Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:37:52

Le djihâd est une notion coranique désignant le combat pour Dieu et la religion, conformément à la vocation universelle de l’islam. Si le terme signifie d’abord l’effort moral et physique, la dimension militaire du « combat pour Dieu » est indéniable. Dès ses fondations dans l’histoire de la prédication muḥammadienne, le djihâd se présente à la fois comme sacré – voulu, soutenu et récompensé par Dieu dans l’au-delà – et profane – escomptant ici-bas des bénéfices économiques et politiques. Les shî‘ites duodécimains ou imâmites constituent la plus importante minorité au sein du monde musulman actuel, mais aussi historiquement le premier groupe politico-religieux au sein de l’islam. Pour les shî‘ites, leur islam est l’authentique islam, l’esprit et la lettre de la révélation faite au prophète Muḥammad : s’ils ont profondément intégré leur situation minoritaire au sein du monde musulman, ils considèrent toujours leurs croyances comme la seule véritable orthodoxie. Mais ceux qui se nommèrent les « partisans de ‘Alî » (shî‘at ‘Alî) sont d’abord les vaincus des violences politiques qui marquèrent les débuts de l’islam et déterminèrent son destin. Qu’est-ce que le « combat sacré » pour les « vaincus de l’histoire », minoritaires et si souvent persécutés, que sont les shî‘ites ? Quelle place occupent dans leur vision du djihâd les croyants des autres religions que l’islam, mais aussi les adeptes de l’islam majoritaire sunnite ? Quelles formes prend le « combat pour Dieu » à leur encontre ? Je montrerai dans cette communication que du fait de circonstances historiques tragiques et d’un système de croyances marqué par l’attente messianique, le djihâd connut en islam shî‘ite imâmite un double mouvement d’intériorisation et d’extériorisation, de dépolitisation et de repolitisation, de sacralisation et de sécularisation, très différent de son devenir en islam sunnite. Dans le cadre d’un système de pensée dualiste et ésotérique, le shî‘isme imâmite a développé à l’époque classique une conception propre du djihâd pour donner lieu à trois grandes tendances alternatives ou opposées : le quiétisme spirituel, le « combat par la langue » (la théologie dialectique) et l’activisme politico-militaire.