La faillite du grand mouvement pour la démocratie et la citoyenneté commencé avec la révolution de janvier 2011 laisse l’Égypte en proie à une amère déception devant le retour aux vieilles pratiques ultranationalistes et sécuritaires de la part d’un État durement éprouvé par la violence islamiste

Cet article a été publié dans Oasis 22. Lisez le sommaire

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:28:38

La faillite du grand mouvement pour la démocratie et la citoyenneté commencé avec la révolution de janvier 2011 laisse l’Égypte en proie à une amère déception devant le retour aux vieilles pratiques ultranationalistes et sécuritaires de la part d’un État durement éprouvé par la violence islamiste. Le nouveau pouvoir et les institutions religieuses musulmanes et chrétiennes auront-ils la lucidité et la capacité d’éradiquer les vieux démons communautaires et de donner rapidement au peuple des raisons d’espérer ?

On est toujours étonné par les très grands écarts opposant les diverses estimations du nombre des coptes en Égypte : de 5,7 % de la population totale (soit actuellement un peu moins de 5 millions) selon le recensement officiel de 1996, aux 15 voire 20 % parfois revendiqués par les sources ecclésiales[1]. Cette incertitude quant au nombre réel des chrétiens égyptiens s’ajoute au malaise que nourrit chez eux le débat sur l’identité nationale. La surestimation de la démographie copte va souvent de pair avec une sorte d’ethno-nationalisme récusant l’arabité des chrétiens d’Égypte, considérés comme plus authentiquement « égyptiens » que les musulmans du pays. En réalité, la question du poids de la population copte serait moins lancinante si la citoyenneté était le cadre de référence des droits et des devoirs. En ce temps très sensible de transition politique et sociétale, alors que bouillonne le débat autour de l’identité de l’Égypte, cette question du nombre devient vitale. Quoi qu’il en soit, les coptes sont incontestablement aujourd’hui la communauté chrétienne la plus importante du monde arabe. Moins touchés, du moins jusqu’il y a peu, que les autres chrétiens du Proche-Orient par le phénomène de l’émigration[2], ils représentent la force vive majeure du Christianisme dans la région qui l’a vu naître et un enjeu capital pour sa survie.

 

Identité islamique et sous-citoyenneté copte

À partir du début des années 1970, la rhétorique islamiste avait tiré parti de la pauvreté et des inégalités persistantes aggravées par un régime dictatorial et prédateur pour mettre en relief la faillite des modèles d’importation et en appeler à l’application intégrale des principes de l’Islam comme seule voie du salut national. L’action des islamistes s’est notamment traduite par des violences récurrentes contre les coptes. Adoptant une politique ambiguë, entre complicité feutrée et coercition frontale, le régime post-nassérien ne parvint pas à juguler cette montée en puissance de l’islamisme politique. Dans les faits, il a lui-même favorisé une réislamisation rampante du droit, de l’éducation, des médias et de nombreux autres aspects de la société, instrumentalisant en outre les tensions intercommunautaires pour légitimer ses pratiques autoritaires. Il a tenté de renforcer sa légitimité en soulignant plus ou moins radicalement l’identité islamique « nationale », réduisant les coptes à une sous-citoyenneté profondément intériorisée, avatar sournois de la dhimma, statut inférieur et discriminatoire imposé par la loi coranique aux « Gens du Livre » jusqu’à son abolition au milieu du XIXe siècle. Comme l’a excellemment montré Laure Guirguis, le régime jouait ainsi à l’apprenti sorcier, qui, sous le prétexte de cimenter l’unité nationale, présidait en fait à une véritable scissiparité du tissu social.

