La bande subsaharienne est une région qui fait rarement la une des journaux. Elle représente pourtant pour l’Europe une zone d’une importance cruciale pour l’immigration et la sécurité

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Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:04:51

La bande subsaharienne est une région qui fait rarement la une des journaux. Elle représente pourtant pour l’Europe une zone d’une importance cruciale pour les questions touchant l’immigration et la sécurité. Jusqu’ici, les accords signés entre Bruxelles et les gouvernements locaux n’ont pas aidé les populations ni résolu les instabilités régionales.

Libye, Tunisie, Égypte, Turquie : pays sur lesquels se concentre l’attention européenne lorsque l’on parle de l’urgence migratoire. Le Sahel – tous ces pays de la bande subsaharienne qui, de la mer Rouge, s’étendent vers l’Atlantique, du Soudan au Mali – a rarement les honneurs de la chronique : et pourtant, c’est là que des facteurs économiques et climatiques, des conflits locaux et le terrorisme de matrice djihadiste créent des situations d’urgence avec lesquelles l’Europe, à court et à long terme, devra faire ses comptes. Car il s’agit des lieux d’où proviennent, ou que traversent, la quasi-totalité des immigrés qui ont ces dernières années gonflé les flux de la Méditerranée centrale : Nigeria, Érythrée, Gambie, Guinée, Soudan et Côte d’Ivoire, Somalie, Sénégal et Mali... Ces mouvements migratoires plongent leurs racines dans le Sahel et c’est dans les villes et le long des pistes de cette région qu’il faut aller chercher les dynamiques qui sous-jacentes au trafic d’êtres humains en direction de l’Europe.

L’Union européenne, au cours de ces deux dernières années, a déployé un activisme frénétique et d’urgence, afin d’arrêter les flux migratoires vers l’Europe. À cette fin, elle a entrepris des négociations serrées avec les pays de transit (Turquie, Niger, Soudan, notamment) afin de leur remettre la gestion des migrants[1].

Jusqu’à présent, les accords résultant de ces négociations n’ont pas eu l’effet souhaité : à l’exception (peut-être provisoire) de l’accord avec la Turquie, les arrivées ne se sont pas arrêtées, et les départs eux aussi se poursuivent sur un rythme élevé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (UNHCR), entre janvier et août 2016, les personnes recensées arrivées en Europe par les routes méditerranéennes ont été plus de 280 000, à peine moins que le chiffre-record de l’année précédente (350 000 pendant les 8 premiers mois). Plus de 160 000 d’entre elles ont débarqué en Grèce, et près de 120 000 en Italie, provenant, en majorité absolue, de la Libye[2].

 

La route de la Méditerranée centrale

Sur la route de la Méditerranée centrale, la pression migratoire est restée à peu près inchangée[3]. Si cette ligne directrice bénéficie de moins d’attention que la ligne orientale, plus « attirante » pour les médias parce que les gens qui l’utilisent proviennent essentiellement de zones de guerre qui sont sous les feux des projecteurs, elle n’en est pas moins importante, et constitue une source de préoccupation pour les législateurs européens, et surtout italiens. La trajectoire de la Méditerranée centrale a, comme terminal premier sur le continent africain, la côte libyenne, et l’Italie comme terminal européen, étant donné que les embarcations secourues en mer en ce moment sont dirigées vers les côtes italiennes, en particulier à Lampedusa et sur les côtes méridionales de la Sicile.

On a beaucoup parlé de la situation en Libye, on a peu réfléchi en revanche sur les pays de la bande du Sahel. Or ces derniers sont les zones d’où proviennent la quasi-totalité des gens qui suivent l’itinéraire de la Méditerranée centrale, surtout depuis que, en 2015, une grande partie des Syriens et des gens du Moyen-Orient en fuite devant les conflits ont abandonné la route dangereuse de la Méditerranée centrale pour choisir celle de la Turquie et de la Grèce. Les données sont claires : les pays les plus représentés parmi les personnes qui débarquent en Italie aujourd’hui sont le Nigeria (20 %), l’Érythrée (12 %), la Gambie, la Guinée, le Soudan et la Côte d’Ivoire (7 %), la Somalie, le Sénégal et le Mali (5 %)[4].

