Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:52:39

Au cours d'une réunion d'évêques catholiques de pays islamiques d'il y a quelques années la nécessité de disposer d'instruments culturels adéquats pour nourrir les chrétiens de ces terres a été mise en évidence. En outre les textes de penseurs tels que Guardini ou De Lubac, Guitton ou Lewis ne sont pas disponibles en langue arabe et l'accès à leur lecture reste difficile. Il y a bien sûr la langue anglaise et la langue française, souvent utilisées par ceux qui ont un niveau moyen d'étude, mais ces langues occidentales ne facilitent pas le processus de la transmission culturelle de la foi qui apparaît nécessaire. La langue n'est pas un simple instrument de compréhension, elle est aussi un moyen irremplaçable de comparaison et un facteur indispensable de la personnalisation et de la communion sans lequel il est difficile de donner de la substance à la foi et surtout de donner sa forme à une Église. A l'occasion de sa rencontre avec la communauté musulmane de la Grande Mosquée des Omeyyades à Damas le 6 mai 2001, le Saint Père affirma que «les lieux de prière chers aux musulmans comme aux chrétiens, sont comme des oasis où ils vont à l'encontre de Dieu Miséricordieux le long du chemin pour la vie éternelle, et de leurs frères et sœurs dans le lien de la religion». L'image de l'oasis comme lieu de repos, de halte et de paix qui permet la rencontre avec Dieu et avec nos frères, nous est offerte comme une claire indication de travail. C'est de cette double circonstance qu'est née l'idée de créer un instrument: La Revue Oasis. L'intention première d'aller au-devant de la soif de culture des chrétiens des pays musulmans s'est précisée par la suite. Un premier élargissement des objectifs sur des critères de quantité et de géographie a été établi au départ. On a pensé introduire la langue ourdou, surtout pour le Pakistan. Sans renoncer à d'autres langues à l'avenir (comme par exemple l'indonésien), cette solution nous est apparue comme une première médiation réaliste entre une perspective idéale de diffusion et les possibilités actuelles. Au moment où les techniciens de la rédaction se sont mis concrètement au travail, nous avons été amenés petit à petit à élargir encore nos horizons. Prenant tout d'abord en considération le point de vue des destinataires, nous nous sommes rendu compte qu'il eût été utile d'établir quatre versions bilingues, dans l'ordre: italien-arabe, français-arabe, anglais-arabe et anglais-ourdou, ce qui nous a amenés à préciser notre objectif de départ dans le sens de la qualité. Nous avons réalisé que Oasis doit tendre à faciliter un échange théologique et culturel organique entre les chrétiens des pays européens anglophones, francophones, de langue italienne, moyen-orientale, nord africaine, arabe et urdu. (sans exclure les membres d'autres religions). En tant que sujet et instrument d'expression Oasis peut en quelque sorte favoriser la naissance d'un élément de communion dont les membres sont les chrétiens d'Occident, du Moyen-Orient, d' Extrême-Orient et d'Afrique. Cela nous amènera tout d'abord à nous écouter réciproquement, à nous connaître, à nous comprendre. La conséquence importante qui en découlera sera celle de nous aider à affronter le phénomène "musulman" et celui des grandes religions en général. Cet instrument pourra en même temps former les baptisés qui vivent dans des pays traditionnellement chrétiens pour qu'ils soient en mesure d'aller au-devant des musulmans et des hommes d'autres religions qui vivent désormais en Europe et en Amérique (du Nord, centrale, du Sud). L'objectif qu'Oasis se propose d'atteindre est certainement ambitieux et complexe. Sans vouloir céder à la tentation intellectualiste de penser qu'il suffit de trouver des clés d'interprétation, la revue ne peut être que l'expression d'un sujet communautaire résolu à entreprendre un parcours de travail commun. Ce sujet est représenté fondamentalement par un groupe d'éléments qui comprend le Comité Promoteur, le Comité Scientifique, la Rédaction de la revue et du Studium Generale Marcianum, réalité de l'Église de Venise qui a pris en charge la promotion directe du projet. En résumé, Oasis veut constituer l'expression culturelle d'un réseau de relations nées de la communio catholica, qui sache assumer les responsabilités et les devoirs qui s'imposent aux chrétiens en tenant compte des complications qui surgissent à l'horizon politique des rapports Est-Ouest. Son identité catholique reconnaît l'œcuménisme, la théologie des religions, le dialogue entre les religions et l'ouverture à toutes les cultures en tant que dimensions irremplaçables et intrinsèques à sa propre nature. De l'an 2000 à aujourd'hui, il est clair que la situation géopolitique globale du Moyen-Orient et des pays à majorité musulmane s'est considérablement détériorée. A cause du terrorisme et de la guerre la gravité de la crise internationale est sous les yeux de tous. La situation des communautés chrétiennes est mise durement à l'épreuve dans de nombreux pays du monde. Nous sommes convaincus que le devoir primordial et inéluctable à accomplir est celui de tenter de connaître et de comprendre. La complexité du contexte historique et ecclésial dans lequel nous nous trouvons est en effet de plus en plus évidente. Nous ne pouvons plus le définir de façon exhaustive comme simple terme de comparaison entre ethnies, cultures et religions. Il faut repérer ensemble rapidement d'autres dimensions pour comprendre la demande qui se trouve derrière l'urgence qu'apporte ce nouveau mélange entre les peuples à laquelle l'Auteur de l'histoire semble vouloir appeler l'humanité. Si nous pouvons nous permettre une métaphore audacieuse, nous parlerons d'une sorte de "métissage de civilisations" de façon à ce que la rencontre ne se transforme pas en collision. Le terme métissage doit être entendu au sens figuré de mélange de cultures et de faits spirituels qui se produisent quand des civilisations différentes entrent en contact. Nous avons du reste en commun la nature humaine sur laquelle s'appuie la famille des peuples. Quant à nous, nous estimons que des concepts foncièrement occidentaux tels que "réciprocité", "tolérance" et "intégration" s'avèrent insuffisants. Non seulement pour indiquer les valeurs auxquelles ils renvoient, mais surtout parce qu'ils n'arrivent pas à penser et à communiquer. Si nous considérons ces termes avec une plus grande attention, derrière ces concepts peut se cacher, surtout en Occident, la tentation d'épargner l'urgence d'exposer sa propre personne au profit de la liberté individuelle et de l'organisation des peuples. Ces concepts pourraient être utiles pour indiquer les limites de la survie humaine mais pas pour concevoir les bases de cette nouvelle interpénétration planétaire qui aura besoin d'un ordre nouveau et d'un gouvernement mondial. Bien que dans un autre contexte, Lewis affirmait avec perspicacité: «L'égalité protège la vie, mais ne la nourrit pas. C'est un médicament, mais pas un aliment». En effet parler de "tolérance", de "réciprocité" et "d'intégration", ne peut pas suffire. Il nous semble par contre nécessaire d'introduire une autre catégorie, celle du "témoignage". Celui-ci met immédiatement en jeu tout homme et toute femme, il les appelle à s'exposer, à payer de leur personne, à ne pas décider à l'avance jusqu'où arriver dans la rencontre et le dialogue. Il faut toutefois savoir le traduire dans des termes et des formes réelles de nature culturelle, sociale et politique en vue de "la bonne vie" des peuples et pour le bien de l'Église. Ces objectifs sont à poursuivre sans fuites utopiques et intellectualistes. Nous sommes parfaitement conscients de l'audace du projet que nous envisageons de réaliser. Nous y plaçons toute notre confiance.