Dans le même temps, le pontificat de Shenouda III (pape de 1971 à 2012) s’est illustré par une outrancière mainmise ecclésiale sur l’ensemble de la communauté copte. Exclus de l’exercice normal de la citoyenneté, les coptes se sont retrouvés confinés dans le cadre sécurisant mais aussi inhibant de l’Église, qui est quasiment devenue leur seule référence identitaire, d’autant que le régime, cohérent avec sa stratégie de segmentarisation, la considérait comme sa seule interlocutrice. Chez les laïcs, des voix de plus en plus audibles s’élevaient cependant pour critiquer l’autoritarisme conservateur du patriarche et son appropriation de la représentation copte. Ces critiques allaient être relayées, avec une fougue contestatrice inédite, par les jeunes qui monteraient au front de la révolution en janvier 2011. Celle-ci révéla que, contre toute attente, la communauté copte était traversée par les mêmes lignes de fracture que celles déchirant l’ensemble de la société égyptienne. Des laïcs coptes sensibles aux aspirations de la modernité se sont aperçus qu’ils partageaient davantage de valeurs avec les musulmans « libéraux » qu’avec une majorité de coreligionnaires docilement soumis aux injonctions et au conservatisme d’une Église qui payait de sa soumission au pouvoir le prix de sa monopolisation de la vie communautaire.

 

Surenchère de la violence

Aussi, nonobstant les mises en garde de l’Église vis-à-vis d’un mouvement insurrectionnel dont elle craignait, non sans raison, qu’il s’islamisât rapidement, maints coptes se sont investis avec enthousiasme aux côtés de leurs compatriotes musulmans dans les manifestations de la place Tahrir, qui ont finalement amené la débâcle, le 25 janvier 2011, du régime de Hosni Moubarak. D’autant qu’après de longs mois durant lesquels la situation économique et sociale n’avait cessé de se détériorer, c’est l’attentat contre l’église des Deux-Saints à Alexandrie, la nuit du 30 décembre au 1er janvier – un plastiquage dont certains, à tort ou à raison, mais significativement, incriminèrent le ministre de l’Intérieur –, qui avait pour ainsi dire donné le signal des turbulences, en enflammant chez les chrétiens une colère extrême contre un pouvoir impuissant à garantir la paix civile, voire intéressé à la compromettre. Balayant un régime à leurs yeux dépourvu de toute légitimité, liberticide et cupide, indifférent aux exigences de la justice sociale et économique, les activistes de Tahrir déployèrent bientôt affiches et drapeaux où le croissant de l’Islam embrassait la croix chrétienne, symbole de convivialité intercommunautaire apparu lors de la « révolution » constitutionnaliste de 1919. Maints observateurs se montrèrent résolument optimistes : la révolution en cours augurait bien de l’émergence d’une citoyenneté égyptienne à même de transcender enfin les appartenances religieuses.

Ce climat consensuel ne dura hélas point. De graves violences, révélatrices d’un mal vivre intercommunautaire chronique, eurent tôt fait de le gâter. Début mars, l’incendie d’une église à Soul, dans la banlieue méridionale du Caire, provoqua des affrontements sanglants entre musulmans et coptes du quartier des chiffonniers du Moqattam, au cours desquels, en « s’interposant », l’armée fut responsable de la mort de treize chrétiens[3].

Des heurts analogues survinrent début mai à Imbâba, un autre quartier défavorisé à l’ouest de la capitale, où la cohabitation islamo-chrétienne est particulièrement difficile en raison de l’emprise islamiste : l’attaque d’une église où était prétendument séquestrée une chrétienne désireuse de se convertir à l’Islam se solda par douze morts. Un sit-in pacifique de longue haleine organisé en guise de protestation devant la télévision d’État (un bâtiment portant le nom de l’égyptologue français Maspero) par des militants laïcs coptes (désormais connus sous le nom de Shabâb Maspero, « Les jeunes de Maspero ») finit par entraîner le 9 octobre une répression brutale par les militaires, qui se termina en boucherie : quelque 25 morts, la plupart chrétiens, dont plusieurs écrasés par des blindés. Aux yeux de beaucoup, la hiérarchie de l’Église se trouvait discréditée par ses compromissions avec le régime déchu et ses silences face à la brutalité de l’armée. Le 6 janvier 2012, jour de la Noël copte, la messe solennelle de Shenouda III fut solidement chahutée – fait sans précédent – par des jeunes outrés de l’accueil fait aux généraux présents.

