Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:48:40

Auteur: Samir Khalil Samir Titre: Les raisons de ne pas craindre l’Islam Éditeur: Presses de la Renaissance 2007 Édition anglaise: 111 Questions on Islam Éditeur: Ignatius Press 2008 Publié pour la première fois en langue italienne par Marietti en 2002, Les raisons de ne pas craindre l’Islam a connu un succès éditorial notable : outre aux récentes traductions françaises et anglaises, le texte a été aussi édité en espagnol sous le titre Cien preguntas sobre el Islam (Encuentro, Madrid 2003). La raison de ce succès réside sans doute dans l’actualité du thème et en même temps dans la méthode d’exposition adoptée. Deux journalistes spécialisés posent à un des majeurs islamologues catholiques ces questions qui, de manière confuse ou explicite, sont aujourd’hui à l’ordre du jour : qui est Mohamed, quels sont les fondements de la foi islamique, qu’est-ce vraiment le jihâd et ainsi de suite. En un peu plus de cent questions, les journalistes parviennent à condenser la majorité des -sujets aujourd’hui au centre du débat médiatique. L’auteur de son côté, ne se retire pas devant les provocations en se retranchant derrière les termes techniques et les philologismes, comme souvent c’est le cas des domaines académiques lorsque sont abordés des arguments brûlants. L’Islam est un de ces thèmes qui demande une plus grande préparation pour écrire une œuvre divulgatrice que pour un article hyperspécialisé. Le point de vue adopté est celui d’un arabe de foi chrétienne et de culture musulmane. C’est l’auteur lui-même, presque en passant, qui fournit ce surprenant autoportrait, répondant à une question sur l’Islam européen : « Moi, Arabe chrétien, je suis culturellement musulman » (p. 143). L’ouvrage est divisé en cinq grandes sections: la première, Les fondements, examine brièvement la figure de Muhammad et le livre sacré des musulmans, en concluant par une vue panoramique des cinq piliers de l’Islam. Parmi les lieux communs démystifiés, on doit certainement citer celui qui est propagé aujourd’hui tant par une frange de la littérature occidentale que les courants fondamentalistes islamiques, qui ferait de Allâh un nom propre du Dieu musulman, égal au YHWH de l’Ancien Testament. La deuxième et la troisième sections intitulées L'Islam peut-il changer? et Le défi des droits affrontent des questions épineuses comme l’autorité religieuse, le jihâd, le rapport avec la modernité. En résumé, l’opinion de l’auteur, proche du reste des idées exprimées par certains réformistes musul-mans comme Muhammad Mahmud Taha, est que dans les textes fondateurs de l’Islam se trouvent des passages qui exhortent à la paix et à la concorde à l’égard des fidèles des autres religions, mais aussi des passages au ton nettement plus belliqueux et violent, qui, parce qu’ils sont chronologiquement successifs, seraient plus importants au plan légal, du moins selon l’exégèse courante. L’Islam n’a pas encore élaboré une interprétation unitaire de ces passages et chaque groupe tend à soutenir ses propres idées « à coups de versets », en valorisant une partie de la tradition au dépend de l’autre. Par rapport à l’Islam européen, auquel est consacrée la quatrième section, l’auteur expose une théorie personnelle que nous pourrions définir « de la mayonnaise » : « Étant de tour de cuisine, je devais préparer la mayonnaise pour la communauté des jésuites avec lesquels je vivais. Étant donné qu’il s’agissait de cent cinquante personnes et qu’il n’y avait pas de fouet électrique à cette époque, l’affaire n’était pas simple [...]. C’était une opération délicate qui dépendait surtout de la capacité à amalgamer les ingrédients afin d’obtenir un “ noyau dur ” qui permette l’assimilation progressive de cinq litres d’huile. [...] Il est de même avec la société : c’est uniquement si un “ noyau dur ” initial est assuré, un fond anthropologique, que les communautés étrangères peuvent se mélanger » (pp. 173-174). L’échec des politiques multiculturalistes invite certainement à diriger la recherche dans cette direction.Et c’est dans la cinquième section consacrée au dialogue islamo-chrétien, que le lecteur trouve explicité le principe qui inspire tout le texte : « Non aux faux-semblants, oui à l’amour de la vérité ». Malgré de graves difficultés et incompréhensions, il semble que ce principe soit désormais considéré aquis dans les plus récentes initiatives de dialogue. L’amour pour la vérité impose d’affronter, de la part des deux parties, les arguments même les plus dérangeants, mais cela ne pourra être réalisé avec succès que si ce sera accompli en un esprit de charité.