des citoyens de toutes les nations, et réunit ainsi une société d'étrangers qui parlent toutes les langues. Par conséquent elle ne tient compte d'aucune différence de coutumes, de lois et d'institutions à travers lesquelles la paix terrestre est obtenue et préservée. Celle-ci n'annule et n'abolit aucune de ces coutumes ou institutions dans la mesure où elles servent à la paix terrestre, à condition que (et c'est là la condition que les interprètes niebuhriens d'Augustin ignorent souvent) ces institutions ne soient pas un obstacle « pour la religion qui enseigne que le Dieu unique et suprême doit être vénéré ».9 Wilken note qu'Augustin, quelques paragraphes plus loin, fortifie cette affirmation imprévisible en citant Exode 22,19 : « Qui sacrifie à d'autres dieux sera voué à l'anathème ». Augustin ne « résout » pas le problème de savoir comment les chrétiens doivent négocier parmi leurs loyautés divisées. Augustin pose plutôt la question de savoir comment les chrétiens doivent négocier dans les mondes où ils se trouvent. De toute manière il fournit une description de la façon dont cette négociation doit être affrontée et il le fait, selon Wilken, non pas, comme on le soutient souvent, en présentant une théorie de la vie politique, mais plutôt, comme le dit Augustin lui-même : « Montre que Dieu ne peut jamais être relégué à la périphérie de la vie d'une société. C'est la raison pour laquelle le livre (La cité de Dieu) discute de deux cités. Il veut définir le contraste entre la vie de la cité de Dieu, une vie axée sur Dieu et authentiquement sociale, et une vie centrée sur elle-même. Augustin désire redéfinir le domaine public pour faire place au domaine spirituel, à Dieu. Comme a remarqué l'Archevêque de Canterbury, Rowan Williams, la Cité de Dieu est un livre sur la « meilleure forme de vie humaine associée » à la lumière de « sa fin ultime ». Du point de vue d'Augustin, « c'est la vie en dehors de la communauté chrétienne qui n'arrive pas à être vraiment publique, authentiquement politique. L'opposition n'est pas entre public et privé, Eglise et monde, mais entre vertu politique et vice politique. Tout compte fait, c'est l'ordre séculier qui se démontrera 'atomistique' dans ses fondements. » Une société dans laquelle il n'y a pas de place pour Dieu se désintégrera dans un agrégat amoral d'intérêts autoalimentés et en compétition, qui sont mortels pour le bien commun. A la fin elle sera recouverte par l'obscurité ».10 Mais qu'est-ce que tout cela a à faire avec la question de la loyanté partagée pour les chrétiens dans l'Etat appelé Etats-Unis ? Cela rappelle, du moins à nous chrétiens, que nous avons en effet une loyanté partagée. Certes une des plus grandes trahisons des chrétiens américains envers l'Amérique est de confondre l'Amérique avec le Règne de Dieu. Les chrétiens ont agi de cette façon parce que nous tenons pour acquis que l'Amérique est une démocratie et que les démocraties sont moins coercitives que d'autres formes d'organisation politique. Les démocraties sont probablement la forme de gouvernement limité que certains soutiennent être présente in nuce dans l'interprétation augustinienne des deux cités. De cette façon les chrétiens estiment que les démocraties peuvent nous demander de faire des sacrifices qui ne sont pas problématiques du moment qu'il ne s'agit pas de sacrifices forcés. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'être pacifistes pour s'apercevoir qu'il y a des problèmes en ce qui concerne cette conviction. Augustin fournit tous les éléments nécessaires pour reconnaître que le système sacrificiel appelé démocratie reste problématique pour les chrétiens, dans la mesure justement où nous n'arrivons pas à reconnaître que « Amérique » est le nom d'un système sacrificiel. Dans un article ayant pour titre Le patriotisme est-il une vertu ? Alasdair MacIntyre note qu'il y a une forte tension entre la définition de moralité prévalente dans notre culture et le patriotisme.11 Pour agir moralement nous croyons que celui qui agit doit, pour autant que possible, assumer une position exempte de