 

Frères sans freins

La mobilisation électorale importante des coptes, notamment en faveur du nouveau parti des Égyptiens libres fondé par le milliardaire Naguib Sâwîris, magnat des télécoms, ne parvint pas à peser sur l’issue des législatives de décembre-janvier, qui se conclurent par un raz-de-marée islamiste, les Frères musulmans et les salafistes raflant ensemble plus de 72 % des sièges. En juin 2012, les élections présidentielles marquèrent certes un sursaut de l’électorat non islamiste : ce n’est que grâce à une très courte majorité (51,7 %) et à l’issue d’un scrutin dont la régularité fut suspectée que le candidat des Frères, Mohammed Morsi, accéda à la fonction suprême. Conscient de la fragilité de cette victoire, Morsi voulut donner des gages d’ouverture, en nommant des conseillers issus des minorités sociales et politiques, dont un copte, Samir Morqos, qui démissionna dès novembre d’un poste vide de toute substance : il était en effet vite apparu que le président ne pouvait et ne voulait être que le relais servile d’une stratégie d’accaparement du pouvoir par les Frères.

Agissant comme si la majorité acquise par les urnes lui conférait toute latitude dans l’exercice du pouvoir, Morsi outrepassa bientôt les limites de son mandat et mit en œuvre une véritable OPA des Frères sur toute la société, nommant leurs représentants à un maximum de fonctions stratégiques dans quantité d’institutions de l’État ou organismes paragouvernementaux. Quant à la nouvelle Constitution adoptée à la suite d’un référendum en décembre 2012, elle se référait à la charia non plus de façon générale et donc peu contraignante, comme c’était le cas du précédent rescrit fondamental, mais en des termes qui ouvraient la porte à une islamisation intense du système juridique. À cela s’ajoutaient les incessantes violences perpétrées impunément par des milices affiliées aux Frères (incendies d’églises, saccages d’écoles ou de sièges d’associations, kidnappings contre rançon, etc.).

Certes, ces exactions étaient déjà monnaie courante sous Moubarak, mais tout indique qu’elles étaient recrudescentes, encouragées par le sentiment qu’un « État islamique » se mettait en place ; dans certains villages de Haute Égypte, des islamistes n’allèrent-ils pas jusqu’à réimposer aux chrétiens la jizya, cette taxe discriminatoire abolie au milieu du XIXe siècle ? En ce même mois d’avril 2013, la passivité des forces de l’ordre lors de heurts sanglants survenus aux abords de la cathédrale patriarcale du Caire, acheva d’exaspérer les coptes. Aussi se rallièrent-ils en nombre au grand mouvement populaire d’opposition Tamarrod (« Rébellion »), qui, rassemblant des millions de citoyens, musulmans comme chrétiens, allait entraîner la chute de Morsi. Élu le 4 novembre précédent, le nouveau pape Tawadros II, apprécié pour son ouverture théologique et œcuménique tranchant avec l’attitude ultra-conservatrice de son défunt prédécesseur, avait d’entrée de jeu affiché sa volonté de désengager l’Église du champ politique et de laisser aux laïcs le soin d’y assumer leurs responsabilités. Mais sous la menace de l’islamisation tous azimuts voulue par les Frères, il se sentit contraint de monter au créneau et cautionna publiquement la destitution du président par l’armée (3 juillet 2013), un événement que certaines chancelleries et des médias occidentaux ont sans doute trop commodément identifié à un coup d’État militaire, alors que de toute évidence, Morsi avait irrémédiablement ruiné non seulement sa légitimité mais même, selon d’aucuns, sa légalité, notamment en raison de ses collusions avec des groupes djihadistes étrangers actifs dans le Sinaï[4]. Cette caution papale amena les Frères à faire des chrétiens les boucs émissaires, les accusant d’avoir été les principaux promoteurs de l’opposition à Morsi. Des représailles sauvages touchèrent sur-le-champ la communauté copte. Elles se multiplièrent après que, le 14 août, l’armée eut écrasé à la place Rabi‘a al-‘Adawiyya le dernier carré des pro-Morsi avec une très excessive brutalité meurtrière. Près de 80 églises furent incendiées, des centres communautaires saccagés, des chrétiens victimes de brutalités physiques, quelques-uns assassinés… Pour la première fois dans l’histoire contemporaine de l’Égypte, ces exactions anti-chrétiennes furent reconnues comme telles par le nouveau pouvoir et exploitées pour justifier l’implacable répression frappant les Frères.

