Le président tunisien veut arracher à la loi islamique le droit de la famille et faire tomber l’un des derniers tabous dans le monde arabo-musulman : l’inégalité dans le droit successoral entre l’homme et la femme

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Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:57:29

 

Le président tunisien veut arracher à la loi islamique le droit de la famille et faire tomber l’un des derniers tabous du monde arabo-musulman : l’inégalité d’héritage entre homme et femme. Les féministes le soutiennent, les institutions religieuses s’y opposent, et, de façon surprenante, les islamistes de Ennahda observent un silence bruyant. Nous sommes allés suivre de près un débat qui s’annonce révolutionnaire pour le rôle de la religion dans les sociétés islamiques.

 

Tunis – « Université féministe », lit-on à l’entrée du siège de l’Association tunisienne des femmes démocratiques – ATFD – dans un quartier résidentiel rangé de Tunis. Le bureau, au rez-de-chaussée d’une petite villa blanche anonyme, est un temple de la lutte pour les droits des femmes en Tunisie, l’un des pays les plus avancés du monde arabo-musulman du point de vue des libertés féminines. À l’intérieur règne une ambiance d’activisme politique – et une odeur de cigarettes mal éteintes – qui rappelle les temps désormais lointains d’engagement et de batailles sociales dans une Europe alors plus jeune.

 

Sur les murs, des photographies en blanc et noir d’activistes historiques, des images de manifestations dans les rues. Les tracts éparpillés sur une table parlent en français et en arabe de la « constitution de la citoyenneté et de l’égalité vue par les femmes », de « la participation féminine à la vie politique », invitent à une représentation théâtrale sur le thème de l’égalité successorale, intitulée Terka, « héritage ». Et c’est précisément l’héritage qui constitue la dernière bataille en date des associations féminines, qui ont en Tunisie une longue histoire, bien enracinée, de luttes et de succès.

 

Khadija Chérif est le numéro 2 de l’ATFD. Vers la fin de l’été, elle a fêté avec les activistes de son groupe et d’autres encore ce qu’elle définit comme un succès historique. Le 13 août, le jour de la fête des femmes, le président de la République Béji Caïd Essebsi a promis la révision de deux thèmes sensibles : le mariage entre une femme musulmane et un non-musulman, et l’égalité dans les parts héréditaires. La circulaire 216 de 1973 – mais que tout le monde appelle ici la circulaire 73 – qui interdisait ce genre de mariages mixtes a été abrogée un mois plus tard. Et le pays débat actuellement de la question de l’héritage.

 

Intervenir sur le droit successoral reste un tabou dans le monde islamique. En Tunisie, même le leader qui était parvenu à arracher à la charia la règlementation de plusieurs aspects du droit de la famille avait préféré à l’époque éviter l’affrontement avec les institutions religieuses et une société encore conservatrice. C’était l’an 1956 : le père fondateur et président Habib Bourguiba introduisait le code du statut personnel : la polygamie fut abolie, un âge minimum institué pour le mariage des filles, la « répudiation » remplacée par le jugement de divorce, et le consensus de la jeune fille rendu obligatoire pour le mariage.

 

« La première Constitution de la Tunisie indépendante fut approuvée en 1959, mais pour de nombreux observateurs, la véritable loi fondamentale était arrivée trois ans plus tôt, lorsque Bourguiba avait lancé la Tunisie sur la voie de la modernité », explique Khadija Chérif. Mais à l’époque, le président qui, fort de la vaste légitimité populaire dont il jouissait, avait osé toucher à des normes réglées depuis des siècles par le droit religieux, s’était arrêté devant la question de l’égalité dans le droit successoral.

