Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:49:57

Auteur: Jean Baubérot Titre: L'intégrisme républicain contre la laïcité Editeur: Ed. de l'Aube, 2006 Jean Baubérot est un grand spécialiste français de la laïcité. Or la laïcité française standard fait partie d'un modèle jacobin mis à mal par le multiculturalisme multiethnique et la globalisation. L'échec de l'intégration des minorités a déterminé l'Auteur à écrire ce livre engagé. L'évolution de sa pensée l'a conduit à se détacher toujours plus de la conception standard. Membre de la commission Stasi, il fut le seul à ne pas voter l'interdiction du port du voile islamique. Il veut sauver la laïcité en la réformant, contre les « intégristes ». Sa critique vise les « groupes de pression laïques, dont l'influence déborde le nombre, qui se situent toujours dans une optique de guerres de religions civiles.» (p. 225). Il se sait accusé : « … de brillants philosophes et leurs frères et sœurs combattent la 'laïcité ouverte' qui ne serait à leurs yeux qu'un cléricalisme déguisé. » (p.267). L'Auteur reprend, il est vrai, des thèmes de la polémique catholique anti-laïciste. Il n'y a pas que le clergé à être clérical (p.270) ; enseignants ou journalistes laïcistes obtus le sont aussi. Il cite Clemenceau fustigeant en 1903 « le concile de pions chargés de donner la formule infaillible d'un jour » (p. 218). Il affirme que « l'intégrisme, c'est moins des contenus que des formes », l'esprit de corps, de secte et de parti. Des quatre parties du livre, la 1ère part de l'actualité. Elle soutient que la laïcité standard est devenue un facteur antidémocratique d'inégalité et de désintégration sociale, en quatre chapitres, sur la femme, les anciennes colonies, la situation de l'islam et le problème des sectes. La 2ème Partie est plus historique. L'Auteur s'efforce d'y rattacher sa position actuelle à la tradition laïque, à travers une interprétation de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, de 1905. La 3ème Partie est une philosophie de la laïcité, qui lui permet de fonder ses propositions, objet de sa 4ème Partie. Le tout, très riche, très honnête, parfois candide, défie toute tentative de résumé. L'Auteur évoque très justement (p. 213) le dernier chapitre du Contrat social, sur la religion civile, plaidoyer pour la tolérance, appel à la proscription de l'Eglise romaine, éloge appuyé de Machiavel et de Mahomet (dont le mérite fut, selon Rousseau, de ne pas avoir séparé le temporel et le spirituel). La Souveraineté, dont l'établissement fait l'objet du pacte social, est indivisible - c'est là la condition de la Liberté. Le jacobinisme est à la fois temporel et spirituel. Le contrat social, « sacré », fait le fond de la laïcité « intégriste » et de la religion civile. Tout cela semble à l'Auteur de plus en plus incongru. « La laïcité du 21ème siècle doit apprendre à articuler diversité culturelle et unité du lien politique et social. » L'Auteur pense à un contrat social non jacobin. Le goût actuel pour la vie privée et communautaire l'invite à imaginer un pacte social entre individus définis davantage par référence à des communautés. La reconnaissance de la différence « permet la reconnaissance de l'universel par lequel nous sommes semblables », p. 128. Mais qu'est-ce que cet universel ? Sans doute encore un sujet transcendantal, mais que l'Auteur ne désigne pas comme fondement d'une religiosité philosophique. L'influence de Habermas et de Popper complexifie les conceptions de l'Auteur, qui ne précise pas sa pensée. Néanmoins, cette « laïcité inclusive » « a la prétention d'être socialement hégémonique, c'est-à-dire de former le lien social et de refuser ce rôle aux religions - qui peuvent constituer un lien collectif volontaire et libre ». Il le justifie en disant que, sans cela, « la croyance ne serait plus un choix personnel volontaire et libre. » Il ajoute que « la laïcité peut avoir cette prétention dans la mesure où elle n'est pas un corps de doctrines, une religion civile, voire une anti-religion. » (p.…9). La partie constructive du livre est (forcément ? ) subtile, technique, peu compréhensible au citoyen ordinaire. Il faudrait peut-être justifier le rejet d'une position d'indifférentisme purement relativiste, et donner corps à une proposition éthique plus substantielle (qu'est-ce qui fait la valeur de la compréhension mutuelle et du sens du bien commun ?).