 

Al-Sissi : sauveur des minorités ?

Pour la plupart des coptes comme pour nombre d’Égyptiens, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi apparaît comme le sauveur, celui qui a empêché les Frères musulmans de faire main basse sur la société, avec tout ce que cela impliquait comme dangers pour les chrétiens. Malgré le maintien de l’article 2 faisant référence à la charia comme source principale de la législation, la nouvelle Constitution soumise à référendum en janvier 2014, avec l’appui de l’Église, comporte des avancées notables. L’article 1 affirme que « le régime est républicain démocratique basé sur le fondement de la citoyenneté et la suprématie de la loi ». L’article 3 consacre l’autonomie des minorités chrétienne et juive en matière de statut personnel et de religion. Des perspectives sont également ouvertes s’agissant la liberté de construction des lieux de culte (sujet sensible, s’il en est).

Il ne fait pas de doute que les mortifères dérégulations qui ont suivi la ruine des dictatures irakienne, syrienne et libyenne ont fait office de repoussoir. Le retour à un État fort semble à beaucoup le seul moyen d’éviter le chaos ou la prise de pouvoir par l’islamisme le plus radical. La sollicitude avec laquelle al-Sissi a entouré la communauté chrétienne après l’abjecte décapitation de 21 travailleurs coptes par les séides libyens du Daech en février 2015, a évidemment conforté son image de protecteur de la convivialité interreligieuse. Si le profil très sécuritaire et « musclé » du régime suscite bien des réserves, il convient sans doute de ne pas le condamner trop hâtivement. L’homme al-Sissi est au demeurant complexe et ne se laisse pas décrypter en un tournemain. Musulman pieux, dont la femme porte le hijâb, sa main tendue aux coptes paraît sincère : ainsi a en tout cas été interprétée sa présence à la liturgie patriarcale de Noël en janvier 2015, une première dans l’histoire du pays, alors que la veille, des policiers avaient été tués devant l’église qu’ils gardaient à Minya, en Moyenne-Égypte. Sa volonté affichée de combattre le gangrénage de l’Islam par un radicalisme idéologique haineux et passéiste mérite à tout le moins d’être encouragée, quelles qu’en soient les motivations politiques supposées. On saluera ainsi avec intérêt le discours courageux – passé quasiment inaperçu quelques jours avant les attentats de Paris contre Charlie Hebdo – qu’il a délivré aux autorités d’al-Azhar, le 1er janvier dernier. Il y confessait que la peur et le rejet de l’Islam qui se répandent universellement viennent de l’Islam lui-même et que cette crainte est fondée. En appelant à une rénovation de la pensée musulmane, il faisait écho aux deux récents manifestes publiés par al-Azhar en juin 2011 et janvier 2012 en faveur de la liberté de religion, d’opinion, de recherche scientifique et de créativité artistique, ainsi que d’un État démocratique et civique. Ne faudrait-il pas, prenant acte de la confiance accordée à al-Sissi par les coptes et beaucoup de leurs concitoyens musulmans, lui donner du temps, plutôt que de le méjuger au nom de nos seuls paradigmes « démocratiques », qu’il est irréaliste de vouloir imposer au Proche-Orient ? C’est à cette patience que de nombreux chrétiens égyptiens, quand ils en ont l’opportunité, invitent leurs amis occidentaux, non sans souligner que c’est la violence du projet phagocytaire des Frères musulmans qui a offert sur un plateau d’argent au nouveau pouvoir un blanc-seing pour réorganiser un État sécuritaire. Mais la plupart conviennent que la manière forte et même brutale avec laquelle al-Sissi gère la riposte ne peut se justifier que si elle est provisoire. La réouverture du dialogue national sur base des aspirations citoyennes qui se sont exprimées en janvier 2011 est la seule issue d’avenir à initier sans trop tarder si l’on ne veut pas que se figent durablement les ressentiments nés des violences ayant suivi la « révolution » du 3 juillet 2013, tant dans les milieux islamistes écrasés et ainsi poussés à la plus extrême radicalisation, que dans la communauté copte meurtrie par les dévastations injustement subies pour avoir prétendument été la cause première de la chute de Morsi.

