Manuele II Paleologo, Dialoghi con un musulmano, [Manuel II Paléologue, Entretiens avec un musulman], Edizioni Studio Domenicano – Edizioni San Clemente, 2007

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:34:10

Quand Manuel II Paléologue écrivait les dernières lignes de ses entretiens avec un musulman, dans une Constantinople assiégée, il pouvait alors difficilement imaginer qu’après six cents ans d’honnête cabotage son nom aurait connu un brusque retour de flamme grâce à l’un de ces «Pannoniens, Celtes et Gaulois occidentaux, dont les seuls noms font trembler, car ils sont tous barbares». Le destin parfois est railleur. Terminée la surexposition médiatique après l’intervention de Regensburg, c’est sans doute le moment propice pour contextualiser la citation qui a tant fait discuter. Ce sont les éditions Studio Domenicano qui le font en publiant la traduction italienne du septième parmi les vingt-six entretiens qui impliquèrent l’empereur byzantin et un savant persan anonyme. Ces entretiens, tous publiés depuis une dizaine d’années, remontent à l’hiver 1390/1391 ou 1391/1392, lorsque l’empereur se trouvait auprès du sultan à Ankara et s’insèrent dans une longue tradition controversiste, dont l’éditeur français Théodore Khoury rend amplement compte dans de nombreux travaux scientifiques. La septième controverse porte sur les mérites des Trois lois religieuses. Le savant persan, reprenant un thème apologétique commun en Islam, soutient que la loi islamique représente le moyen juste entre les dispositions mosaïques, trop grossières et terrestres, et les enseignements chrétiens, sublimes mais irréalisables. Manuel II Paléologue réplique en soutenant que pour beaucoup d’aspects la loi islamique représente un retour aux prescriptions mosaïques, sans doute même une aggravation. «D’abord est arrivée la Loi de Moïse, que toi aussi, tu déclares imparfaite, et qui a introduit par écrit la norme de la circoncision […]. Ensuite voilà le baptême, la confirmation et les autres mystères, et une Loi meilleure et plus parfaite de la précédente – ceci, en effet, tu l’as toujours admis – et enfin à nouveau la circoncision et presque tout le reste de la Loi précédente! Et toi, ça tu l’appelles un progrès?» A ce noyau dialectique est relié également la digression sur la violence contraire à la raison et donc à Dieu lui-même qui ouvre la conversation. Malgré quelques notes de couleur devinées, qui n’ôte toutefois pas la nature fondamentalement littéraire du texte, et malgré une exposition honnête des sujets de l’apologétique musulmane (encore plus admirable si l’on considère que tous les dialogues se sont déroulés par l’intermédiaire d’un interprète), Khoury observe à juste titre qu’à bien voir, «les deux interlocuteurs, le chrétien et le musulman, sont restés […] chacun à l’intérieur de leur propre système doctrinal […] Chacun a réfléchi pour soi et non pas en fonction de l’autre. De cette manière, le dialogue se présente comme un ensemble de réflexions parallèles sur certains points discutés, mais qui ne se rejoignent pratiquement jamais». Laissons donc à nos deux controversistes le débat sur les Trois lois, destiné à s’enliser sans une explication préalable sur la signification des termes, conservons cependant l’admirable phrase que Benoît XVI proposa à l’attention de son auditoire et méditons: « Dieu ne prend pas plaisir au sang, ne pas agir selon la raison (Sun logô) est contraire à la nature de Dieu.