Entrevue avec Sohail Nakhooda aux soins de Maria Laura Conte

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:49:31

Comment jugez-vous les réactions à la lettre des 138 après ces premiers mois ? Au niveau mondial, la réponse à Common Word a été extraordianaire. Le document a été rédigé avec sensibilité et a été le résultat d’un éffort sincère de la part du clergé, des théologiens et leaders musulmans, pour ouvrir la voie au dialogue et à la coopération avec les communautés chrétiennes à travers le monde. Je n’ai aucun doute que l’initiative soit une des plus significatives en ce qui concerne les relations Islamo - chrétiennes et elle offre la possibilité de permettre aux deux communautés religieuses de passer du rapport poli au respect mutuel et à la coopération. Des discussions à haut niveau ont déjà été entamées entre les leaders musulmans et ceux de l’église et des centres académiques pour examiner les problématiques abordées par le document A Common Word et travailler sur questions essentielles d’intérêt commun. Les objections critiques n’ont pas manqué cependant…. Le document A Common Word a sûrement pris tout le monde de surprise, et particulièrement ceux qui ne font pas d’affirmations sur les deux religions et qui préfèrent garder leurs distances théologiques pour justifier leurs polémiques. Malheureusement, des voix similaires, qui provoquent des réactions islamophobes, existent en Europe et même en Italie. Mais je voudrais souligner que discussion et dialogue, plus que la polémique, sont déjà en cours dans plusieurs régions du monde et à différents niveaux. Le document A Common Word a généré le dialogue au sein et entre les communautés. Ce n’est pas le but du document de la A Common Word d’effacer les différences relatives à la doctrine ou mieux, la sotériologie, mais il s’agit plutôt de reconnaitre que nous avons besoin d’acquérir une conscience, dont nous avons besoin, pour récupérer et apprendre à apprécier l’histoire et les dogmes théologiques communs. Des possibilités d’interprétation illimitées s’ouvrent devant nous qui pourraient éventuellement enrichir la la compréhension et la coopération islamo-chrétienne. Nous devons aller au-delà du simple fait de “tolérer” les autres à celui de les “respecter” effectivement. La lettre a intéressé le monde entier ou seulement certains milieux culturels plus sensibles ? J’ai consulté les statistiques des visites sur le site official de A Common Word, et il s’avère que le nombre des visiteurs provenant des pays musulmans est tout aussi important que celui des autres pays. Depuis sa création, 130 pays ont consulté le site. Le document aide les communautés à constater qu’une trop grande isolation des autres ne bénéficiera à personne, au contraire il est vraisemblable qu’elle soit la cause d’augmentations des conflits à l’avenir. Si, dans l’histoire de l’homme, les conflits ne sont jamais allés au delà des paroles colériques cela ne serait si mal, mais souvent ces mêmes paroles dépassent les limites du désaccord et inévitablement basculent dans la violence. C’est ce que nous devons éviter. A Common Word a déjà bénéficié d’une couverture médiatique remarquable dans les presses musulmanes et internationale et a encouragé le dialogue aux niveaux local et institutionnel. Les succès du site web de A Common Word parmi les habitants du Moyen-Orient sont plus importants que ceux européens. Ce blitz médiatique nous a prouvé que le public international a pris connaissance de cette initiative. Construire le dialogue interreligieux sur autre chose que les principes théologiques conduirait à l’échec. Quels sont les contenus les plus innovateurs du texte? Ce qui est remarquable et digne d’être relevé dans A Common Word est qu’il part de l’unité pour arriver à la différence, au lieu du contraire. Cela commence par l’unité qui ce que les deux communautés sentent de partager en profondeur. Cette unité, ou condivision doit être à la base de la différence. Cela est une façon tout à fait différente d’affronter les relations interculturelles et de pluralité : préserve leurs identités religieuses et culturelles, permet à chacun de se joindre sur des principes théologiques solides dont les bases se trouvent dans leurs écritures respectives et ce qu’ils ont en commun. Les communautés religieuses pourraient ne pas être d’accord et naturellement il est possible que cela se produise, mais si le dialogue est construite sur le principe double de l’amour pour Dieu et pour le Prochain, cela garantira qu’ils vivent toujours en amis et que leurs désaccords ne s’aggravent pas en conflits à outrance. Le dialogue peut être une forme de témoignage de sa propre foi, mais ne peut être une place pour des missionnaires zélés pour convertire! Comment peut-on interpréter la diversité, géographiques et par écoles, des signataires ? Il est remarquable que les signataires de A Common Word proviennent effectivement d’un large panel de la Umma. Ils vinnent de plus 40 pays et ils comprennent des responsables de toutes les écoles de droit Sunnites, Shiites et autres. Ce consensus confère à l’initiative une autorité authentique qui a eu le pouvoir d’induire des changements systématiques dans les discours théologiques et sociaux musulmans. Aucune, et je répète, aucune autre initiative de dialogue n’a jamais été à même de constituer une telle coalition de personnalités musulmanes influentes. Cela caractérise la force de la conviction que beaucoup nourrissent pour A Common Word. Je suis persuadé que A Common Word peut contribuer à guérir les profondes blessures accumulées à travers des siècles de conflit, de stéréotypes et d’incompréhensions.