La politique européenne a adopté vis-à-vis des flux migratoires d’Afrique une approche qui tend vers l’unanimité : celle de les endiguer. À cette fin, il y a eu une série de rencontres entre Europe et Afrique, au niveau continental, régional et bilatéral. La diplomatie italienne a souvent joué un rôle central, du fait notamment de la position de l’Italie dans la Méditerranée. Ces rencontres ont culminé en novembre 2015, avec le sommet sur les migrations entre l’Union européenne et l’Union africaine (UA), qui s’est tenu dans la capitale maltaise, La Valette. La conférence se proposait de

combattre les causes structurelles des migrations illégales, d’augmenter la coopération sur la migration légale et la mobilité, de renforcer la protection des migrants et des demandeurs d’asile et de combattre l’immigration illégale, la contrebande et le trafic d’êtres humains[5].

Mais la rencontre de La Valette (comme du reste différents autres « processus » sous-régionaux précédents)[6], par-delà les proclamations de façade, a donné des résultats maigres et incertains. Les diplomaties impliquées n’ont pas su analyser les véritables dynamiques territoriales, ni en ce qui concerne l’origine des phénomènes migratoires africains, ni en ce qui concerne les trafics à travers les pays de transit[7]. Et cela pour une multitude de raisons politiques, que l’on peut résumer dans le fait que l’UE a cherché à endiguer le flux des arrivées pour calmer une opinion publique intérieure exacerbée par des rhétoriques populistes, tandis que, de leur côté, les pays africains d’origine et de transit des migrants se sont montrés intéressés uniquement à recevoir des aides de coopération, et non à discuter et affronter la situation.

La faiblesse évidente de l’Action Plan produit à La Valette n’a pas empêché ce document de servir de levier pour ce que l’on appelle le Migration Compact, plan européen de lutte contre l’immigration illégale, lancé en juillet 2016 et promu par le gouvernement italien[8]. En substance, le cœur de la stratégie européenne sur les flux migratoires en provenance du Sahel, dans ses différentes modulations, n’a jamais changé : endiguer les arrivées, en transférant le bloc des migrants aux pays de transit externes à l’UE en échange d’aides au développement et d’accords de police pour le rapatriement des migrants eux-mêmes. Il s’agit de la même procédure mise au point avec la Turquie en ce qui concerne la route des Balkans. On ne s’interroge guère, au milieu de tout cela, sur la situation interne des pays de transit, sur la destination finale des aides, et encore moins sur les causes profondes du phénomène migratoire provenant de la zone du Sahel. Le résultat est l’externalisation de la frontière européenne – d’une manière semblable à ce qui s’était passé lors de ces dernières décennies avec les accords italo-libyens entre l’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi et l’ancien leader libyen Muammar Kadhafi, avec les blocus imposés aux migrants autour des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, ou encore avec les accords entre Espagne et Sénégal pour bloquer la route en pirogue en direction des Îles Canaries –, et le manque d’intérêt pour les dynamiques à court et long terme qui sous-tendent le phénomène.

Laissant à d’autres tout jugement politique sur les décisions européennes en matière de migrations, on ne peut se cacher qu’elles portent la marque d’une analyse myope, et aucunement fondée sur la réalité du terrain : elles ne sont étayées de fait ni par une réflexion sur les racines et la nature des flux migratoires le long de ces routes, ni par des informations fiables et objectives sur ce qui se passe réellement à travers les lignes directrices de voyage et de trafic. Il manque également une analyse sur la spécificité des migrations en provenance de l’Afrique par rapport à celles du Moyen-Orient et de l’Asie.

