« C’est comme si prière et culte pour les chrétiens étaient un crime » écrit le pape copte Tawadros II

Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:25:27

La présence du Christianisme en Égypte remonte à la moitié du premier siècle après J.-C. lorsque l’apôtre Saint Marc arriva à Alexandrie venant de la Libye toute proche, son lieu de naissance, après être devenu disciple du Christ à Jérusalem, en Palestine. Saint Marc fut martyrisé à Alexandrie en 68 après J.-C. Il fut l’un des fondateurs de l’Église égyptienne connue comme Église copte orthodoxe – chaire d’Alexandrie. Le Christianisme se répandit partout en Égypte. Dès la fin du premier siècle, selon la tradition, l’Égypte était chrétienne du nord au sud, de l’occident le plus lointain à l’orient le plus lointain, sans oublier les oasis, les déserts et les campagnes. De nombreux temples païens furent transformés en lieux de la chrétienté. Bien des temples, des mausolées et des sanctuaires devinrent des églises où les chrétiens se réunissaient, surtout pendant les siècles de persécutions au terme desquelles ils commencèrent à édifier les églises pour les fidèles. Naturellement, le problème des lois et des réglementations ne se posait pas encore à l’époque. Cette situation se poursuivit même après l’arrivée de l’Islam en Égypte au VIIe siècle après J.-C. De temps à autre, il arrivait aux chrétiens de subir la répression de gouvernements impitoyables mais le pays connut également des moments de tolérance, d’amitié et de bonnes relations. Les ruines chrétiennes et les anciennes églises éparses un peu partout en Égypte, en particulier celles visitées par la sainte famille, témoignent de la prolifération des lieux du culte dans les villes, dans les villages et dans les déserts. Cet état de choses dura tant bien que mal jusqu’au moment où le pays fut mis à dure épreuve par la violence, par la persécution et par le fanatisme de l’impérialisme ottoman. En 1856, fut proclamé le « rescrit impérial (khatt humāyūn) », une loi qui plaçait la construction des églises sous la juridiction de la première autorité du pays à savoir le khédive, le roi ou le président. La construction des églises devint donc une prérogative du pouvoir et finit par constituer une exception non justifiable par rapport à la construction de tout autre édifice sur le sol de l’État. De nombreux gouvernants se succédèrent sans pour autant modifier cette loi qui resta en vigueur même après la proclamation du Royaume d’Égypte. En 1934, le secrétaire du ministère de l’Intérieur de l’époque al-Ezabi Pacha ajouta à la loi dix conditions. La construction de l’église devenait une question extrêmement difficile qui exigeait de longues années et des procédures très complexes. Cet état de choses se prolongea jusqu’à la révolution et la naissance de la République en juillet 1952, il y a soixante-quatre ans de cela, lorsque les problèmes se reproduisirent. Les esprits bornés et les fanatiques eurent tôt fait d’exploiter cette loi et ces conditions pour suspendre, dans un nombre infini de lieux, la construction des églises. Il est, fort probablement, des villes qui continuent même à présent à subir cette injustice bien qu’elles soient habitées par de très nombreux égyptiens coptes. Nous avons pu assister fréquemment à des épisodes dits de « sédition confessionnelle », qui ont abouti à des affrontements, de la douleur et des blessures infligées en plein cœur aux citoyens coptes non sans avoir alimenté en eux la sensation d’être des citoyens d’un niveau inférieur par rapport à leurs frères malgré leur longue histoire. En 1972 avec le début de la présidence d’Anouar el-Sadate et le pontificat du Pape Chenouda nous assistons à des épisodes alarmants dans la zone d’al-Khanka, dans la banlieue du Caire. À l’époque, le pays se préparait à la guerre d’octobre 1973. Ces événements ont mis en péril la cohésion du front interne, pilier assurant l’existence de la nation, ce qui poussa le président Sadate à former une commission d’enquête présidée par Jamal al-Oteify, ancien vice-président de l’Assemblée du Peuple. La commission rédigeait un rapport, connu sous le nom de « rapport de la Commission Oteify », dans la tentative de résoudre cette question épineuse. Le rapport comprend une explication détaillée