Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:43:48

La proposition d’introduire l’enseignement de la religion dans les écoles publiques du Kosovo revient périodiquement et de manière toujours plus pressante dans le débat civil et politique du Kosovo. Déjà en 2003, une grande campagne de promotion de l’heure de religion se déclencha accompagnée d’une récolte de signatures qui réussit à toucher plus de cent mille personnes favorables. Maintenant, à proximité du prochain rendez-vous électoral de novembre pour le renouvellement des administrations communales, la question revient soutenue encore une fois par la Communauté Islamique Kosovare (CIK), qui ne cesse de faire du lobbying pour convaincre les institutions du Kosovo d’insérer l’heure de religion dans les programmes éducatifs et scolaires de la jeune république, s’appuyant sur le fait que de nombreux pays européens prévoient un tel enseignement dans le curriculum scolaire de l’État. Les raisons de cette campagne en faveur de l’heure de religion se retrouvent dans le fait que certains groupes plus radicaux de fidèles musulmans considèrent qu’une éducation religieuse plus forte, plus « orthodoxe » doit être garantie aux jeunes générations par rapport à celle pratiquée et proposée par les institutions religieuses kosovares elles-mêmes. Ils considèrent, en fait, que l’enseignement rigoureux et contrôlé de la religion peut garantir une société plus sûre, un futur conforme à la tradition musulmane plus « saine ». De plus, certains font remarquer que l’introduction d’une telle matière constituerait en soi également une défense par rapport au risque de dérive des jeunes générations vers des formes d’Islam non « kosovare », vers des ailes plus extrémistes. Mais, il n’est pas explicité qu’une telle réforme dans l’organisation de l’horaire scolaire rendrait nécessaire l’insertion des imams dans les écoles de l’État, qui ainsi viendraient à se trouver en prise directe avec les étudiants même très jeunes. De plus, les partisans, pour montrer les conséquences positives d’une telle réforme, font remarquer qu’on favoriserait l’augmentation des emplois, avec le recrutement de personnes qui ont étudié la théologie ou qui ont fréquenté les cours des madrasas de Pristina ou des pays arabes. Et donc, même à un regard plutôt naïf, il apparaît évident que cette requête de la part de la Communauté Islamique est caractérisée par une certaine ambiguïté, du moins dans la tentative d’initier un certain prosélytisme dans les écoles de l’État. Au mois d’août dernier, la communauté islamique a organisé différentes rencontres avec presque tous les partis politiques du Kosovo pour tenter de les impliquer dans cette action de pression afin de modifier la situation actuelle. Mais jusqu’à aujourd’hui, la majorité des forces politiques, aussi bien du gouvernement que de l’opposition, s’est exprimée contre une telle requête, en vertu aussi de la défense de la Constitution actuelle du pays qui défend la laïcité de l’État. Cependant, certains partis émergents commencent à se déclarer favorables. La communauté catholique du Kosovo s’est également exprimée de façon contraire à cette proposition car elle craint que l’enseignement de la religion dans les écoles publiques ne se transforme surtout en une forme d’imposition de la religion musulmane aussi à la minorité catholique, du moins pour une donnée statistique : la population est composée à 90 % de musulmans. Par contre, la communauté orthodoxe serbe ne s’est même pas exprimée car ses jeunes suivent les programmes de la République serbe même s’ils résident au Kosovo. Il apparaît évident que la situation ne se débloquera pas rapidement, parce que la question prioritaire pour toutes les forces politiques et sociales en jeu est la nécessité d’intégrer le pays dans le contexte européen et outre-atlantique et seulement ensuite de répondre aux instances internes. L’enseignement de la religion à l’école reste cependant une sorte de drapeau qu’on recommence à agiter à cause de son caractère paradigmatique lorsque débutent de nouvelles campagnes électorales : cela montre non seulement l’importance publique de la question religieuse, mais aussi le risque, en l’absence d’une réflexion adéquate, qu’elle soit systématiquement instrumentalisée.