 

Les deux itinéraires à travers l’Afrique sub-saharienne

Il faudrait prendre en considérations plusieurs facteurs, si l’on veut améliorer les politiques européennes, contribuer à résoudre les causes à l’origine des flux migratoires, combattre le trafic d’êtres humains, et favoriser la sécurité de ceux qui veulent entreprendre le voyage vers l’Europe. Avant tout, la cartographie des flux vers la Libye montre l’existence de deux itinéraires principaux à travers l’Afrique subsaharienne : celui de l’Afrique orientale et celui de l’Afrique occidentale.

Le premier a son origine dans les pays de la Corne d’Afrique (Érythrée, Somalie et Éthiopie, surtout), et traverse la République du Soudan (qui n’est pas seulement pays de transit, mais génère elle aussi son propre flux d’émigration vers le nord) pour entrer ensuite dans le sud-est de la Libye, vers la ville de Kufra[9]. De là – surtout en raison du conflit actuel entre les milices de Misurata, les forces spéciales de différents pays occidentaux et les éléments de l’État Islamique dans la zone de Syrte – le voyage se poursuit vers Sebha, capitale du Fezzan et centre des trafics de personnes et de biens du sud de la Libye.

Quant au second itinéraire, il prend son origine dans de nombreux États de l’Afrique occidentale (Nigeria, Sénégal, Gambie, Côte d’Ivoire, ainsi que d’autres pays du Golfe de Guinée) et du Sahel (Mali, Burkina Faso)[10] et porte les migrants en Libye à travers le Niger. De Niamey, capitale du Niger, la route continue jusqu’à Agadez et au nord-est du pays. Dans ces zones, l’économie de fait repose sur le trafic des êtres humains et sur la contrebande. Le voyage des migrants entre ensuite dans le Fezzan libyen jusqu’à la ville de Sebha justement, où les flux oriental et occidental se rejoignent. À Sebha, les migrants sont entassés par les trafiquants jusqu’au moment où les convois qui les portent vers le nord sont prêts, convois qui partent en direction des côtes de la Libye occidentale, d’où la plupart des embarcations prennent le large en direction de l’Italie[11].

Les routes migratoires que nous venons de décrire coïncident parfois, parfois se croisent, avec d’autres routes de trafic et de contrebande, qui suivent aussi bien la direction sud-nord, que la direction nord-sud : drogue, cigarettes, armes, automobiles, pièces de rechange, mais aussi des biens comme l’essence, qui restent encore subventionnés par ce qui reste de l’État en Libye. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a des groupes qui puisent leur lymphe vitale dans les conditions socio-économiques et de sécurité précaires de la région tout entière, et pour lesquels les êtres humains ne sont simplement que l’un des nombreux biens qui produisent un profit. Les routes ne sont pas dominées par un groupe précis, ni par de grands networks criminels transnationaux. Plutôt, chaque élément est contrôlé par un ou plusieurs groupes qui s’affrontent, les armes en main, pour l’hégémonie. On pourrait dire, pour parler comme un contrebandier nigérien, que « n’importe qui peut, dans la région, faire des affaires avec les trafics »[12]. Les réseaux criminels exploitent la porosité des frontières et la faiblesse (ou l’absence) des autorités officielles pour faire trafic de personnes et de biens[13]. Et ceci vaut aussi bien pour une région actuellement hors du contrôle d’un État central, comme le Fezzan libyen, que pour deux autres pays-clé du transit des migrants sur cette route, le Niger et le Soudan, avec lesquels l’UE se vante d’avoir réalisé des accords cruciaux pour contenir les flux migratoires. En réalité, ces accords offrent la preuve de la myopie politique de Bruxelles : tant au Niger qu’au Soudan, on peut en effet constater, se manifestant à des degrés divers et corrélées aux réalités spécifiques du territoire, des interconnexions profondes entre représentants de la classe gouvernementale centrale et locale, les forces de sécurité et de gestion des frontières, et les networks criminels qui contrôlent les routes. Dans bon nombre de cas, dans ces deux pays, les institutions ont été érodées par des collusions multiples avec les gangs de trafiquants, dont le pouvoir économique est en mesure de corrompre les autorités officielles qui devraient surveiller et arrêter le passage des migrants, selon les accords passés dans des cités européennes lointaines par les leaders de leurs propres pays. Le résultat est que, sur le terrain, l’argent investi par l’UE ne produit aucun effet positif, et que les autorités chargées d’externaliser la frontière européenne reçoivent des pots-de-vin pour faire semblant de ne pas voir passer les caravanes, ou sont directement impliquées dans la gestion des trafics[14].