toute particularité et partialité sociale. J'explique cette interprétation de la moralité en disant que nous retenons qu'on ne doit pas avoir d'histoire, exception faite pour le genre d'histoire qu'une personne choisit quand elle n'avait pas d'histoire. Nous appelons cette condition "liberté". La première expression de ce genre de liberté peut être trouvée dans la conviction qu'on ne doit pas se sentir responsables des décisions que nous avons prises quand nous ne savions pas ce que nous étions en train de faire. L'unique problème lié à cette vision de la vie morale est que celle-ci rende le mariage et la procréation inconcevables. Comment aurais-tu pu ne jamais savoir ce que tu étais en train de faire quand tu as promis une fidélité monogamique pour toute la vie ? En outre tu n'auras jamais les enfants que tu veux. Selon MacIntyre, le patriotisme est constitué d'une perspective morale alternative. Le patriotisme « exige que je considère que des faits sociaux contingents comme le lieu de naissance, le type de gouvernement au pouvoir dans ce lieu-là et à ce moment-là, l'identité de mes parents, etc. résolvent à ma place le problème de savoir ce qu'est une action vertueuse pour le moins tant qu'on discute de la vertu du patriotisme. Par conséquent le point de vue de la morale et celui du patriotisme sont systématiquement incompatibles ».12 La principale contestation d'une morale du patriotisme réside donc dans le fait qu'une dimension cruciale de ma capacité de bien vivre se perd « si je ne conçois pas la narration actuelle de ma vie individuelle comme enchâssée dans l'histoire de mon pays ».13 MacIntyre observe que les institutions sociales libérales, comme les Etats-Unis, ne peuvent pas se passer de considérer un patriotisme ainsi compris comme moralement problématique. Les ordres sociaux libéraux et les relatives définitions de rationalité morale ont la nécessité que je soutienne d'agir moralement, non pas en tant que père ou mère, paysan ou Américain, mais seulement lorsque les principes de mon action peuvent être justifiés par mon supposé status d'agent rationnel en tant qu'agent rationnel. L'Amérique représente un pays particulier où la cause de l'Amérique, en termes de patriotisme, et la cause de la moralité, en termes libéraux, en arrivent à s'identifier. MacIntyre remarque que l'histoire de cette identification n'est rien d'autre qu'une histoire de confusion et incohérence. « En effet une moralité tournée vers des liens et une solidarité particularistes a fusionné avec une moralité tournée vers des principes universels, impersonnels et impartiaux en suivant une route qui ne peut jamais être parcourue sans incohérence ».14 Plus problématique (du moins pour moi) que l'incohérence est le fait qu'une semblable fusion de patriotisme et d'universalisme libéral ne peuvent faire autre chose que produire de la violence une violence des plus virulentes parce que notre violence n'est pas ouvertement déclenchée par des intérêts privés, mais elle est plutôt perpétrée au nom d'idéaux que tout le monde déclare partager. Les jeunes dans les forces armées américaines peuvent penser à leur service dans l'armée comme à une partie de leurs obligations envers les familles et les communautés locales ; en effet ces loyautés locales ont toutefois été utilisées pour les intérêts d'un empire auquel il manque les moyens de se reconnaître pour ce qu'il est : un empire. Le conflit dans l'ex-Yougoslavie fut alimenté par des haines nourries pendant des siècles, mais les gens de la Yougoslavie au moins ne se tuaient pas pour une cause universelle. Universalisme Américain ? La guerre en cours en Irak est un exemple manifeste de l'arrogance américaine masquée de la prétention d'une cause universelle. L'attaque à l'Irak aurait pu être un avantage moral de beaucoup de points de vue, puisque l'Amérique a besoin et veut leur pétrole. Mais les Américains ne peuvent pas partir en guerre pour des intérêts personnels. Nous pouvons aller à la guerre seulement pour les idéaux américains de liberté et de démocratie qui font de la guerre juste une des choses