Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:49:39

Dans l’île de Jolo, forteresse des terroristes d’Abû Sayyâf, « groupe rebelle » musulman lié à Al-Qaïda, l’Évêque local S.E. Mgr. Angelito Lampon a inauguré récemment un nouveau centre Silsilah, pour la promotion de l’harmonie sociale et religieuse dans l’archipel. Il s’agit d’un pas d'espoir dans le contexte philippin, caractérisé depuis plus de 60 ans par le conflit islamo-gouvernemental. Si les rapports entre le gouvernement philippin et les groupes officiels de la guérilla musulmane, tels que le Front Moro National de Libération ou le Front Moro Islamique de Libération, ont connu des hauts et des bas mais sont lancés vers un long processus de paix, de toute autre espèce demeure le rapport avec Abû Sayyaf, qui dès les années ’90 a engagé une lutte armée anti-gouvernementale avec massacres, enlèvements et égorgements au nom d’Allah pour en arriver à la séparation de l’île de Mindanao tout entière du reste des Philippines et à sa transformation en république islamique. Aux initiatives de paix gouvernementales s’ajoutent celles de l’Église catholique, des communautés protestantes et du leadership religieux musulman. En 1996 fut créé le Forum des Évêques et des Ulamâ , qui se proposait de discuter annuellement de thèmes plus amples que celui de la seule question politique de négociation entre le gouvernement et les groupes rebelles musulmans. Le Forum est aujourd’hui constitué d’Évêques catholiques, protestants et « ulamâ », provenant de presque toute Mindanao, et il a bien saisi que le processus de paix n’est possible qu’à travers la solution des problèmes politiques et d’identité des minorités religieuses musulmanes et tribales à l’intérieur du plus ample contexte de l’état républicain philippin. Cela comporte un travail de dialogue politique, mais davantage culturel et interreligieux entre chrétiens, musulmans et Lumad (les populations traditionnelles présentes à Mindanao). Acteur et modèle du dialogue que cette conférence poursuit est l’expérience du mouvement Silsilah, une communauté composée de musulmans et de chrétiens qui dès les années quatre-vingts soutenait l’éducation au dialogue de vie entre les deux communautés religieuses, à travers un parcours précis de vie dans le dialogue avec Dieu, avec soi-même, avec l’ « autre », avec la société et avec la création. Selon Silsilah pour vivre un dialogue sincère, d’attention aux problèmes des gens et solidaire avec leur besoin, il est nécessaire d’assumer une attitude dialogique avec la réalité : Dieu veut le dialogue avec nous pour nous ouvrir au dialogue avec Lui. C’est de là que débute la transformation spirituelle de l’individu, dans la redécouverte quotidienne de sa propre identité de personne aimée de Dieu, capable d’aimer également ceux qui vivent une expérience religieuse différente de la sienne. Pour le mouvement Silsilah c’est uniquement de cette façon que l’on pourra obtenir une transformation de la société vers la paix.D’expériences de dialogue similaires au Silsilah il y en a partout à Mindanao : Duyog Ramadhan, qui amplifie la connaissance de l’Islâm modéré ; la « semaine pour la paix », où musulmans et chrétiens exhortent de concert à la réconciliation à travers les arts et les rencontres culturelles ; Peace Advocates of Zamboanga, un groupe de chrétiens, qui avec leur équivalent musulman sont engagés sur le front du respect des droits humains et des minorités. Ces réalités et d’autres encore, notamment présentes dans le cadre universitaire, encouragent des gestes de paix concrets pour la réconciliation entre les trois populations de Mindanao. De petits gestes de paix dans une mer de violence, en tant que signes de cet espoir indiqué dans le nom même de Mindanao, soit « l’île de l’espoir ».