 

Un trafic qui existait déjà auparavant

Il est par ailleurs fondamental de relever la nature – pas du tout « nouvelle » – du phénomène migratoire en provenance du Sahel, pour gommer tout élément d’imprévisibilité, et donc d’urgence dans la réponse européenne. Il existe en effet un phénomène migratoire important à partir de l’Afrique subsaharienne depuis la fin des années 1990. Il a suivi des lignes directrices différentes, mais un seul et unique objectif : atteindre l’Europe. Si des accords entre pays européens et africains ont permis au fil des ans l’externalisation de nombreuses frontières européennes, comme nous l’avons dit plus haut, ceux-ci n’ont pas interrompu les flux, mais marqué une lente redéfinition des parcours migratoires, conférant une centralité toujours plus grande au parcours à travers la Libye[15]. Ce pays est un lieu de transit crucial pour qui cherche, de tous les coins de l’Afrique, à satisfaire ses aspirations de mobilité sociale et économique. Et ceci est vrai surtout depuis que, il y a plus de quinze ans, l’ancien leader libyen Kadhafi décida de changer de politique vis-à-vis de l’Afrique, ouvrant les frontières à l’immigration des « frères du continent », et favorisant la création de l’actuelle Union africaine. Déjà à l’époque de Kadhafi, les flux migratoires en entrée dans la Libye et en transit vers l’Europe avaient une ampleur significative. La différence principale est que durant le régime du « Guide », le trafic d’êtres humains qui intéressait le territoire libyen était contrôlé par les autorités libyennes, qui géraient la traite des hommes dans leur propre pays et, dans une certaine mesure, à travers le Sahel. Kadhafi décidait quand, comment et en quel nombre permettre aux migrants africains de quitter les côtes libyennes, notamment selon ses propres négociations avec l’Italie et l’UE, et les utilisait entre temps à de basses besognes[16]. Avec l’effondrement du régime en 2011, les networks liés au trafic d’êtres humains ont implosé eux aussi. On a vu se substituer, à un unique système centralisé, toute une série de nouveaux groupes criminels, actifs en Libye et dans toute l’Afrique subsaharienne, qui sont souvent en lutte entre eux pour le contrôle de toute l’économie illégale et lucrative générée par migrations et trafics. « Pour qui travaille sur les routes des êtres humains, a dit un trafiquant, l’exode des migrants est fondamentalement un excellent business »[17].

Enfin, une considération fondamentale sur l’approche contradictoire de l’Europe au phénomène concerne les causes qui incitent les migrants de l’Afrique subsaharienne à entreprendre le voyage, et la définition de leur statut qui s’ensuit de la part des autorités européennes. On peut dire que – à l’exception des Érythréens qui fuient le service militaire obligatoire et d’une partie des citoyens de la Gambie qui fuient la répression politique, homophobe et de la liberté d’expression –, la très grande majorité des migrants sur la route de la Méditerranée centrale ne provient pas de contextes de guerre ou de famine. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas en Afrique des femmes et des hommes en fuite devant la violence ou la sécheresse. Et de fait, des centaines de milliers de Nigérians, de Camerounais, de Tchadiens et de Nigériens se sauvent devant les atrocités de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad et devant la brutalité des soldats mêmes qui combattent les terroristes. De même les Soudanais du sud fuient la guerre civile ensanglante le dernier État né sur le continent, les gens du Burundi abandonnent leur pays à la suite d’une longue crise post-électorale qui, depuis bientôt deux ans, risque de devenir un nouveau conflit fratricide. Mais aucun d’eux n’entreprend le voyage en direction de Lampedusa. Et cela pour une série de motifs structurels corrélés entre eux : le voyage coûte, et qui s’échappe loin des conflits armés n’a pas les moyens de payer le voyage qui le portera jusqu’aux côtes de la Libye. Les réfugiés et les déplacés qui fuient les guerres sont contraints à survivre dans des camps de fortune montés près du conflit qu’ils fuient[18].

