Dans les Territoires occupés s'est vérifié un processus qui n'est pas définissable selon les termes usuels de «retard» ou de «pauvreté»,et qui a en réalité empêché la formation de forces productives et qui a miné le potentiel économique de la population
Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:50:33
Les dures conditions sociales et économiques des Territoires occupés défient en même temps l'Auto¬rité palestinienne créée récemment et les donateurs internationaux. On ne peut pas comprendre jusqu'au bout l'impact de l'occupation israélienne à travers un paradigme de modernisation ou de dépendance. La politique israélienne constitue en effet un processus de «dé-développement», réalisé à travers une série de mesures qui ont entravé la formation de forces de production et cherché à priver la population de son patrimoine politique et de son potentiel économique. Ce résultat a été obtenu en premier lieu à travers la politique d'«expropriation» et de «spoliation», y compris la tentative israélienne d'exercer un contrôle sur l'eau, la terre et les habitations ; à cela s'est ajoutée une politique de financements et de dépenses ayant pour but d'encaisser des impôts sans encourager en aucune façon les investissements productifs. Une autre série de mesures pourrait être définie «intégration et externalisation». Cette politique a accru la dépendance de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza par rapport au commerce et au marché du travail israélien. Les normes et les restrictions israéliennes ont en même temps miné l'industrie manufacturière locale et le secteur des exportations agricoles. La «dé-institutionalisation» représente la troisième et principale politique. Ce mot exprime des tentatives d'affaiblir et de fragmenter l'éducation, le système bancaire, l'administration locale et les institutions de la société civile. Israël exerce plusieurs niveaux de contrôle légal sur les Territoires occupés. Même si Israël n'a pas de constitution, il possède une Loi fondamentale qui garantit la liberté de culte. Dans la pratique le Gouvernement israélien respecte en général ce droit dans les Territoires occupés.
Toutefois la politique de bloc a souvent réduit la possibilité des Palestiniens d'arriver sur les lieux de culte et de pratiquer leurs religions. La construction du Mur de séparation de la part du gouvernement israélien, en particulier à l'intérieur et autour de Jérusalem Est a lourdement limité l'accès aux mosquées, aux églises et à d'autres lieux saints et fait sérieusement obstacle au travail des communautés religieuses qui offrent l'instruction, l'assistance médicale et d'autres services sociaux humanitaires en faveur des Palestiniens. Ces obstacles n'ont pas seulement concerné les croyants et les organisations religieuses : le gouvernement israélien a mis à exécution des efforts pour réduire l'impact de ces dispositions sur les communautés religieuses. Le gouvernement israélien a confisqué des terrains (en offrant normalement une indemnisation limitée que les églises refusent) appartenant à différentes institutions religieuses, dans le but de construire le mur entre Jérusalem Est et la Jordanie. Selon le gouvernement israélien, on a tenté toutefois, là où cela était possible, de construire le mur sur des terrains publics et là où on a dû utiliser des terrains privés des dédommagements ont été offerts. Le mur de séparation a créé des difficultés aux chrétiens de la zone de Bethléem à se rendre à la Basilique du Saint-Sépulcre à Jérusalem et a rendu de même plus compliquées pour les chrétiens palestiniens qui vivent dans la partie israélienne du mur les visites aux sites chrétiens de Béthanie et de Bethléem, en fragmentant ultérieurement et en divisant cette petite communauté minoritaire.
Les pèlerins étrangers ont rencontré parfois des difficultés à accéder aux Lieux saints chrétiens en Cisjordanie à cause du mur et des restrictions de mouvement apportées par les Israéliens. Le mur et les barrages de police ont aussi empêché les déplacements du clergé vers les églises et les monastères de Jérusalem et de la Cisjordanie, de même que le déplacement des congrégations religieuses de leurs maisons à leurs lieux de culte. Le 15 novembre 2005 Israël a ouvert un nouveau terminal pour passer de Jérusalem à Bethléem pour touristes et non touristes. Après quelques protestations au début pour les longues attentes, le gouvernement israélien a institué de nouvelles procédures de contrôle et a accepté de simplifier l'accès à Bethléem au cours des vacances de Noël, avec des facilités du 24 décembre au 19 janvier. Par exemple, l'autorité palestinienne a enregistré les 24 et 25 décembre 2005 trente mille visiteurs à la Basilique de la Nativité pour diverses célébrations de Noël, l'afflux le plus important depuis l'an 2000. Il est clair qu'un chômage ou un sous-emploi sur grande échelle causent des dommages sérieux au tissu social palestinien et menacent la stabilité économique. En Cisjordanie et dans la Bande de Gaza environ 20.000 nouvelles personnes se présentent chaque année dans le monde du travail. Avec un des taux de croissance de la force de travail les plus élevés du monde (presque quatre pour cent) et avec près de la moitié de la population au-dessous de 15 ans, l'économie palestinienne n'est pas en mesure d'absorber une grande partie des chômeurs actuels et elle pourra difficilement trouver un poste dans les années à venir pour le nombre toujours croissant de jeunes à la recherche d'un premier emploi.
