Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:39:20

Le Cardinal Onaiyekan, qui a évoqué de sa voix puissante le sang versé au Nigéria par la folie meurtrière de Boko Haran. Mgr Lahham, évêque d'Amman, qui a raconté -il en a été témoin- l'arrivée en Jordanie de centaines de milliers de réfugiés provenant de tous les pays avoisinants, surtout de Syrie, et des risques de déstabilisation qu'une présence aussi massive implique. Mgr Daccache, recteur de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, qui a analysé la préoccupation devant la montée des violents affrontements sectaires au Liban: tous trois ont été, aux cotés d'autres personnalités venues d'Asie, d'Europe et des Etats-Unis, les protagonistes du Comité Oasis à Milan, ville choisie pour cette 10ème rencontre. Il ne s'agissait pas d'utiliser cette capitale de l'Occident comme un “laboratoire” d'expériences marquées d'intellectualisme et d'abstractions, détachées de la réalité, mais bien de se greffer sur l'expérience concrète d'une ville plurielle, où l'on peut constater chaque jour, à différents niveaux de la vie et de l'espace public, le thème choisi pour la rencontre: “Sur la ligne de crête. Chrétiens et musulmans entre sécularisation et idéologie”. Et c'est justement au cœur de l'Université de Milan, où se tenait la manifestation, que l'une des thèses d'Oasis semble avoir trouvé confirmation: à savoir que les problèmes que l'on vit en Orient et en Occident ne sont pas si distants que l'on imagine, parce que les frontières se sont désormais comme mélangées (et métissées). Les travaux -interventions scientifiques et témoignages- ont vu se dessiner l'émergence, pour la première fois sans doute aussi dans de telles proportions, d'une grammaire commune, utilisée pour affirmer que l'homme d'aujourd'hui, où qu'il se trouve, ne peut vivre sans tenir compte de la question du facteur “religieux”. Qui tente, volontairement ou non, de l'expulser, mutile la société elle-même. La lecture de situations et événements faite par des personnalités comme Ramin Jahanbegloo, politologue iranien qui vit au Canada parce que persécuté et torturé dans son pays, ou Jawal al-Khoei, arrivé de Najaf, la ville sainte des chiites en Iraq, ou le philosophe français Rémi Brague, approfondissant la réflexion sur les mots-clés sécularisme-sécularisation-idéologie, ont brossé un tableau dont le cardinal Scola a tiré les conclusions: tous, chrétiens et musulmans, “nous devons avoir le courage de montrer que l'expérience religieuse est une expérience opportune, qu'elle a une grande correspondance avec la soif de vérité, de bonté et de beauté qu'il y a en l'homme d'aujourd'hui, qu'il soit sécularisé ou pas”. Un homme, a observé l'Archevêque de Milan et Président d'Oasis, ne peut vivre cinq minutes sans se confronter et tenir compte de la dimension religieuse de sa vie, “parce que la question du sens de la vie est une question fondante, dans la mesure où elle fait émerger les questions ultimes de l'existence, auxquelles nul ne peut jamais se dérober”. Certes, il faut s'interroger -et l'action d'Oasis est orientée également en ce sens- sur ce qu'est l'expérience élémentaire et religieuse. Les grands débats actuels autour des blessures infligées à la famille, autour du manque de travail, offrent une piste: ce sont des thèmes qui touchent ce dont les hommes vivent. Des problèmes qui le mordent dans sa chair. C'est pour cette raison que “nous avons une action à mener publiquement”, a rappelé l'Archevêque de Milan aux amis d'Oasis venus du monde entier: refuser la neutralisation du fait religieux qu'une certaine conception du pouvoir tente de promouvoir, aussi bien en Europe qu'au Proche Orient, où les processus d'islamisation eux-mêmes sont indirectement touchés par cette maladie qu'est le sécularisme. Et témoigner de l'opportunité de la foi. Voilà donc que ce dont nos sociétés plurielles ont semble-t-il besoin, c'est non point d'hommes tous homogénéisés, mais de chrétiens et de musulmans qui vivent vraiment au plus profond de leur foi, et qui assument leur expérience religieuse à 360 degrés. Mais pour que ce soit possible, il faut que l'on touche la valeur concrète de ce propos -c'est-à-dire quand un chrétien perçoit et expérimente Jésus Christ comme universel, singulier, concret dans sa vie. C'est là le tournant décisif. Présomptueux, le titre choisi cette année par le Comité Oasis? Quelqu'un en a jugé ainsi -et il avait peut-être raison. Mais grâce à ceux qui se sont investis à plein et mis en jeu, soutenus par leur expérience personnelle, cet événement multilingue a réservé aux membres d'Oasis et aux milanais qui ont voulu y prendre part, un défi radical qui constitue, et continuera à constituer, leur point de référence.