Leurs visages, jeunes et courageux, ont attiré l'attention surprise des médias globaux. Mais les guerrières kurdes, prêtes aussi à mourir pour défendre leurs maisons de l'avancée de l'Isis, sont racontées avec des tons différents selon la latitude. Oasis vous en présente plusieurs.

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:37:35

Nous nous sommes presque habitués à voir dans les rangs des contingents occidentaux envoyés en mission de peace-keeping ou sur des lieux de combat des femmes en uniforme à côté de leurs collègues masculins. Mais malgré cela, la presse des derniers mois a pris le temps de raconter avec une attention particulière, presque surprise, la présence féminine parmi les rangs des peshmergas kurdes. Ici, les femmes combattantes jouent un rôle de premier plan, par leur courage et leur audace dans la crise déclenchée par l’avancée de l’État Islamique. Et pourtant, on ne devrait pas tellement être étonné : Saladin, déjà, voulait les combattantes kurdes dans ses rangs, et la formation du groupe de guerrières kurdes remonte à 1996 avec le recrutement des onze premières filles dans les rangs de la Patriotic Union of Kurdistan. Face à l'attention médiatique suscitée par ces combattantes, il est intéressant de souligner les nuances différentes selon les latitudes d'où proviennent les différents récits, entretiens et reportages publiés. Le 16 octobre dernier, devant l’attention médiatique italienne, le Corriere della Sera a proposé en Une le visage de la commandante Nesrin, une fille de dix-neuf ans dont l’histoire est racontée dans les détails par Lorenzo Cremonesi, envoyé du Corriere della Sera à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Arin Mahmud Mohammad, voilà le vrai nom de la guerrière, a quitté la Faculté d’Ingénieur de l’Université d’Alep pour aller défendre les positions de la YPG attaquées par les hommes de l’État Islamique. Cremonesi, tout comme Molinari sur La Stampa, ont mis en évidence les avantages potentiels d’avoir des femmes pour combattre les jihadistes, en donnant la parole à Nesrin : «[les hommes du Califat] disent que leurs hommes tués dans la soi-disant guerre sainte par des femmes ennemies ne vont pas au paradis ». Un fait qui aurait conduit à la retraite dans certaines occasions, par peur de mourir “inutilement”. Et comment les médias arabes considèrent-ils le rôle des femmes dans la guerre ? Al Jazeera est directe en affirmant que les soldates kurdes « proposent une image alternative des femmes musulmanes » par rapport à celle en vogue dans la majorité des médias. Pour une fois, la saudite Al Arabiya est d’accord avec ses collègues qataris : dans le dialogue avec le chercheur américain Kéchichian, on souligne que la raison d’être des guerrières dépasse le besoin militaire : elles indiqueraient qu’elles sont membre à part entière de la société, en montrant le chemin d’un sunnisme « modéré » et opposé à la « version extrémiste de l’Islam sunnite pratiquée par les militants de l’ISIS ». Une opinion qui semble être partagée par les combattantes elles-mêmes, qui ont déclaré au New York Post que c’est « un honneur de faire partie d’un pays musulman moderne, qui permet aux femmes de défendre leur patrie». Le quotidien américain souligne donc l’appartenance à la communauté musulmane des femmes guerrières. Certains médias européens (comme la BBC et El Mundo) ont surtout mis en première page la féminité que “conservent” ces femmes, même si elles sont impliquées en première ligne : avec un certain accent glamour, le maquillage, leurs coiffures et le rouge à lèvres auquel elles ne veulent pas renoncer attirent le regard. Elles voudraient aussi étudier, lit-on entre autre dans un article de El Mundo, mais maintenant l’urgence est trop importante : il faut se battre, et si les hommes politiques disent vouloir une société qui garantisse l’égalité, le moment est venu de prouver que l’armée ne peut pas être une exception. Aux États-Unis, la revue Foreign Policy, est plus avare de compliments et considère qu’il s’agit de filles radicalisées, et qu’elles sont nombreuses à appartenir à un parti d’inspiration marxiste inscrit par le gouvernement de Washington dans les listes des organisations terroristes : le PKK, Parti des Travailleurs du Kurdistan. Mais au New Yorker elles ont leurs supporters : « elles combattent aussi pour nous ». Si bien qu’« on a un peu honte. Nous ici à l’abri [...] et en revanche, elle, exposée sur les barricades ».