Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:49:59

Auteur: Todorov, T. Titre: Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Seuil, Paris 1989 Tr.it.: Noi e gli altri. La riflessione francese sulla diversità umana, Einaudi, Torino 1991 La diversité humaine, admet Todorov, est infinie: voulant l'examiner, par où peut-on commencer ? Le point de départ de cette ample réflexion est axé sur un problème crucial : étant donné le fait de la diversité, « existe-t-il des valeurs universelles et, donc, la possibilité de transférer les catégories de jugement au-delà des frontières, ou bien toutes les valeurs sont relatives (à un lieu, à un moment historique, même à l'identité des individus) ? » (p. 19). Or, l'option universaliste peut s'incarner dans différentes figures. Todorov se concentre - en particulier - sur l'ethnocentrisme qui consiste « à élever, de façon indue, les valeurs caractéristiques de la société à laquelle elles appartiennent, à des valeurs universelles » (p. 19). Contre cette violence herméneutique à laquelle fait souvent suite une violence réelle, Todorov défend un "bon" universalisme, entendu comme « celui qui ne déduit pas l'identité humaine d'un principe, quel qu'il soit, mais qui part d'une connaissance approfondie du particulier et qui avance par tentatives » (p. 30). C'est seulement cet universalisme qui garantit le bon usage de l'identité, justement parce qu'il se base sur au moins deux détails, sur l'institution d'un dialogue entre eux. Dans ce sens, même sans utiliser le terme métissage, Todorov semble offrir un paradigme pour défendre la qualité humaine de la rencontre transformante avec la diversité : « l'universel est l'horizon d'entente entre deux détails ; on ne l'atteindra peut-être jamais, il faut néanmoins le postuler pour rendre intelligibles les détails existants » (p.30). Le voyage dans la diversité humaine assume alors divers aspects, selon le type de "voyageur" que nous incarnons. Todorov en énumère dix : 1) l'assimilateur, « celui qui veut modifier les autres pour qu'ils lui ressemblent » (p. 377) ; 2) le profiteur, qui spécule sur l'altérité des autres à son avantage exclusif (p. 378) ; 3) le touriste, qui est un « visiteur pressé, qui préfère les monuments aux êtres humains » (p378) ; 4) l'impressionniste, « un touriste très perfectionné », qui élargit son horizon aussi aux autres êtres humains, mais qui a en commun avec le touriste « le fait de rester le seul sujet de l'expérience » (p. 379) ; 5) l'assimilé : « il se rend chez les autres, non pas pour les rendre semblables à lui, mais pour devenir comme eux » (p.380); 6) l'exotique qui veut jouir du bonheur fragile de l'"extranéité", en se tenant le plus possible loin des automatismes de la vie quotidienne, mais en évitant en même temps l'assimilation (p.381) ; 7) l'exilé, « qui considère sa propre vie à l'étranger comme une expérience de non appartenance à son milieu et qui la préfère justement pour cette raison » (p. 382). L'exilé, contrairement à l'exotique, est étranger de façon non plus provisoire, mais définitive ; 8) l'allégoriste, qui « parle d'un peuple (étranger) pour discuter de toute autre chose - d'un problème qui concerne l'allégoriste lui-même et sa propre culture » (p. 383) ; 9) le désenchanté, celui qui, « parti pour les antipodes, a découvert que le voyage n'était pas nécessaire, qu'on pouvait apprendre autant et davantage en se concentrant sur le familier » (p. 384) ; et enfin 10) le philosophe, dont le précepte serait : « observer les différences pour découvrir les propriétés » (p. 385). En admettant qu'il ait jamais existé, le voyage philosophique semblerait alors être caractérisé par deux traits fondamentaux : l'humilité et l'orgueil, les leçons à prendre et les leçons à donner, en vue de la découverte de ce qui est proprement humain. Et ce n'est pas un hasard que cette galerie de portraits se termine avec la figure du philosophe : c'est ici que Todorov définit la possibilité de penser un "humanisme bien tempéré", c'est-à-dire remis continuellement en discussion par des « valeurs et des principes venus de l'extérieur » (p.435). C'est ainsi seulement que l'universalisme ne devient pas ethnocentrisme, car il ne fait pas de nouvelles hypothèses sur la nature humaine, mais il reste un « universalisme de parcours », lié à la «nécessité de postuler un horizon commun aux interlocuteurs du débat, si on veut que ce dernier serve à quelque chose » (p. 427).