Les pratiques israéliennes et les punitions collectives ont paralysé le commerce, l'agriculture, l'instruction, les services et surtout l'industrie du tourisme, transformant ainsi la grande majorité de nos travailleurs en chômeurs. Le chômage à Bethléem a giclé à 60 %. Le tourisme, qui avait été une fois une des principales sources de revenu pour les habitants de la région, est mort, et la Basilique de la Nativité, l'église la plus ancienne du monde, est déserte. Qu'il suffise de dire que plus de 38 % des habitants de Bethléem vit aujourd'hui au-dessous du seuil de pauvreté, selon une enquête faite par la Chambre de commerce locale. Toutes les épargnes ont été liquidées. Le coût des aliments essentiels pour enfants, tels que le lait et le pain, est hors de la portée de la plupart des familles. Bethléem est aujourd'hui définie une ville économiquement dévastée, selon un communiqué de la Chambre de commerce locale. L'échelle économique est influencée négativement par la situation politique ; le taux de chômage croît chaque jour davantage, et il est la cause de malnutrition parmi les enfants et de détérioration générale de la santé ; tout cela influence la structure sociale et produit des désordres et une croissance de la violence dans les familles, des traumatismes et des tensions psychologiques.
Coûts qui Augmentent d'une Façon Vertigineuse
Le développement des infrastructures est intimement lié au développement de tout autre secteur économique et social. Routes, maisons, eau et égouts, électricité et système de communication, hôpitaux et écoles, constituent les éléments pour le développement de l'éducation, de la santé, de l'industrie, du commerce et de l'agriculture. L'augmentation naturelle de la population due aux taux élevés de natalité et aux bas taux de mortalité grâce à une meilleure conscience sanitaire et à de nouvelles infrastructures se sont sommés à l'influence du processus de paix, créant un boom démographique. La croissance de la population a fait augmenter d'une façon vertigineuse le prix des terrains. Vu que la demande est forte, le coût aussi est élevé. Les restrictions israéliennes font que les Palestiniens ont des difficultés extrêmes à obtenir des permissions de construire sur plus de 70 % des terrains de Cisjordanie, où les plans urbanistiques sont encore sous le contrôle israélien : le contrôle limité de l'Autorité palestinienne sur l'urbanisme a fait croître la demande de terre dans le reste de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza, ce qui s'est traduit en prix et en coûts de construction et de loyer plus élevés. Une demande aussi élevée a pour conséquence des prix élevés. Le mètre le plus utilisé pour comparer le coût relatif des habitations est le rapport entre le prix de la maison et le rendement ; celui-ci est élevé de façon plus significative dans les Territoires occupés que dans d'autres pays du Moyen-Orient dont le niveau de développement est comparable. Un Palestinien quelconque gagne le dixième du salaire d'un citoyen israélien, mais il paie une maison le double par rapport au rendement. Contrairement à d'autres systèmes scolaires comme les écoles des Nations Unies et les écoles publiques, celles du Patriarcat latin et d'autres institutions semblables sur base religieuse vont au-devant de difficultés pour maintenir des services éducatifs de qualité vu qu'il n'existe aucun fond gouvernemental en Palestine ou en Jordanie pour les coûts de gestion ; les écoles agissent dans un milieu économique et social négatif pour la population qu'elles servent ; la fragmentation et l'isolement entre les écoles est en augmentation, surtout dans les territoires palestiniens. Sans oublier les autres groupes qui vivent en Terre Sainte, la communauté chrétienne palestinienne, qui représente environ 1,5 % de la population totale fait partie de l'identité nationale, sociale et culturelle du peuple arabe palestinien. De par son choix et sa naissance la communauté chrétienne est partie intégrante de la cause nationale palestinienne, c'est pourquoi elle partage avec le reste de la société palestinienne le sens de frustration et l'espoir d'un avenir meilleur. Toutefois, vu le particularisme religieux de la communauté chrétienne et le fait que l'émigration massive a fait des chrétiens un groupe en diminution numérique, nous sommes plus vulnérables par rapport aux instabilités sociales, politiques et économiques.