 

Laïque, républicaine, activiste et féministe, éloignée du gouvernement en 2015 du fait des pressions des islamistes après avoir été nommée ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Chérif pense que Bourguiba, avec la brèche de 1956, s’est inscrit dans une lecture moderniste de l’Islam, sans arriver à la séparation entre l’État et l’« Église ». Aujourd’hui, à la différence de son illustre prédécesseur, le président tunisien actuel, arrivé au pouvoir après la révolution de 2011 et la promulgation d’une nouvelle Constitution qui inscrit noir sur blanc l’égalité entre l’homme et la femme, justifie, lui, la proposition avancée cet été par la nécessité de conformer les lois tunisiennes à ce texte constitutionnel souscrit par toutes les parties politiques – laïques et islamistes – en un moment d’unité nationale. Non point donc une lecture moderniste de l’Islam, mais une invocation claire à la division entre politique et religion, qui met dans une position difficile les islamistes de Ennahda, alliés dans la coalition gouvernementale avec le parti laïque du président, Nidaa Tounes.

 

« Il fallait mettre Ennahda à l’épreuve », explique Khadija Chérif, faisant écho aux propos publiés sur la revue francophone Jeune Afrique par la journaliste tunisienne Fawzia Zouari : « c’est une façon bien maligne, il faut l’avouer, de faire sortir le loup Ennahdha de la tanière : le parti islamiste local est embarrassé, il ne peut pas se mettre à dos les femmes ni décevoir l’Occident, qu’il veut prendre à témoin de son esprit ‘féministe’ et ‘démocratique’».

 

 

Les islamistes à l’épreuve

Meherzia Labidi a un fil de perles qui lui serre le voile sous le menton. Elle se promène dans une cour du palais du Bardo, siège du Parlement tunisien, où l’azur des portes contraste avec le marbre clair des minces colonnes. Elle sourit lorsqu’elle dit avec orgueil qu’elle a été, de 2011 à 2014, la première femme vice-présidente de l’Assemblée. Et si on lui demande comment la société tunisienne a changé depuis cette année 1956 où Bourguiba s’était arrêté devant la question de l’héritage, elle rappelle que, après sa nomination, ils avaient été nombreux « y compris tant de progressistes » – à lui dire qu’elle était une femme et qu’elle n’aurait pas dû se trouver là, sur ce fauteuil : « La femme a changé, pas la société ». Labidi est une députée de Ennahda, le parti islamiste qui a gagné les élections de 2011 puis a soutenu un gouvernement de technocrates après la crise politique de 2013-2014, quand le mouvement fut accusé par ses adversaires d’islamiser la société et d’être incapable de gouverner.

 

Il y a deux versets du Coran (4,11 et 2,221) qui règlent la question de l’héritage et celle du mariage d’une femme musulmane avec un non-musulman. Si l’homme musulman peut épouser une femme chrétienne ou juive (appartenant à ce que l’on appelle les « gens du Livre »), il n’en est pas de même pour la femme. Et qui est contraire à la révision des normes qui règlent l’héritage rappelle que le Coran ne laisse aucune place à l’interprétation : à la femme revient la moitié de l’homme, la lettre est claire. Bien que le débat concerne des pratiques réglées directement par le texte coranique, Ennahda a observé – et cela surprend – le silence, aussi bien lorsque, en septembre, la circulaire sur les mariages mixtes a été abrogée, que maintenant, alors que le pays affronte la discussion sur le droit successoral.

 

« Si je devais écouter mon côté féministe, je dirais : l’égalité, un point c’est tout – explique Labidi – mais je ne prétends pas être plus intelligente que Bourguiba. Entre le dire et le faire, il y a une distance énorme. Au sein de la pensée juridique religieuse, il y en a qui demandent l’égalité : il faut un débat qui implique les spécialistes de la loi musulmane. Il y a une structure, et si on touche la question de l’héritage, il faudra revoir entièrement toute la structure de la famille. En ce qui concerne le mariage, en revanche, dès le début de l’ère islamique, les juristes même les plus conservateurs ont assumé des positions différentes. Une musulmane qui veut vivre sa religion peut demander à l’époux de se convertir ; si au contraire la religion n’occupe pas une place importante à ses yeux, elle agira en fonction de l’amour ». Meherzia Labidi fait partie de l’aile la plus « réformiste » du parti. Si en 1977 le leader du mouvement islamiste Rached Ghannouchi demandait l’annulation du code du statut personnel de Bourguiba et l’instauration de la charia, aujourd’hui, s’il faut en juger par les nominations politiques, il semble avoir laissé du champ à cette aile « réformiste » au détriment du courant plus conservateur.