des causes des restrictions prévues pour la construction des églises en les encadrant dans les dix conditions, dépourvues de tout fondement juridique, établies par un fonctionnaire gouvernemental et dans le décret racial autrement dit la loi ottomane, restée en vigueur bel et bien 116 ans, de 1856 à 1972. Le rapport propose notamment des remèdes efficaces à la « sédition confessionnelle », telle que définie dans plus de trente pays mais il est resté à ce jour, malheureusement, lettre morte. Avec la grande explosion démographique, l’édification des églises devient un objectif extrêmement difficile à atteindre et se heurte à la résistance de plus d’un politique animé de raisons purement discriminatoires et arbitraires, ce qui implique une très grande blessure dans le corps même de la nation. Il ne se passe pas d’année, pas une seule, sans entendre parler de ces vicissitudes et il est de ceux qui les livrent sur un plat d’argent aux ennemis de la nation pour accroître le mal, la douleur et l’affliction en Égypte, patrie de l’amitié, de la tolérance et de la coexistence pacifique. Bien que la solution fût claire dans le rapport de la commission Oteify, elle n’a pas été mise en pratique pendant près de quarante ans. Avec les crises de plus en plus étendues, liées à la concession de lieux de culte aux chrétiens égyptiens et malgré l’émanation de certains décrets qui pourraient apparemment passer pour des facilités, à ce jour, le problème des procédures exigeant de longues années pour leur application, est resté sans solution. C’est comme si la réunion, la prière et le culte étaient, pour les chrétiens, un crime et comme si le chrétien égyptien ne pût trouver son Seigneur dans le culte qu’à la suite d’une autorisation ou d’un décret dont il doit attendre la délibération. Face aux événements qui se sont produits ces dernières années dans la vie de la nation, les révolutions et la préparation des constitutions, le besoin s’est présenté de promulguer une loi régissant la construction des églises et garantissant la liberté de culte aux égyptiens chrétiens. À ce propos, l’article 522 de la Constitution prévoit l’obligation de l’Assemblée des représentants de légiférer en la matière, à la première session. Les églises égyptiennes ont institué une commission pour définir les lignes directrices de cette loi présentée au ministère de la Justice de transition, avant de la soumettre à l’approbation de l’Assemblée des représentants qui évalue sa validité et sa capacité de résoudre les problèmes qui se sont accumulés en 260 années autrement dit, ni plus ni moins, depuis l’adoption du « rescrit impérial ». Nous souhaitons quant à nous que l’infinité de projets, de discussions et de propositions se traduisent par une loi qui soit une vraie loi, sans complications, et non pas par des articles à la belle forme mais d’un teneur ambiguë ou comme cela se dit en dialecte égyptien, « un gâteau farci de verre » [torta bihā zugāg]. L’Église est une institution spirituelle vouée à sauver l’homme du péché mais elle est tout autant une institution sociale au service de la société. Aussi, aspirons-nous à une loi très claire dans tous ses articles, une loi ouvrant un nouveau chapitre dans la réglementation de cette matière, une loi qui mette le mot fin à tout ce qui a existé auparavant. Une loi qui ne fasse pas de discriminations entre les citoyens, qui se tienne loin des administrations imposant une hégémonie inacceptable, loin de sensibilités et d’hypothèses irréelles. L’histoire nationale de l’Église égyptienne témoigne du rôle actif qu’elle a joué à travers vingt siècles. Elle témoigne que l’Église égyptienne est bel et bien une institution nationale dans toute son essence, préoccupée qu’elle est de la sécurité de la nation, de la protection et de la conservation de la cohésion et de l’unité interne. Le rôle des coptes égyptiens et de leur Église est reconnu dans le pays tout comme à l’étranger. C’est sur ces bases que nous prions et nous attendons une loi juste. D’autant plus que nous vivons dans une nouvelle ère où les rapports entre les institutions de l’État sont bonnes. Nous nous devons de bâtir notre Égypte, l’Égypte qui nous est chère et qui jouit de l’estime de toutes les nations. [Traduction de l'original arabe]