Entrevue avec Anba Tawadros II, Pape d'Alexandrie et Patriarche de la Prédication de Saint Marc

Monastère d'Anba Bishoi, 16 janvier 2013

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:39:47

Oasis offre en anticipation des extraits de l’interview exclusive accordée à Oasis par le Pape Tawadros II, qui sera publiée intégralement sur le prochain numéro de la revue semestrielle Oasis en juin. Vous êtes le 118ème successeur de saint Marc sur la chaire d’Alexandrie. Si vous deviez décrire les traits les plus caractéristiques de l’Église copte, comment les synthétiseriez-vous ? Et quelles en sont les priorités pastorales ? L’Église copte est considérée comme l’une des plus antiques du monde. C’est une église chrétienne égyptienne ancrée dans la tradition, fondée sur trois éléments importants, que l’on pourrait comparer aux trois pyramides d’Égypte : nous pourrions les appeler les « pyramides de l’histoire ecclésiastique copte ». La première pyramide est l’enseignement théologique qu’ont incarné certains champions de sainteté, je pense à saint Athanase l’Apostolique, et à saint Cyrille, Pilier de la Foi. Pour l’histoire récente, le représentant le plus connu est le Pape Shenouda III. La seconde pyramide est le témoignage : l’Église copte a donné naissance à des martyrs –c’est une longue histoire en Égypte – et elle en génère encore plus aujourd’hui. Ceux que l’on invoque le plus sont saint Ménas et saint Damien. La troisième pyramide enfin est la vie érémitique et ascétique. Notre Église a vu naître les vocations de nombreux moines et ermites, dont saint Antoine [du Désert]. Ces trois pyramides constituent l’histoire vivante de l’Église, son histoire spirituelle. Une histoire qui a commencé en Égypte, mais qui s’étend aujourd’hui à travers le monde entier –au point qu’il y a actuellement des églises coptes dans plus de 67 pays. Et pour les priorités pastorales ? Au sommet de nos préoccupations, l’attention aux chrétiens coptes, en particulier à ceux qui vivent dans des régions isolées de l’Égypte, dans des villages, dans les régions désertiques, ou dans des hameaux dispersés. Nous devons y ajouter les enfants. L’attention que nous portons à l’enfance nous pousse à une initiative : celle de confier à un évêque spécialement voué à cette tâche la pastorale des enfants et des adolescents jusqu’à l’âge de 15 ans. Pour les jeunes de 15 à 25 ans, nous avons un autre responsable, Anba Mûsa. Pour ceux qui ont plus de 25 ans, nous voudrions déléguer un évêque pour s’occuper spécialement de la famille chrétienne. Il y a enfin chez nous une grande sollicitude pour la croissance humaine intégrale. À cette fin, nous allons tenir des sessions d’études sur cinq thèmes essentiels : monachisme, séminaires, droits de la famille, biens meubles et immeubles (les awqaf), et projets ecclésiaux généraux de toutes les éparchies pour la croissance économique. À plusieurs reprises, notamment à l’occasion des fêtes les plus importantes de l’année liturgique, vous avez rendu visite aux frères des autres Églises, geste qui a été très apprécié – comme une brise de printemps sur les Églises d’Égypte. Que pensez-vous de l’œcuménisme ? Je voudrais parler ici de façon plus spécifique du Moyen-Orient. Celui-ci compte près de trois cent millions d’habitants, dont les chrétiens ne représentent que 5%, selon des pourcentage approximatifs. Voilà pourquoi notre voix chrétienne doit s’élever comme une seule voix. Cette unique voix, nous l’exprimons en deux initiatives majeures. La première est constituée par les rencontres de charité avec les Patriarches et les Éveques de toutes les Églises chrétiennes. L’un des moments les plus heureux que j’aie connu fut quand je suis allé rendre visite à l’Église catholique d’Égypte et au Patriarche Antonios Naguib alors qu’il était malade. Mais j’ai rencontré aussi le Patriarche grec-catholique Gregorios III Laham e le patriarche grec-orthodoxe Théodoros II. Aujourd’hui même, j’ai pu parler par téléphone avec le Patriarche Beshara Rai au Liban, et Mgr Sayyah est venu nous voir ici. Ce sont des rapports de charité que la Bible appelle « la vertu de l’amour fraternel ». C’est là un aspect qui m’interpelle personnellement . La seconde initiative, ce sont les activités communes entre les jeunes, les enfants et les familles, activités qui sont toutes centrées autour de l’amour. Il s’agit d’activités qui impliquent un échange dans la charité ; nous nous tenons en revanche à une certaine distance de tout ce qui concerne le dogme, et qui pourrait susciter certains contrastes. Je crois personnellement dans la diversité au sein de l’unité. Si j’entre dans un jardin où toutes les fleurs sont rouges, sont toutes de la même taille, quel ennui ! En revanche, si j’entre dans un jardin et y trouve une rose rouge, une autre jaune, une troisième blanche, et que je voix des arbres de différentes tailles, cette diversité exprime de la beauté, et également de la force. En ce moment même, alors que je parle avec vous, je suis riche de mes frères dans le Christ. Cet désir de rencontre peut-il mener à reconsidérer certains aspects problématiques dans les rapports entre catholiques et coptes orthodoxes ? Pour les coptes par exemple, un point douloureux est le fait que leur baptême n’est pas considéré comme valable par les coptes orthodoxes, et qu’il faut donc le réitérer dans les cas de mariages mixtes… L’Église catholique est une église fondée sur les sacrements et la tradition, une Église qui croit en la présence de l’Esprit Saint dans les sacrements. C’est une église apostolique. De ce fait, nous en avons le plus grand respect. Mais il y a certaines difficultés dans la compréhension et dans la terminologie qui nécessitent un dialogue théologique entre experts. En ce qui concerne le sacrement du baptême, chacun a sa manière de l’administrer. Le baptême se célèbre sous deux formes, par immersion ou par aspersion. Dans l’Église copte, le baptême se fait par immersion. De là naissent une série de différences. Mais nous pouvons mettre en valeur chaque situation, selon les conditions de la personne qui reçoit le baptême. Par conséquent, le problème réside dans la manière d’administrer le baptême, non dans la substance même. Oui.