Le fondamentalisme contemporain (divergent du traditionalisme conservateur), partisan d’un état fort qui applique la shari‘a comme code de lois, se situe à l’intérieur de ce processus, poussant à l’extrême certains traits de la tradition, là où il existait de vastes zones grises entre norme idéale et pratique concrète.
L’auteur, pour qui la sécularisation représente un processus irréversible, en souligne cependant les ambiguïtés, dues non point à l’inexistence de la sphère laïque, mais à sa non-pertinence théorique. Le problème est compliqué par l’abus de la religion du point de vue politique : les gouvernements sont « otages de l’Islam par eux-mêmes manipulé » (p. 201).
Le livre a le double mérite d’offrir des renseignements de première main – le chapitre sur l’observance religieuse est particulièrement intéressant – et de n’imposer ni une lecture laïco-centrale ni apologétique, même si – cela soit dit en passant – même si la réflexion sur la liberté religieuse des minorités s’avère sans doute trop optimiste. Les sociétés musulmanes du Sud de la Méditerranée en résultent comme un monde en tourment, suspendu non pas entre tradition et modernité, mais entre deux formes de modernité : le fondamentalisme totalitaire et le pluralisme libéral.