 

L’île des coptes

En ayant appuyé la prise de pouvoir du maréchal al-Sissi et le retour partiel d’anciennes mécaniques autoritaires, les coptes risquent-ils, comme beaucoup le redoutent, de retomber dans l’inhibition politique et sociale d’une minorité « protégée » par un État en fait nourricier de sa ségrégation, ou bien la culture du débat et l’aspiration à la citoyenneté accouchées par les événements de 2011 ont-elles imprimé à leur dynamique identitaire un élan à même de leur donner la force de sortir de cette ambiguïté, dont sont d’ailleurs victimes d’autres communautés chrétiennes du Proche-Orient, au premier rang desquelles les chrétiens de Syrie ? Ne voit-on pas aussi se confirmer, nonobstant les premières déclarations d’intention du nouveau pape, le retour d’une Église s’arrogeant l’exclusivité de la représentation chrétienne, malgré une critique interne qui se fait de plus en plus insistante ?

Un facteur nouveau est que désormais les coptes n’apparaissent plus comme un tout homogène, mais comme une communauté riche de maintes diversités et par là capable de répondre aux défis du présent sur des modes contrastés. Le récent film documentaire du cinéaste Ahmed Rashwane, L’île des coptes, souligne avec efficacité cette hétérogénéité. Ainsi, une vraisemblable majorité de chrétiens s’en tiennent à une attitude de fidélité obéissante et dévote envers l’Église, acceptant les contraintes paralysantes de son aile protectrice. Mais nombreux sont aussi ceux – parmi eux les jeunes épris de modernité et de démocratie citoyenne, qu’ils soient proches du mouvement de Maspero ou des Égyptiens libres – qui s’associent à la critique d’une institution jugée trop rigide (notamment sur la problématique du divorce) et oppressive, certains allant, comme le groupuscule des Coptes 38[5], à traduire leur opposition en rejoignant les rangs du parti salafiste al-Nour. Le film met notamment en lumière l’intensité du débat qui oppose les coptes autour, précisément, de l’attitude à adopter vis-à-vis d’un nouveau pouvoir trop lié aux militaires jugés responsables des tueries du Moqattam et de Maspero.

S’il parvient à rétablir une stabilité satisfaisante, couplée à une amorce d’amélioration économique et sociale, al-Sissi aura-t-il l’intelligence et la volonté de se distancier des anciens schémas de pouvoir et d’ébaucher la construction d’un véritable État de droit, où prévaudront les principes de la citoyenneté ? Dans un monde arabo-musulman à la croisée des chemins, c’est de cette évolution que dépendront pour les coptes la sortie du ghetto communautaire et l’engagement massif dans la vie sociale et politique égyptienne, l’Église s’attachant désormais surtout à sa mission essentielle d’animatrice de la vie spirituelle, de promotrice et d’auxiliaire de la solidarité.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis

 

Bibliographie essentielle

Christian Cannuyer, Les coptes : renouveau spirituel et repli communautaire, dans Vincent Battesti, François Ireton (éd.), L’Égypte au présent. Inventaire d’une société avant révolution, Sindbad-Actes Sud, Arles 2011, pp. 901-916.

Sebastian Elsässer, The Coptic Question in the Mubarak Era, Oxford University Press, Oxford 2014.

Antoine Fleyfel, L’Égypte, le combat pour la citoyenneté, dans Id., Géopolitique des chrétiens d’Orient, L’Harmattan, Paris 2013, pp. 151-180.

Laure Guirguis, Les coptes d’Égypte. Violences communautaires et transformations politiques (2005-2012), Karthala, Paris 2012.

Gaétan du Roy, « Les coptes et la révolution : l’identité chrétienne dans l’espace public », dans Bernard Rougier, Stephan Lacroix (éd.), L’Égypte en révolutions, PUF, Paris 2015, pp. 253-268.