Déracinement prolongé
Des mesures appliquées volontairement par les gouvernements israéliens ces 58 dernières années, y compris les blocs, les obstacles réitérés à la liberté de culte et d'expression religieuse ont déraciné la communauté chrétienne traditionnelle. Pour beaucoup de jeunes Jérusalem est presque un mythe, une ville jamais vue, appartenant au monde biblique. Rome semble plus proche. Or, avec le déploiement de l'Autorité palestinienne dans certaines zones, le risque subsiste, quoique certainement non voulu, que la communauté chrétienne puisse se sentir encore davantage comme une minorité. Un héritage de déracinement prolongé et la sensation d'être une minorité impuissante ne sont pas des bons compagnons de route pour un peuple. Le nombre de personnes faisant la queue pour un visa d'immigration vers n'importe quel pays n'est certainement pas le seul indicateur, de même que le nombre de divorces par an, l'incidence en augmentation de la délinquance parmi les jeunes, la diffusion des drogues, la violence envers les enfants et les femmes, etc. La perte de la foi, la perte de l'espérance et l'inactivité sont les principaux adversaires qui empêchent de faire croître une communauté active, productive et à laquelle tous les citoyens contribuent par leur participation directe. Pendant des années la lutte palestinienne pour l'équité et la justice en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza a assumé la forme, non seulement d'une résistance populaire à l'occupation, mais aussi d'efforts collectifs pour offrir, souvent gratuitement, une série de services d'assistance et de développement qui n'étaient pas fournis par le gouvernement israélien. Aujourd'hui encore, plus de 13 ans après l'institution d'une Autorité palestinienne, les Organisations non gouvernementales palestiniennes mettent à disposition un nombre considérable de services. Elles sont gérées par des groupes ecclésiaux, des organisations de charité, des associations de volontariat, des comités féminins et indépendants. Leur diversité porte en soi un fort élément de pluralisme politique et constitue un élément important pour l'apparition d'une société civile.
A partir de sa naissance en 1846, le Patriarcat latin soutient le bien-être de la communauté chrétienne et de la société palestinienne dans son ensemble. Tout en soulignant la nécessité d'une paix durable, le Patriarcat, en collaboration avec d'autres organisations comme l'Ordre équestre du Saint-Sépulcre, les Chevaliers de Colomb, des groupes ecclésiaux, des Organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, ainsi que des bienfaiteurs individuels a été en mesure de réaliser différents programmes selon une approche holistique qui tient unis développement individuel et communautaire. Il y a des programmes spirituels, éducatifs, sociaux, psychologiques et économiques qui s'ajoutent et répondent aux besoins de quelques communautés visées. Face à ce cadre si obscur qui a été rapidement évoqué, que peut-on faire ? Des prières pour la paix dans la région du Moyen-Orient, des adoptions à distance, des jumelages entre églises, des pèlerinages et une prise de conscience majeure des problèmes constituent des modalités valables d'intervention concrète à brève échéance pour alléger la situation. A longue échéance, d'autre part, notre devoir primordial est d'attirer l'attention des leaders politiques mondiaux sur cette grave situation au moment où ceux-ci sont à la recherche d'une vision commune de la paix. La situation de fait qui représente une violation systématique des droits fondamentaux de l'homme et des normes de droit international est en train d'éliminer petit à petit l'espérance et d'instiller la peur et le désespoir des deux côtés du mur. Les deux nations souffrent. En tant qu'Eglise, nous exhortons les personnes de bonne volonté à mettre fin à ces violations et à faire recours au droit international pour trouver une juste solution. Nous croyons que ce n'est qu'une juste solution qui peut apporter la paix en Terre Sainte, et rallumer l'espoir dans le cœur des gens qui l'habitent.