Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:43:07
Le 28 janvier 1994, mourait au Caire un dominicain de « grande classe », le Père Georges Anawati. C’était le jour de la fête de Saint Thomas d’Aquin dont la théologie l’avait nourri en toutes ses initiatives apostoliques. Qu’était-il donc ce prêtre au rire jovial qui avait consacré toute sa vie à la rencontre des grands intellectuels musulmans de son temps ainsi aux grands philosophes arabes du Haut-Moyen Age ? Il n’avait jamais pensé à rédiger quelques éléments d’autobiographie, mais au lendemain de sa disparition le Père Régis Morelon, alors directeur de l’Institut Dominicain d’Études Orientales (IDEO) du Caire, s’employa à publier, en français (1996),
Le Père G.C. Anawati, Parcours d’une vie, et, en arabe (1998),
Abû-nâ Qanawâtî, Mishwâr al-‘umr.
Quelques années plus tard le Père Jean-Jacques Pérennès, actuel Secrétaire de l’IDEO, a réussi à décrire les étapes de sa vie dans un livre intitulé
Georges Anawati (1905-1994) : Un chrétien égyptien devant le mystère de l’Islam, en 2008. Lettres personnelles, écrits de circonstance, témoignages de collègues et amis, recueillis dans le volume nous permettent de mieux connaître cet homme de culture et de foi qui a marqué profondément l’Église de son temps dans son attitude d’accueil et de compréhension des musulmans.
Mais au chapitre des « confidences personnelles », il manquait quelque document ! Certes, le Père Anawati, avait pensé d’écrie un livre qui raconte sa grande amitié studieuse et spirituelle avec Louis Gardet à l’image de ce qu’avait écrit Raïssa Maritain en son temps. J’ai pu en consulter le brouillon du plan et du premier chapitre, mais le Père n’est pas allé plus loin. Il est d’autant plus remarquable que le livre publié en 1998 ait alors proposé une interview où le Père ait accepté de confier à deux amis égyptiens ces souvenirs de jeunesse et son « parcours existentiel ». Intitulée
al-Hiwâr al-akhîr li-l-ab Qanawâtî, elle méritait d’être traduite pour le faire mieux connaître en son intimité. A présent l’édition italienne y a remédié sous ce titre évocateur :
L’ultimo dialogo. La mia vita incontro all’Islam.
Pour mieux situer l’intérêt de ces confidences, Père J.-J. Pérennès retrace l’ensemble de l’itinéraire du Père G.C. Anawati à travers une ample « introduction » d’une densité exceptionnelle, intitulée Georges Anawati :
un cristiano egiziano alla scoperta dell’Islam. Vient alors la traduction de l’interview par Martino Diez qui progresse au rythme même des confidences sollicitées par les deux amis.
Il y a d’abord L’inizio del cammino, Le début d’un parcours où le Père évoque sa jeunesse, ses études et ses projets. Il y a ensuite La scelta del destino, Le choix d’un destin où, devenu dominicain, il est aux études, en France et à Alger. Puis il s’agit, pour lui de
Valicare i ponti, Franchir les ponts qui lui ouvre le continent de la culture arabo-philosophique et islamo-théologique : on y passe en revue les livres publiés (certains avec Gardet, d’autres sur Avicenne), les professeurs rencontrés (Taha Hussein, Ibrahim Madkour, Mahmoud el-Khodeiry, etc.), les confrères de l’Institut ( Dominique Boilot, Jacques Jomier, Serge de Beaurecueil, etc.), les amis de toujours (Lous Massignon, Mary Kahil, Louis Gardet, etc.).
En tout cela, le Père vit une spiritualité qui invite à être
il Sale della terra,
Le sel de la terre, car il est chrétien d’Egypte et prêtre de dialogue, ce qui lui permet de donner à ses amitiés intellectuelles une dimension profondément évangélique. Il y a enfin
A mo’ di conclusione, En manière de conclusion où la réflexion, soutenue par la demande des deux disciples, envisage la philosophie comme servante de la théologie et propédeutique à la mystique : le Père semble y délivrer son « testament spirituel » en toute transparence humaine et religieuse.
On ne peut que remercier Mahmoud Azab et Hoda Issa pour nous avoir fait entrer dans cette conversation intime avec leur maître qui peut ainsi devenir le nôtre.
C’est dire l’importance de l’interview dont la traduction a su rendre les accents d’une conversation qui s’est déroulée tant en arabe (littéraire ou dialectal) qu’en français.