Fadel Sidarouss, Le rôle des chrétiens dans la culture arabo-musulmane de l’Égypte contemporaine, dans Marie-Hélène Robert, Michel Younès (éd.), La vocation des chrétiens d’Orient. Défis actuels et enjeux d’avenir dans leurs rapports à l’islam, Actes du colloque international à l’Université catholique de Lyon (26-29 mars 2014), Karthala, Paris 2015, pp. 88-111.

Mariz Tadros, Copts at the Crossroads. The Challenge of Building Inclusive Democracy in Egypt, American University in Cairo Press, Cairo-New York 2013.

 

[1] Voir l’article remarquablement documenté de Cornelis Hulsman, Discrepancies between Coptic Statistics in the Egyptian Census and Estimates Provided by the Coptic Orthodox Church, « Mélanges de l’Institut Dominicain d’Études Orientales » 29 (2012), pp. 419-482, qui conclut à la crédibilité globale des recensement officiels, nonobstant une légère marge d’erreur possible due à quelques rétorsions ou manipulations des données. La plupart des auteurs – ce fut souvent mon cas – s’en tiennent à une estimation d’environ 10 %.

[2] Le nombre des coptes en diaspora est difficile à évaluer. Les estimations les plus courantes tournent autour d’un million, mais certaines vont bien au-delà. Cette diaspora a souvent, non sans raison, été accusée d’aggraver de l’extérieur la fracture communautaire entre musulmans et chrétiens restés en Égypte.

[3] Voir la suggestive étude de Gaétan du Roy, La campagne d’al-Misriyyin al-Ahrâr chez les chiffonniers de Manchiyit Nâsir, « Égypte/Monde arabe » 10 (2013), qui montre comment à la suite de ces événements et dans le contexte né de la révolution, a émergé un vote copte qui semble à la fois répondre aux préoccupations politiques de l’Église mais traduit en même temps une revendication de transparence et de démocratisation au sein de celle-ci.

[4] La nomination au poste de gouverneur de Louxor de Adel Mohammed Al-Khayat, condamné comme leader du groupe qui avait assassiné 57 touristes en 1997 sur le site archéologique de Deir el-Bahari, en disait long sur les troubles connivences entre le président et le takfirisme le plus radical.

[5] Ce groupe tire son nom d’un bras de fer ayant opposé en 1938 le conseil communautaire copte laïc (Majlis millî) au Saint-Synode de l’Église sur l’extension de la possibilité du divorce en dehors du seul cas de l’adultère. Cette question reste extrêmement sensible dans la communauté, l’impossibilité du divorce pour autre motif que l’adultère poussant chaque année de nombreux coptes à se convertir à l’Islam afin de pouvoir divorcer et se remarier. En juillet 2015, un autre groupuscule, al-Sarkha, « Le cri », en a même appelé à la déposition du pape Tawadros II en raison de son inflexibilité en la matière. C’est sur ce problème que s’étaient greffées, en 2004 et 2010, les incroyables sagas de Wafaa Constantine et Camilia Shehata, deux femmes de prêtres coptes qui, ayant selon certains voulu se convertir à l’Islam pour divorcer, en auraient été empêchées de force par l’Église. Ayant provoqué de violentes réactions dans les milieux islamistes, jusqu’à être utilisées par al-Qaïda et Daesh pour justifier des crimes contre les chrétiens (notamment le massacre des travailleurs coptes en Libye, en février 2015), ces péripéties ont révélé les profondes crispations communautaires sur la question de la liberté religieuse.

 

Pour citer cet article

 

Référence papier:

Christian Cannuyer, « Coptes à la croisée des chemins après l’OPA islamiste », Oasis, année XI, n. 22, décembre 2015, pp. 44-52.

 

Référence électronique:

Christian Cannuyer, « bénédiction », Oasis [En ligne], mis en ligne le 27 janvier 2016, URL: https://www.oasiscenter.eu/fr/coptes-la-croisee-des-chemins-apres-lopa-islamiste.

Tags