 

Mardi matin : au palais du Bardo vient de se terminer une rencontre du groupe parlementaire de Ennahda : les membres font une pause à la cantine du parlement, où le menu propose du couscous de légumes avec viande d’agneau et du rayeb, lait fermenté. Ajmi Lourimi, député, considéré comme l’un des idéologues du mouvement, déclare n’avoir pas de position sur la question de l’héritage, tout comme, explique-t-il, Ennahda ne possède pas de position claire ou homogène sur le débat : « Je pense que l’on peut de toute façon être un bon croyant, et défendre l’égalité en matière d’héritage. Il n’est pas besoin d’être laïque ou athée pour se rendre compte qu’il s’agit d’une question d’ordre social, avec un aspect économique ».

 

Et pourtant, au cours des années 1980 et 1990, des centaines de militants islamistes sont allés en prison pour une idée : l’avènement d’un État islamique fondé sur des lois tirées des textes sacrés, le Coran et les hadîths. Et si en 2016 Ennahda a annoncé la décision historique de séparer ce qui est traditionnellement uni dans les mouvements islamistes de la région – prédication (da‘wa) et politique –, nombreux sont ses rivaux qui voient dans ce changement de direction non point une évolution vers une sorte de « démocratie musulmane » sur le modèle des démocraties chrétiennes européennes, mais une affaire d’opportunisme politique. « Ils sont devenus réalistes à partir du moment où ils sont arrivés au pouvoir et qu’ils l’ont exercé dans une société libérale qui ressemble davantage à l’Italie qu’au Yémen. Et une société qui ne veut pas d’un État islamique », explique Lazhar Akremi, ancien ministre et ancien porte-parole du parti du président.

 

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Il est peut-être trop tôt pour comprendre si le silence actuel de Ennahda dépend de cette décision de séparer prédication et politique, ou bien d’une évolution réelle, ou encore d’un simple calcul. « Spécialisation », en tout cas, et non « séparation », tient à souligner Ajmi Lourimi. Pour Samir Dilou, avocat, ancien ministre pour les Droits de l’homme et porte-parole de deux gouvernements de Ennahda, la démarche de 2016 signifie « laisser tomber l’Islam politique, tourner la page de l’Islam politique : c’est un chemin. La Tunisie n’a pas besoin d’un parti panislamiste, mais tunisien et sans liens avec d’autres confréries. Les demandes lancées en Tunisie doivent recevoir des réponses en Tunisie. Dire « l’Islam est la solution » (le slogan électoral des Frères musulmans égyptiens), c’est comme aller chez un docteur qui dit à son patient : « la médecine est la solution ». Il faut donner des réponses aux gens non dans le cadre religieux, parce qu’ils n’ont pas besoin de redécouvrir leur religion. Ils ont besoin de recettes politiques, économiques… La question de la séparation signifie respecter la loi des partis, comme dans le commerce : nous avons eu l’autorisation de vendre des réfrigérateurs, nous ne pouvons vendre des réacteurs nucléaires ». C’est là une explication qui ne convainc pas toutefois des activistes laïques et féministes comme Khadija Chérif : selon elle, il n’y aurait eu aucune division entre prédication et politique à l’intérieur de Ennahda : « La prédication se fait aujourd’hui de manière plus discrète. Ce qui me préoccupe, c’est le travail que fait Ennahda au niveau de l’éducation, sur les jeunes, dans le social, par l’intermédiaire d’instituts privés non contrôlés par l’État. Le jour où Ennahda aura la majorité, elle fera comme Erdoğan : à la fin, il a islamisé la société ».

