Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:43:10

Le mois de mars 2010 fut un mois à haute tension pour l’Irak après les élections. Bien que l’attention des médias se soit éteinte rapidement, les étincelles sorties des cabines électorales ont continué à maintenir vif, tendu et incertain le climat civil et politique du pays. La question brûlante est relative au décompte des voix : après une première demande de vérification effectuée, la Commission électorale a repoussé le 24 mars la requête avancée par le Premier ministre Nouri al Maliki et par le Président Jalal Talabani favorables à un nouveau décompte des voix.

Les bulletins dépouillés ont montré le dépassement de la liste gouvernementale menée par Maliki par celle de son rival Allawi, provoquant un échange des rôles : si, au début, Allawi avait parlé de fraudes et Maliki de vote transparent, finalement chacun s’est retrouvé dans la position opposée. Et pourtant, les élections avaient été saluées par tous, des médias occidentaux jusqu’aux journaux dont l’algérien Al Watan, comme un grand pas en avant pour ce pays martyrisé par une longue saison de terrorisme et de recherche d’équilibre démocratique après la chute de Saddam Hussein.

Dans un article du 15 mars au titre évocateur, pas vraiment positif, The Days After, le New York Times a évoqué la possibilité que les résultats électoraux conduisent à une « longue bataille pour le pouvoir entre la coalition chiite de Maliki et sa rivale laïque de Allawi », qui tout en n’étant pas vraiment « surprenante » reste cependant préoccupante. Si des nouveautés particulières n’ont certainement pas émergé des urnes, on a eu la confirmation du besoin - selon le quotidien de New York - tant des irakiens que des américains d’une transition légitime vers un nouveau gouvernement à Bagdad. Le pivot de l’analyse de l’éditorial consiste à affirmer que les leaders d’Irak sont appelés maintenant de manière définitive à « regarder au-delà de leurs repères sectaires et ethniques et à montrer qu’ils ont les capacités de gouverner l’Irak tout entier ». Et Washington a tout intérêt à les aider en cela.

Pour le Wall Street Journal seul un cynique peut rester indifférent par rapport à la démonstration d’un tel pas en avant accompli par le peuple irakien dans cette tournée électorale. Le 9 mars dernier, on pouvait lire : « les bombes et les missiles, les menaces d’Al Qaeda, la guerre ne sont pas réussis à retenir des millions d’irakiens de toutes les sectes et religions à aller à exercer un droit rare dans le monde arabe ». La parole « triomphe » est même utilisée et empruntée à un fonctionnaire de l’Onu. Tout bien considéré, même l’incertitude qui a accompagné le vote et la suite est pour le WSJ « le signe d’une croissance démocratique », une leçon pour les pays voisins comme l’Iran. La crainte avancée par le WSJ est celle d’une Hezbollahization de l’Irak : le gouvernement de Téhéran est devenu adroit au Liban dans l’art de profiter des divisions entre groupes pour créer des problèmes et il serait en train d’essayer d’utiliser la même tactique en Irak, soutenant avec des armes et de l’argent les extrémistes chiites.

« Nous autres irakiens, nous ne connaissons pas notre futur, mais aujourd’hui pour nous les bombes sont des inepties » : c’est avec ces paroles d’un électeur que Al Watan a débuté son article sur la journée électorale, soulignant le courage du peuple irakien appelé aux urnes. Un succès, c’est ainsi qu’est définie la journée électorale également par le site du Council of Foreign Relations, où est publié un entretien avec Brett McCurk, expert en Affaires internationales. Un succès car les élections ont été entièrement organisées par les irakiens et par les forces de sécurités irakiennes. Un chiffre en particulier aide à saisir la différence entre ces élections et les précédentes : celui des forces militaires américaines employées pour la sécurité : en 2005, ils étaient 160.000 soldats, en 2010 « seulement » 95.000. Mais le CFR aussi admet dans cet entretien que la saison la plus ardue est celle qui s’ouvre après le vote, où les voix doivent être comptées, où commence la lutte pour la transparence et où une série d’étapes doivent s’accomplir : le parlement élu doit se réunir à Bagdad, choisir le président et une fois choisi, ce dernier devra charger le groupe qui a obtenu le plus grand nombre de voix de nommer le Premier ministre et de produire un programme de gouvernement qui sera suivi d’un vote de confiance...

En définitive, c’est un long parcours ouvert à différentes issues. Un tel parcours aussi long est aussi évoqué par l’AFP, reprise par Le Figaro, qui parle d’un « tête à tête » entre Maliki et Allawi deux semaines après le vote, le premier qui a choisi de miser sur les votes chiites et l’engagement réalisé par le passé, dans les pires années de la violence, pour garantir la sécurité du pays, le second sur une image «nationaliste» de l’Irak, capable de dépasser les divisions internes entre communautés, en obtenant le soutien des sunnites. Tandis que Le Monde a rappelé à ce propos les intérêts pétrolifères en jeu dans un article du 7 mars intitulé Le retour de l'Irak va modifier le jeu pétrolier : avant les élections, Bagdad a décidé de relancer la production ouvrant le pays aux grandes entreprises étrangères, en quelque sorte en ravivant le souvenir des gloires passées encore vivant chez les plus anciens : c’est en Irak que fut fondé l’OPEP, et ce fut après la guerre de 80 et de 90 que commença le déclin de l’influence politique du pays auprès de la communauté internationale.