 

Qui s’enfuit en Europe

Les Africains qui entreprennent le parcours migratoire vers l’Europe ont eu à leur disposition d’importantes sommes d’argent, selon les critères de l’économie locale : investissements recueillis par des familles entières pour permettre à l’un de ses membres d’affronter le voyage. Il est impropre de les définir « réfugiés », et il est peut-être plus correct de les appeler « migrants économiques ». L’UE se fait forte de cette distinction juridique. Mais ce que le leadership politique européen oublie, c’est ce qu’il est beaucoup plus important de souligner : ces gens – et les nombreuses familles africaines qui sont derrière eux –, en dépit des énormes risques du « voyage », estiment moins aléatoire d’investir leurs économies dans la tentative d’atteindre l’Europe et d’améliorer leur niveau de vie plutôt que de miser sur leur propre pays[19]. Et ceci parce que les gouvernements des États subsahariens d’où proviennent les migrants – gouvernements alliés politiquement, militairement et économiquement à l’UE – sont dirigés par des élites politico-économiques prédatrices, qui ont construit des systèmes politico-économico-sociaux corrompus, dans lesquels règnent des économies déviées à l’avantage exclusif d’une infime minorité[20]. Ces gouvernements, avec lesquels l’Europe mène des négociations pour « combattre les causes structurelles des migrations illégales » et à qui elle fournit des aides supplémentaires au développement, sont des partenaires pernicieux tout autant que les gouvernements des pays de transit avec lesquels on passe des accords pour freiner les flux et externaliser les frontières[21]. Les leaderships des pays d’origine des flux n’ont créé, en l’espace de décennies, aucune espérance ni perspective de bien-être et de développement pour leurs populations, accusant de ce fait une distance croissante de leurs propres citoyens et violant leurs droits socio-économiques fondamentaux. Cette problématique, ignorée par la diplomatie européenne obsédée par le souci de réparer les brèches dans ses frontières et de complaire à son électorat par des réponses populistes, est en revanche particulièrement ressentie parmi les jeunes de la bande subsaharienne tout entière[22]. Ceci est vrai surtout parmi les jeunes qui vivent dans les centres urbains, d’un niveau culturel moyen-élevé, mais qui n’ont pas accès au népotisme des élites. Les jeunes des classes montantes sentent que s’ils restent, ils échoueront. Bien mieux, ils sentent qu’ils n’auront pas même la possibilité de tenter de réussir, parce qu’ils ont échoué dès le départ. Ces jeunes pensent en revanche qu’investir dans le voyage peut, même si l’on court des risques physiques, encore produire des résultats et satisfaire les rêves de mobilité sociale et d’amélioration personnelle ainsi que de tout le groupe familial.

L’UE se trouvera bien vite devant une nouvelle alternative, face à un phénomène qui est destiné à durer : continuer à signer des accords discutables avec des gouvernements corrompus, non représentatifs et détestés par leurs populations respectives, en ignorant la réalité et en construisant un mur de papier autour de ses propres frontières – un mur qui sera pris d’assaut et finira par se désagréger ; ou bien faire ses choix politiques touchant l’immigration africaine sur la base d’une analyse attentive sur le terrain. Ce n’est que dans ce second cas que l’UE évitera de s’aliéner ultérieurement les populations de la bande sahélo-saharienne et qu’elle pourra mettre en chantier des dynamiques vertueuses avec le continent.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis

 

[1] L’accord le plus connu est celui avec la Turquie entré en vigueur en mars dernier, mais un certain nombre de rencontres et d’accords multilatéraux (sommet UE-USA de La Valette, novembre 2015 ; Processus de Khartoum, novembre 2014 ) et bilatéraux – y compris ceux avec le Soudan et le Niger qui ont vu la participation directe de l’Italie – ont également été conclu dans le domaine des migrations de l’Afrique.

