Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:43:04

Entretien aux soins de Mirko Testa (Zenit.org) « L’éducation entre foi et culture. Expériences chrétiennes et musulmanes en dialogue» : voilà le thème qui sera au centre des travaux du Comité scientifique international de la Fondation Oasis (www.oasiscenter.eu), qui se réunira à Beyrouth, au Liban, les 21 et 22 juin prochains. Le Centre Oasis, dont le siège est dans la ville lacustre, est né en septembre 2004 d’une intuition du Patriarche de Venise, le Cardinal Angelo Scola, et regroupe des personnalités du monde ecclésial et académique engagées dans l’étude des modalités concrètes de dialogue et de cohabitation entre fidèles chrétiens et musulmans. Une fois par an, la Fondation réunit son Comité scientifique et promoteur, tour à tour à Venise et dans un pays à majorité musulmane. Il s’agit d’un moment important, durant lequel on peut toucher du doigt la manière dont Oasis est avant tout un réseau de relations, un domaine d’échange d’expériences et de jugements. Plus de 50 personnes provenant de 20 pays participeront aux travaux de juin prochain qui se tiendront au Foyer Notre Dame du Mont et auxquels s’ajoutent de nombreux invités libanais. Pour en savoir plus, ZENIT a interviewé Martino Diez, Directeur de recherche de la Fondation Internationale Oasis, professeur invité de linguistique arabe à l’Université Catholique de Milan et chargé de cours au Studium Generale Marcianum de Venise. Quelles sont les raisons qui ont motivé le choix du thème de cette année ? Le thème de l’éducation que nous avons choisi pour la rencontre de cette année est en continuité évidente avec celui de la tradition que nous avons abordé l’année dernière à Venise. Ce « manuel d’instructions » que la tradition nous confie, selon l’expression suggestive avec laquelle le Cardinal Turkson ouvre le nouveau numéro de la revue Oasis qui sortira prochainement, doit être vérifié dans une rencontre entre deux libertés : celle de celui qui éduque et de celui qui est éduqué. C’est à ce niveau que se situe le processus éducatif. L’éducation est donc un fondamental anthropologique. Mais le titre ajoute une dimension plus spécifique en faisant référence à « foi et culture » : nous parlerons donc d’éducation au sens fort, comme transmission non seulement de compétences, mais de signification générale du « métier de vivre ». Et sur cela, chrétiens et musulmans ont un besoin extrême de confronter leurs idées. La conjoncture historique particulière, qui en Occident conduit de nombreuses personnes à parler d’urgence éducative, a conduit il y a deux ans, Benoît XVI à adresser aux fidèles romains une lettre sur le devoir urgent de l’éducation et le rapport-proposition sur l’éducation réalisé par le projet culturel de la Conférence des évêques italiens date de l’année dernière. Mais la question n’est pas uniquement occidentale. Le problème, sous des formes différentes, est ressenti aussi dans les pays musulmans, où on cherche à greffer le moderne (ou peut-être directement le post-moderne) dans la fidélité aux propres racines, et ce souvent dans un contexte économique très difficile. À côté des pays riches qui ont développé des politiques scolaires bien réfléchies, il y a en effet beaucoup d’états où le secteur éducatif connait de grands dysfonctionnements et le niveau d’instruction s’est écroulé dans les dernières décennies. En même temps, l’instruction musulmane classique consacrée à la transmission du savoir, la madrasa, a repris de la vigueur tout en évoluant et montre en son sein des tendances très diversifiées. Pour donner un exemple extrême, une madrasa indienne et une madrasa pakistanaise sont très différentes entre elles. C’est dans ce contexte qu’on parlera d’enseignement de la religion ou des religions, de formation des imam, d’éducation et de dialogue, d’éducation et de violence... Enfin, une donnée qu’on ne doit pas sous-estimer est que la rencontre se déroulera au Liban : un pays très complexe et chargé de tensions, mais aussi très riche d’expériences significatives dans le domaine de l’éducation, qui ont contribué à modeler le visage si particulier de ce « Moyen-Orient en miniature ». De quelle manière la Fondation Oasis développe sa proposition éducative à l’égard des chrétiens qui vivent dans des pays à majorité musulmane ? Oasis se propose comme un lieu de rencontre et d’enrichissement réciproque, parce que nous avons tous besoin d’apprendre les uns des autres. Concrètement, à nos lecteurs arabes, nous offrons différents textes du magistère et des classiques de la pensée chrétienne, mais aussi des articles de philosophie, d’anthropologie, de géopolitique et d’actualité, principalement à travers les instruments de la revue plurilingue et de la newsletter. Justement ces jours-ci sort au Liban grâce à l’Aide à l’Eglise en Détresse la traduction des catéchèses de Benoît XVI sur Saint Paul, que nous avons réalisé et que nous enverrons aux évêques de la région. Mais ce sont seulement des signes : ce qui nous intéresse davantage est d’impliquer le plus possible les chrétiens et les musulmans de la région dans un réseau de communion. Et d’apprendre le plus possible de leur expérience. Oasis fonctionne dans les deux directions et il est difficile de dire qui donne ou qui reçoit le plus. Le Synode des Évêques pour le Moyen-Orient s’approche. Quelles pistes de réflexion voulez-vous offrir, avec ce rendez-vous, aux pères synodaux qui se réuniront en octobre prochain à Rome ? Le Synode pour le Moyen-Orient est une très grande opportunité et en même temps une occasion à ne pas manquer. Ce n’est pas un hasard si l’idée du Synode provient du pays du Moyen-Orient qui a le plus souffert ces dernières années, l’Irak. Le défi contenu dans le titre « communion et témoignage » est central pour la survie même d’une présence catholique populaire dans cette région du monde. Le rendez-vous d’Oasis est né avant que ce Synode ne soit annoncé, mais, en nous inspirant du titre de la rencontre des Évêques, nous souhaitons que le Comité puisse être vraiment une occasion de communion et de témoignage.