Paris. Le défi de l'intégration devient plus complexe suite à la nouvelle violence. C’est à partir de la tradition meme de l'Islam que doit naître le dialogue

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:29:36

En janvier dernier, après les tueries à la rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et dans un supermarché juif, j’écrivais pour l’hebdomadaire catholique américain Our Sunday Visitor que les Français pouvaient désormais savoir ce que serait pour eux la guerre au XXIe siècle. Ce qui s’est passé à Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre a donc obéi à une logique déjà en place et à l’œuvre. Il est cependant naturel d’être désemparé par la violence du choc dont la réalité était inimaginable, même si l’hypothèse ne pouvait être ignorée et si l’on avait appris que des agressions d’une sauvagerie identique avaient pu être déjouées. Les défis sont donc posés avec une acuité renouvelée. Le premier est de saisir les motivations de la haine qui suscite des attaques aussi aveuglément féroces. Une vengeance après les frappes des avions français contre l’État islamique n’explique pas tout. Car il semble bien que ces représailles meurtrières aient été conçues et menées par de jeunes hommes nés et élevés en France, qui savaient où et comment faire le plus de mal possible. Il faut dès lors s’interroger sur l’échec de l’intégration de ces enfants et petits-enfants d’immigrés, sur les frustrations qui les ont poussés à partir puis revenir pour tuer autant de gens qu’ils le pouvaient avant de se suicider. D’où la question de savoir si, face à de tels dysfonctionnements, il suffit de brandir à nouveau le drapeau de « valeurs » telles que la liberté, l’égalité et la fraternité de la devise républicaine, en y ajoutant la tolérance, la démocratie, le pluralisme et la sécularisation. En une période de croissance économique quasi nulle, où l’école elle-même est en crise parce qu’on ne sait plus au juste quoi transmettre et qu’elle sert surtout à sélectionner, les différences culturelles et particulièrement religieuses accentuent les marginalisations. Ce qui soulève un troisième problème – peut-être le plus aigu : quelle reconnaissance accorder à l’islam qui est indéniablement présent en France et au nom duquel elle est attaquée ? Nul bien sûr ne songe à prendre prétexte des événements pour en faire l’idéologie de l’ennemi, et les condamnations de la barbarie terroriste par les autorités musulmanes en France n’ont pas manqué. Reste que l’islamisme djihadiste ne peut être considéré comme une aberration qui disparaîtra d’elle-même. Reste aussi que le « culte » musulman (comme le nomme la législation française) ne peut être traité comme le catholicisme auquel l’indépendance du temporel et l’autonomie de l’État ne sont pas étrangères, puisqu’il les a engendrées. Pour donner vraiment leur place à ses citoyens musulmans, la France a donc intérêt à la fois à repenser sa notion de laïcité et à mieux comprendre l’islam – et pas seulement sur son sol, mais encore là où il est dominant, avec ses variantes et ses divisions. On ne peut pas attendre qu’il s’efface ou se coule de lui-même dans les mentalités majoritaires des pays où il constitue une minorité non négligeable. Si l’on ne se résigne pas à un affrontement à mort, c’est dans sa tradition que se trouveront les ressources qui lui permettront de n’être ni maître, ni esclave, mais de respecter et d’être respecté. Et parallèlement, ce n’est pas en le neutralisant au nom de la neutralité de l’État qu’on pourra l’intégrer, car accueillir requiert de connaître et même d’aimer.