Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:50:24
Le premier livre posthume d’Edward Said se présente comme une espèce de testament spirituel. Said se charge de relancer la figure de l’intellectuel humaniste, en identifiant le domaine, le but et le rôle même qu’il doit accomplir à l’époque actuelle.
Pour Said, « dans le cœur de l’humanisme se situe la conviction, laïque, que le monde historique est fait par les hommes et par les femmes, et non par Dieu, et qu’il peut être saisi rationnellement suivant les principes formulés par Vico ». L’humaniste est appelé à utiliser la philologie, comme instrument rigoureux avec lequel contribuer à l’unique savoir disponible : « savoir équivaut à savoir comment une chose est faite ».
Said propose un intellectuel qui s’oppose à l’unique super puissance économique, politique, médiatique et militaire qui reste. « Le rôle de l’intellectuel est un rôle dialectique, d’opposition, capable de mettre à nu » le pouvoir économique dominant, « de défier et de vaincre […] le silence imposé et le calme normalisé d’un pouvoir invisible ». Il s’agit de « présenter des récits alternatifs et des prospectives différentes sur l’histoire par rapport à ceux offerts par celui qui se range aux côtés de la mémoire officielle ».
Cependant, en parcourant les pages du livre, on a l’impression que Said reconnaît le caractère tragique, et donc stérile de l’action intellectuelle. Il oppose, mais il n’ arrive à rien proposer. Sur la cause qui lui est le plus à cœur, celle palestinienne, il admet par exemple que « Pour autant que j’aie cherché un débouché à cette impasse, je n’ai point été en mesure d’en trouver ». Il semble que la philologie ne profite point, à elle seule, au pardon et à la réconciliation.