Les frontières du Moyen Orient en train de se modifier, le cri des chrétiens et des minorités victimes de la violence des jihadistes, les urgences humanitaires que la guerre a générées, l’Europe, l’Amérique, les pays arabes qui tentent de redéfinir leur position : regard italien sur ce qui se passe sur les rives de la Méditerranée et au-delà.

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Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:33:53

Entretien avec Lapo Pistelli, recueilli par Maria Laura Conte Suivre ses traces sur les social networks veut dire faire virtuellement le tour du monde, de l’ONU à New York aux camps de réfugiés d’Erbil, entre diplomatie, urgences humanitaires, coopération et relance des relations internationales. Lapo Pistelli, né en 1964, licencié en Sciences politiques à Florence, engagé dans la vie politique dès son adolescence, est depuis 2013 député du Parti démocratique au Parlement italien et vice-ministre des Affaires étrangères. Dans l’antichambre de son bureau, comme dans son profil sur Facebook, des cartes antiques : comme pour évoquer le vaste horizon, géographique et historique, dans lequel il opère. La conversation s’ouvre sur une page d’histoire récente. « Il a été facile de provoquer cette administration et de l’amener là où nous voulions. Il nous suffit d’envoyer des moudjahidines et de brandir un drapeau de Al-Qaeda pour que les généraux se précipitent, augmentant les pertes financières et politiques des États-Unis », disait Bin Laden en 2004. Dix ans plus tard, les noms des acteurs ont changé, est-ce la même dynamique qui se répète : provocation et guerre ? Je réponds par deux considérations. La première : les Tours Jumelles ont été reconstruites et Bin Laden n’y est plus. Le dessein triomphaliste de cette déclaration a subi un temps d’arrêt. Certes, la confrontation avec le terrorisme est toujours asymétrique, dans la mesure où le terrorisme, par sa nature même, « gagne quand il ne perd pas » alors que « les institutions régulières perdent quand elles ne gagnent pas », comme relevait Kissinger. Battre le terrorisme était et reste un objectif absolu et donc, par sa nature, non réalisable par la politique, qui agit toujours pour des finalités relatives. C’est comme si l’on disait que l’on veut vaincre le mal : objectif noble, mais politiquement irréalisable. On peut limiter sa capacité offensive, non le vaincre. La seconde considération a à voir avec la nature de la menace de l’EIIL, qualitativement différente de celle de Al-Qaeda. L’attentat du 11 septembre a représenté à la fois l’apogée et le début du déclin de Al-Qaeda, l’acte le plus spectaculaire et en même temps unique, impossible à répéter. Al-Qaeda voulait provoquer l’implosion de l’Occident à travers une surexposition de ses capacités économiques et militaires. L’histoire a montré, au contraire, la division et la fragmentation de Al-Qaeda sur la base d’un franchising de la terreur qui a porté l’organisation à combattre pour des objectifs différents dans le Maghreb islamique, dans la Péninsule arabe, au Yémen, en Iraq au temps de Zarqawi… Le dessein stratégique de l’EIIL est tout autre : c’est un mouvement jihadiste terroriste qui, tandis qu’il conquiert le territoire, se déclare État sur la base d’une carte du VIIe siècle, non du XXIe. L’EIIL combat les musulmans apostats, qu’ils soient sunnites ou shi‘ites, et à plus forte raison tous les non-musulmans et – dans sa capacité potentielle de défaire les frontières et de redessiner une carte du Moyen Orient – est qualitativement plus dangereux que Al-Qaeda. Le contenu de la revue n'est pas encore disponible en ligne. Pour lire l'article intégrale vous pouvez acquérir une copie. ou vous abonner.

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