L’entente constitue une initiative importante qui permet de comprendre qui travaille en faveur et qui travaille contre une solution politique

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:28:52

Les réactions contre l’accord entre factions libyennes signé au bout de négociations exténuantes à Skhirat, au Maroc, peu avant Noël, oscillent entre le pessimisme le plus noir et l’espoir que la Libye se soit enfin engagée dans la voie - tortueuse certes - qui puisse l’éloigner du gouffre de l’autodestruction. À la lumière des désastres de ces dernières années, de l’effritement de toutes les autorités étatiques, de la création de deux parlements et de deux gouvernements en lutte entre eux - sans par ailleurs détenir des pouvoirs réels sur le territoire libyen -, de la croissance fulgurante de mouvements djihadistes qui marchent dans le sillage d’Al-Qaïda ou de l’État Islamique, enfin, de la dilapidation des richesses financières laissées par le colonel Mouammar Kadhafi, il ne serait que trop simple d’être pessimiste. Il suffirait de souligner que cet accord est le fruit d’un compromis particulièrement difficile entre les factions libyennes. Un accord quasiment imposé par la communauté internationale, fruit de négociations continues guidées par Bernardino León le très discuté médiateur espagnol de l’Onu qui a voulu obtenir,, avant de s’en aller, l’automne dernier, un succès ou - comme insistent ses détracteurs - un semblant de succès fondé sur un accord bâclé. Laissant à son successeur l’allemand Martin Kobler, le soin ardu de le mettre en pratique et de faire naître le gouvernement tant soupiré d’unité nationale. Un instrument aussi inefficace que contradictoire Des semaines durant, la tâche semblait impossible vu les réactions négatives qui provenaient de l’intérieur et de l’extérieur de la Libye, tant et si bien qu’il fut dit que l’accord n’avait eu pour résultat que d’avoir “un bout de papier signé en plus”. Les exclus du nouveau gouvernement d’unité nationale ont fomenté des protestations et de nouvelles fractures au sein des différents blocs opposés qui relèvent du parlement de Tobrouk (celui reconnu par la communauté internationale), dominé par les groupes laïcs et celui de Tripoli (l’ancien Conseil général national qui s’est auto-reconvoqué après avoir été déchu, dominé par les groupes islamistes). Deux “blocs” exclusivement en apparence, fragmentés qu’ils sont à l’intérieur par tout un florilège de distinguos, d’ambitions et de rivalités personnelles, d’instances localistes et autres. Bref, le risque est celui d’un nouveau gouvernement qui ne soit qu’une entité purement virtuelle, obligé, si ça se trouve, de devoir s’installer dans des localités reculées, (il a été question de Ghadamès, une oasis du Nord-ouest, ou Joufra, une région du centre du pays. Pour l’instant, la première réunion du gouvernement s’est tenue à Tunis). Vu sa structure éléphantesque - un acte dû, pour contenter les appétits d’une foule de prétendants tout autant que pour équilibrer les mouvements, les milices et les âmes si multiples de la Libye - ce sera, à n’en pas douter, un instrument inefficace et contradictoire. Qui fournira de la sorte d’autres munitions rhétoriques à ceux qui boycottent toute forme de réconciliation. Il ne sert toutefois pas à grand-chose de se borner au pessimisme et à la liste des difficultés, connues de tous et évidentes aux yeux de tous. Un exercice qui n’est que par trop facile à prévoir. La vérité est que l’accord représente, en tout état de cause, une démarche importante qui nous permet de comprendre qui travaille en faveur et qui est contre. Il est dès lors fondamental que le système International puisse tracer des politiques qui tiennent compte de cette “ligne de démarcation politique”. Il faut, en d’autres termes, agir pour augmenter progressivement le consensus et pour satisfaire les ambitions de ceux qui sont restés hors du jeu. Il faut en même temps être prêt à des sanctions croissantes à l’égard des individus aussi bien que des mouvements qui s’obstinent à envenimer les puits du dialogue politique interne. Une tâche tout autre que facile qui voit l’Italie directement engagée. Au bout d’une longue période de prudence - d’aucuns la retiennent trop longue - en décembre, Rome a décidé de guider l’action pour la stabilisation de la Libye, convoquant une conférence internationale le 13 décembre, conférence à laquelle ont participé des dizaines de délégations de pays régionaux et d’autres pays du monde et à laquelle Washington a offert son soutien avec l’arrivée du secrétaire d’état John Kerry. Du reste, aucun pays ne connaît mieux que l’Italie, mieux que nous, la Libye et les libyens. Et aucun pays européen ne possède autant la tradition historique qui nous rapproche en dépit des différences. Eux, nourrisent des rivalités traditionnelles entre tribus et entre leurs trois régions (Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan). Nous, nous avons surmonté des hostilités historiques entre les mille villes qu’accueille l’Italie et nous connaissons bien l’art de la navigation de gouvernements fruis de compromis entre forces politiques différentes. Le besoin d’un rôle de l’Italie Sans nullement vouloir être velléitaires ou entreprendre des initiatives unilatérales douteuses, il est évident qu’une forte action italienne s’impose pour favoriser la naissance de ce gouvernement d’unité nationale dont le premier ministre Fayez el-Serraj, ministre par ailleurs fort discuté, a été reçu par le président du conseil Matteo Renzi il y a quelques jours. Personne ne possède des solutions magiques mais il est fondamental de mettre en place, avec plus de sérieux que par le passé, des programmes d’assistance après conflit et de création d’institutions au niveau de la sécurité. Politique et administrative. En Libye, les forces armées sont extrêmement faibles et perçues comme une quelconque des très nombreuses milices. Il s’impose de travailler pour accroître leur efficacité et leur réputation, s’efforçant d’intégrer les milices intégrables et d’éliminer les milices trop radicales, compromises, ou liées à des groupes djihadistes. Au niveau politique, il faut aider la création d’une administration centrale et locale en partant pratiquement de zéro du fait que le vieux régime avait détruit toute forme d’administration organisée (depuis, les choses n’ont fait qu’empirer), sachant bien qu’il s’agit de programmes d’assistance et de capacity building qui devront avoir une durée très longue et dont les fruits seront, dans la meilleure des hypothèses, incertains. L’alternative de cet effort très difficile qui nous expose avec les libyens mais tout autant avec nos “alliés” occidentaux (lesquels pour l’instant semblent observer avec curiosité ce que font “les italiens”) est l’effondrement définitif de la Libye en tant qu’entité étatique. Chose qui favoriserait plus encore la création de hot spots terroristes à- nos portes, menaçant plus encore notre sécurité.