 

 

Dans le palais des sages

L’antique palais d’un général tunisien abrite Beit al-Hikma, l’académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts. Le nom renvoie à la prestigieuse maison du savoir islamique voulue par le calife al-Ma’mûn à Bagdad au IXe siècle. La fondation tunisienne, dont font partie des écrivains, des scientifiques et des intellectuels, se dresse sur la promenade de Carthage. Des majoliques colorées décorent le bureau de Abdelmajid Charfi, président de Beit el-Hikma, professeur émérite de l’université de Tunis et membre de la commission de « sages » instituée par le président Essebsi pour réfléchir sur la question de l’héritage. Pour Charfi, considéré comme l’un des maîtres de la pensée islamique moderniste, le silence assourdissant de Ennahda sur ces réformes tient compte du rapport de forces, et du fait que la requête vient du chef du parti avec lequel les islamistes ont une alliance. En même temps, il « reflète ce qui se passe dans la société : une partie de la base de Ennahda mais aussi de ses leaders a changé, même si subsiste à l’intérieur du mouvement des gens qui refusent toute atteinte à ce qu’ils estiment être le consensus de la communauté musulmane ». Et il est certain qu’aujourd’hui, les rapports de force ne sont pas favorables à Ennahda, affaiblie par l’épreuve du gouvernement de 2012-2014. La crise du Golfe a fait fléchir le soutien du Qatar, et l’Amérique et l’Occident qui, dans un premier temps, avaient appuyé les islamistes dans la région, ont fait un pas en arrière. Le parti maintient un profil bas, et pour l’instant, la seule opposition véritable – du moins sur le papier – aux propositions réformistes du président tunisien vient d’institutions religieuses officielles. La Zitouna, université et mosquée ainsi que temple débilité du savoir islamique tunisien, a publié un communiqué dans lequel elle s’oppose aussi bien à l’abrogation de la circulaire 73 sur le mariage, qu’à la réforme du droit de succession. La prestigieuse université égyptienne d’al-Azhar, intervenant dans le débat national tunisien, en a fait de même.

 

Pour Mounir Rouis, directeur de l’institut de Théologie de la Zitouna, il ne saurait y avoir de doute ni d’espaces de manœuvres : les textes sacrés sont clairs, aussi bien sur la question du mariage que sur l’héritage. Et pourtant, il semble vouloir tendre la main au gouvernement : « La Zitouna n’est pas toujours contre, elle n’est pas contre pour le plaisir d’être contre, mais elle veut être impliquée dans les débats qui touchent la religion : nous sommes prêts à envoyer des experts. Bourguiba avait impliqué les oulémas dans l’élaboration du code du statut personnel ». Il y avait alors, parmi les experts de religion qui défendaient la réforme, l’un des plus grands penseurs islamiques et intellectuels tunisiens, Fadhel Ben Achour. « Je suis heureux de travailler à présent au bureau qui fut le sien, nous retrouverons ces fastes », dit le professeur, indiquant l’énorme table de bois massif encombrée de livres et de dossiers multicolores. Traditionnellement, l’institution religieuse dans l’Islam sunnite est légitimiste – rappelle Abdelmajid Charfi, qui ne s’attend pas, de la part de la Zitouna, à une véritable opposition aux réformes proposées qui aille au-delà d’un simple communiqué : « Dans l’histoire de l’Islam, les représentants d’institutions officielles ne disent jamais non au pouvoir politique ; au contraire, ils le suivent. Ces mêmes représentants, s’il n’y a pas d’intervention du pouvoir politique, ont des positions conservatrices, mais ils peuvent en changer en fonction du pouvoir politique ».

 

Il y a, dans la commission où siège le professeur Charfi, des personnalités dotées d’un background islamique moderniste ; ce qui manque, ce sont des juristes ou des experts religieux. Le mufti de la République lui-même, Othman Battikh, qui a approuvé l’abrogation de la circulaire 73, reste hostile aux réformes sur l’héritage, tout comme le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Khalil. Et pourtant, « il n’est pas rare, dans l’histoire de l’Islam, d’adopter de nouvelles approches au texte – explique Mariem Masmoudi, activiste tuniso-américaine qui travaille sur les processus constitutionnels pour l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance. Bourguiba, lui-même avocat, n’a pas tout fait lui-même tout seul, mais a travaillé avec une équipe qui comprenait aussi des experts religieux des institutions traditionnelles : et cela – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec Essebsi – lui a permis de conquérir jusqu’aux franges les plus conservatrices de l’opinion publique ».