les plus difficiles. Plus les idéaux invoqués pour justifier une guerre sont élevés, plus il est ardu de contenir la guerre dans certaines limites. Par exemple, maintenant que l'Irak a été battu, nous pensons que "nous", c'est-à-dire les Américains, devons faire de l'Irak une démocratie. Sur quelles bases peut se justifier cette affirmation ? Que pourrait signifier pour l'Irak l'institutionnalisation de la séparation entre Eglise et Etat ? L'islam n'a pas l'idée de ce qu'est une église ou une religion. Demander à une société islamique de « privatiser » la religion équivaut à demander aux musulmans d'être quelque chose d'autre que des musulmans. L'incohérence que MacIntyre suggère être au cœur du projet américain rend impossible pour les chrétiens d'être aussi des patriotes américains. Les chrétiens, et sûrement les chrétiens catholiques ne peuvent pas croire et ne croient pas que l'Amérique représente quelque chose de vraiment universel.15 Le mot chrétien pour universel est catholique. L'Eglise universelle en outre n'est pas construite sur des idéaux comme la liberté, mais l'universel représente plutôt pour les chrétiens le rapport dans le temps et dans l'espace entre personnes réelles unies par une histoire commune. La charge dans l'Eglise qui détient la responsabilité particulière de soutenir notre unité est celle de l'évêque. En outre cette charge n'est compréhensible que dans la mesure où l'évêque permet à différentes assemblées eucharistiques de partager leurs histoires de façon à ce que l'Eglise devienne une prière unique puissante pour le monde. Selon moi, en effet, la raison pour laquelle notre monde pense qu'il n'y a pas d'alternative à la guerre est la séparation des chrétiens. Le patriotisme du moins l'idée qu'en a MacIntyre ne peut être une possibilité pour les chrétiens que si nous sommes poussés par une loyauté plus spécifique par rapport à notre loyauté envers le pays ou le peuple. Pour être chrétiens on ne demande pas aux chrétiens de renoncer à être ougandais, texans ou même américains. Toutefois être un chrétien ougandais et être un chrétien américain présentent des défis très différents. C'est pourquoi la manière dont de tels défis sont négociés requiert l'existence d'une Eglise qui soit, en même temps plus particulière et par conséquent plus déterminante de ce que pourrait signifier être ougandais ou américain. Les chrétiens en Ouganda et en Amérique veulent justement se rendre utiles en tant qu'Ougandais ou Américains. Mais il faut tenir compte du fait que ce service est en tension avec notre fait d'être chrétiens si ce service amène le fait d'être américain à avoir la priorité sur l'unité créée par l'Eglise entre les chrétiens américains et les chrétiens ougandais. La création de ces connexions est la paix. C'est la raison pour laquelle il me semble étrange que les pacifistes soient critiqués pour être politiquement irresponsables ou déloyaux. L'engagement dans la non-violence chrétienne ne devrait pas exonérer ceux qui y sont engagés de la tentative, en Amérique également, de rendre plus justes nos relations réciproques. Je pense quand même que la façon où, aussi bien les chrétiens engagés dans la non-violence que ceux qui le sont moins, peuvent être utiles à ce pays appelé Amérique, est le refus d'être des recrues pour l'avancée des idéaux américains. Tâchons d'être des personnes enracinées dans la réalité particulière puisque la seule façon de nous sauver de la tentation de servir les idéologies universelles de l'empire passe par les relations concrètes qui rendent possible notre vie réelle. Les vies des personnes qui prient à l'Eglise épiscopale de la Sainte Famille à Chapel Hill en North Caroline ont pour moi le droit de priorité. Quel que soit le type de loyauté que cette abstraction appelée Etats-Unis puisse vouloir, celle-ci doit être d'abord évaluée sur la base de l'effet qu'elle a sur ce que je dois à ceux qui prient à la Sainte Famille et de la façon ou que je leur dois me met en contact avec les chrétiens dans le monde. ------------------------------------- 1. D'habitude je ne me prends pas comme objet des articles que j'écris, mais j'ai eu de la difficulté à éviter la perspective subjective vu l'argument de cet article, c'est-à-dire la question concernant la loyauté envers l'Amérique. Il y a quelque chose de juste chez ceux qui mettent en discussion ma compréhension du christianisme parce qu'ils estiment qu'elle trahit ce que je dois à l'Amérique. 