[2] Pour plus d’informations sur les chiffres précis des flux migratoires vers l’Europe, cf. http://bit.ly/1W059nR

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Voir http://bit.ly/1UChBJB

[6] Le Pacte de Rabat pour l’Afrique occidentale (juillet 2006) et pour l’Afrique orientale. 

[7] Voir à ce propos le point 4, qui est crucial, de l’Action Plan, appelé Prevention of and fight against irregular migration, migrant smuggling and trafficking in human beings, où seule une ligne est consacrée à la question de la corruption comme cause des migrations, et de l’incapacité des autorités à la combattre, tandis qu’une seule autre ligne fait référence au fait que la contrebande et le trafic (de toute sorte de biens vendables, êtres humains inclus) sont devenus un facteur économique central pour toute la région traversée par la route de la Méditerranée centrale, en particulier à cause de la distorsion des économies officielles au bénéfice des économies criminelles.

[8] Voir à ce propos http://bit.ly/1UfspPV

[9] Cfr. Eritrea: Ending the Exodus?, International Crisis Group, août 2014 http://bit.ly/2dMBsJv

[10] Il existe des lignes directrices migratoires qui partent de l’Afrique occidentale et, à travers le Mali, poursuivent en Algérie jusque sur les côtes, mais il s’agit de parcours très dangereux, souvent mortels, que les migrants eux-mêmes évitent le plus possible.

[11] Interview de l’auteur, Sebha, Libye, mars et juin 2015; Niamey et Agadez, juillet 2015 et avril 2016. Voir aussi Central Sahel: a Perfect Sandstorm, International Crisis Group, juin 2015 http://bit.ly/2eaQ95M

[12] Interview de l’auteur à un contrebandier nigérien, Agadez, Niger, juillet 2015.

[13] Voir Central Sahel: a Perfect Sandstorm.

[14] Interviews de l’auteur à des responsables politiques, tribaux, contrebandiers et membres de la société civile, Niamey et Agadez, Niger, avril 2016 ; Khartoum, Soudan, septembre 2015. Voir également : Central Sahel: a Perfect Sandstorm.

[15] Interviews de l’auteur avec des migrants en partance et en transit, Gao, Mali, 2005 et 2008 ; Niamey et Agadez, Niger, 2005 et 2007 ; Dakar et Mbour, Sénégal, 2006 et 2007 ; Abidjan, Cote d’Ivoire, 2007 et 2008 ; Khartoum, Soudan, 2010 ; Humera, Ethiopie, 2007 et 2009.

[16] Se rappeler les accords italo-libyens de 2008.

[17] Interview de l’auteur avec un trafiquant, Tripoli, Libye, mars 2015.

[18] Voir Stefano Liberti et Emilio E. Manfredi, Distinguere tra migranti e rifugiati è pericoloso, «Internazionale», 27 août 2015 http://bit.ly/1MQCT3G

[19] Interviews de l’auteur avec des migrants en partance et en transit ; avec des membres de familles de migrants en partance et en voyage ; avec des jeunes qui aspirent à entreprendre la route migratoire : Dakar, Sénégal, juin 2016 ; Abidjan, Cote d’Ivoire, juillet 2016 ; Lagos, Nigeria, avril 2015 ; Niamey et Agadez, Niger, avril 2016 ; Addis Abeba, Ethiopie, novembre 2015 ; Khartoum, Soudan, mai 2014.

[20] Voir Central Sahel: A Perfect Sandstorm.

[21] Voir http://bit.ly/1UChBJB

[22] Interviews de l’auteur, cf. note 19.

Pour citer cet article

 

Référence papier:

Emilio E. Manfredi, « Sahel, frontière stratégique oubliée », Oasis, année XIII, n. 24, décembre 2016, pp. 29-37.

 

Référence électronique:

Emilio E. Manfredi, « Sahel, frontière stratégique oubliée », Oasis [En ligne], mis en ligne le 21 février 2017, URL: https://www.oasiscenter.eu/fr/sahel-frontiere-strategique-oubliee.

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