 

 

Un gain pour deux

Ce sera une bataille : Bochra Belhaj Hmida, présidente de la commission gouvernementale qui travaille sur la question de l’héritage, le dit explicitement, tout en raccommodant une robe de dentelle bleue, assise, chez elle, dans le faubourg chic de la Marsa, à quelques kilomètres de Tunis. « Dans le monde arabo-musulman, c’est la politique qui a mis la religion à son service, pour maintenir le statu quo. Quand on ne veut pas toucher au Coran, c’est parce que l’on veut maintenir le statu quo ; quand on veut changer, on trouve les moyens pour le faire. J’ai le droit de ne pas choisir la voie la plus rétrograde, car si l’on est rétrograde sur les droits des femmes, on l’est sur tout le reste ». Avocate, féministe de la première heure, pour Hmida ce nouveau défi représente le point culminant de longues années de batailles. Il est possible aujourd’hui, estime-t-elle, de toucher à la loi parce que les femmes en Tunisie sont des acteurs économiques indépendants et des chefs de famille.

 

Ceux qui défendent la primauté de la charia dans les questions touchant la famille parlent souvent d’une requête provenant d’une élite, non d’une attente populaire. Mais s’il est vrai que le mariage entre une musulmane et un non-musulman n’intéressait jadis que les femmes les plus riches, qui allaient étudier ou travailler à l’étranger, aujourd’hui, relève Hmida, la plupart de ces mariages se passent entre les plus pauvres, entre les femmes qui travaillent dans de petites entreprises avec propriétaires et salariés étrangers, ou en Europe au milieu des immigrés. Le problème de l’héritage lui aussi intéresserait surtout les femmes plus pauvres, parce que dans les classes plus riches, ou plus instruites, il arrive plus facilement que la question soit réglée par un legs testamentaire ou par une donation. Pour Hmida, il s’agit de réformes qui auront un grand impact ailleurs dans la région : « Ce qui se passe en Tunisie aujourd’hui donne plus de force aux femmes des autres pays musulmans, vu que les gouvernements sont en concurrence entre eux. La formule ‘l’exception tunisienne’ me dérange : elle jette le doute sur la lutte des autres femmes. Nous en Tunisie nous avons intérêt à ne pas rester isolées, à ne pas rester une exception. Et nous le sommes de moins en moins ».

 

On n’a certes pas épargné à la présidente Bochra Hmida les critiques pour son action. Si ceux qui sont hostiles aux propositions de Essebsi sur l’héritage disent – surtout dans les milieux islamistes – que ce n’est pas le moment adéquat pour toucher à des thèmes si porteurs de division en une phase de transition difficile, d’autres critiques viennent du côté laïque et des groupes nés de la révolution de 2011 : critique de travailler avec un président en odeur d’ancien régime, qui n’aurait aucunement à cœur le sort des femmes, mais uniquement un avantage politique. On doit décider sous peu de la date des élections municipales, jusqu’ici retardées, et le leader tunisien, âgé de 90 ans, voudrait se présenter de nouveau aux élections présidentielles en 2019. L’abrogation de la circulaire sur le mariage a été annoncée le lendemain de l’adoption par le parlement d’un projet de loi d’amnistie pour les anciens fonctionnaires du régime de Zine el-Abidine ben Ali. Une partie de la société civile, indignée, accuse le président de vouloir couvrir ainsi par son féminisme une marche arrière controversée. La réponse de Hmida est tranchante : « Ce n’est pas mon problème. En tant que féministe, je veux que la femme gagne en civisme. S’il y gagne, lui, en tant que président, tant mieux pour lui. Je ne laisserai certes pas perdre une occasion pour faire obtenir davantage de droits aux femmes ».

 

Entre controverses politiques, doutes islamistes et attentes féministes, le seul élément certain est que la discussion se tiendra au parlement, avec les instruments d’une démocratie encore imparfaite mise à l’épreuve. Du reste, après avoir développé une argumentation détaillée sur les raisons des normes traditionnelles sur l’héritage, la députée de Ennahda Meherzia Labidi conclut son exégèse en ces termes : « Et si au parlement la majorité est pour l’égalité, à la bonne heure, pourvu que tout se passe à travers un débat : Dieu ne nous enverra pas en enfer pour des questions d’héritage ».

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