2. Wilken, Robert, The Spirit of Early Christian Thought, New Haven, Yale University Press 2003, p. 191. 3. Wilken, R., op. cit., p. 195. 4. Agostino, La città di Dio, XIX (la cité de Dieu), 23, trad. it. de L. Alici, Bompiani, Milan, 2001, pp. 983-984. 5. Agostino, op. cit., XIX, 6, pp. 951-952 (trad. Alici). Pour la discussion sur la figure du juge, Cf. Wilken, op. cit., pp. 198-199. 6. On a beaucoup parlé de l'usage augustinien du "pouvoir de l'Etat" pour supprimer les Donatistes, mais en réalité il s'opposa à tout usage de la peine de mort contre les Donatistes. Dans sa biographie d'Augustin, Gary Wills attire l'attention sur les lettres adressées par l'évêque d'Hippone au tribun chrétien Marcellino dans lesquelles il recommandait la patience dans la façon de traiter les Donatistes. Wills Gary, Saint Augustine, New York, Viking 1999, pp. 99-126 7. Une description plus détaillée de l'interprétation de Niebuhr se trouve dans l'essai Agustine's Political Realism publié dans son livre Christian Realism and Political Problems, New York, Charles Scribner's Sons 1953, pp. 119-247. Niebuhr fait voir que le réalisme augustinien évite toute forme de cynisme car il reconnaît « que la corruption de la liberté humaine peut rendre universel un modèle de comportement sans le rendre normatif » (p. 130). Cela signifie que, bien que l'amour-propre domine la cité terrestre (et l'Eglise), il est de toute façon possible d'aboutir à une justice relative rendue réalisable par la demande d'amour. 8. Wilken, R., op. cit., p. 203. 9. Agostino, op. cit., XIX, 17, p. 972 (trad. Alici) 10. Wilken, R., op. cit., p. 208. 11. Alasdair MacIntyre, "Is Patriotism a Virtue?" in Beiner, Ronald (éd.), Theorizing Citizenship, Albany, State University of New York Press 1995, pp. 209-228. 12. MacIntyre, art. cit., p. 212. 13. MacIntyre, art. cit., p. 224. 14. MacIntyre, art. cit., p. 228. Cette situation est encore plus complexe de ce que suggère l'analyse de MacIntyre, si on considère le développement de l'Etat moderne comme sauveur des guerres de religion. Cette histoire procède grosso modo de la façon suivante: le développement de l'Etat séculaire fut nécessaire pour éviter que les chrétiens ne se tuent les uns les autres parce qu'ils étaient catholiques ou protestants. L'Etat est donc nécessaire pour assurer la paix. Le mécanisme en mesure d'assurer cette paix est la privatisation de la religion. Le seul problème concernant cette histoire est le fait qu'elle n'est pas vraie. William Cavanaugh donne dans son livre Theopolitical Imagination, New York, Continuum Books 2002 les arguments suivants : « La naissance d'un Etat bureaucratique centralisé précéda ces guerres et se basa sur la thèse du XVIe siècle de la prédominance civile sur l'Eglise en France » (p.29). Cavanaugh soutient qu'avec ce développement arriva aussi une nouvelle idée de « religion » et, en particulier, on entendit par religion (à laquelle on donna un nouveau signifié à cette période) comme un « système de croyances ». Cela fut nécessaire pour assurer l'unité de l'Etat puisqu'à ce moment-là, le local et le particulier étaient soumis au prétendu universalisme de l'Etat. 15. Le libéralisme politique n'est pas le moteur principal qui pousse le train de l'universalisme. Le capitalisme est la pratique déterminante qui incarne matériellement la poussée libérale à détruire ce qui, d'un point de vue libéral, ne peut apparaître que comme esprit de clocher. C'est pourquoi le dollar américain est la forme la plus déterminante d'universel. Pour une analyse prophétique du conflit entre capitalisme et catholicisme, voir Budde Michael, The Two Churches : Catholicism and Capitalism in the World System, Duke University Press, Durham 1992.