La parution des actes de la dernière université d’hiver du réseau Chrétiens de la Méditerranée est l’opportunité de souligner l’importance vitale du dialogue, le rôle crucial des chrétiens dans ce domaine et la nécessité de construire la paix selon des perspectives communes
Ultimo aggiornamento: 09/09/2024 12:04:29
Du Brésil à l’Europe, la terrible tragédie qui a éclaté en octobre dernier outre-Méditerranée « ébranle toutes nos relations et vient diviser les groupes d’amis, la famille, les collègues, la société»[1]. Comment aborder le sujet du Proche-Orient aujourd’hui sans tomber dans un discours haineux ou pour le moins partisan ? La parution des actes de la dernière université d’hiver du réseau Chrétiens de la Méditerranée, organisée en mars 2023 à Lyon et intitulée La paix au Moyen-Orient. Quelles implications des Chrétiens?[2], est l’opportunité de souligner qu’une réflexion menée collectivement peut éclairer adroitement l’importance vitale du dialogue, le rôle crucial des chrétiens dans ce domaine et la nécessité de construire la paix selon des perspectives communes. L’ouvrage a en plus l’avantage de prendre la mesure du Moyen-Orient. Car si on peut bien affirmer comme Sandrine Mansour, de l’Université de Nantes, que « le cœur du problème au Moyen-Orient reste bien la question palestinienne », un premier risque consisterait – et Sandrine Mansour le démontre elle-même suffisamment bien dans sa contribution – à se focaliser uniquement sur ce cœur proche-oriental qui, s’il est prédominant, ne fait pas tout le corps du problème[3]. Le risque serait ici de sous-estimer d’autres épicentres, internes et externes au Proche-Orient, tout aussi structurants. Dans l’ouvrage se dessinent aussi d’autres lignes de crêtes : le risque de sacrifier la raison sur l’autel de l’émotion par exemple, ou encore le danger récurrent de brouiller les angles d’analyses. Plus qu’un mélange des savoirs qui pourrait prétendre à une approche globale, de sains tâtonnements obligent plutôt à faire œuvre collective, à une intelligence plurielle et à un dialogue des savoirs. À l’image du réseau Chrétiens de la Méditerranée et de ses partenaires, l’ouvrage La paix au Moyen-Orient cherche à répondre à ces exigences. Au croisement de la recherche et de l’engagement, il invite aussi à une prise de recul qui n’est ni lâche reculade ni désintérêt méprisant. Car des limites s’imposent, comme une certaine humilité, en face d’un sujet à la base de tant de charges émotionnelles et souvent présenté, à juste titre, comme complexe. En réalité, pour s’orienter, les termes mêmes du sujet, « Moyen-Orient » et « paix », imposent d’entrer dans cette complexité.
Polysémie orientale
Pourquoi, nous Français, parlons-nous ici de « Proche-Orient » et là de « Moyen-Orient »? Cette multiplicité accrochée à l’Orient masque en réalité des usages loin d’être neutres, et véhicule des représentations qui peuvent être tant nationales, que géopolitiques ou religieuses. Parler de Moyen-Orient implique ainsi toute une série de représentations. On peut en retenir trois ici.
L’expression de Moyen-Orient est généralement associée à l’idée de conflits, qu’il soit intégré à un arc géographique de dimension intercontinentale ou à une chronologie plurimillénaire de violences. Des premiers agriculteurs à la recherche de puits d’eau, aux armées actuelles en quête des champs de pétrole, le Moyen-Orient nous apparait comme « une terre que tout le monde se dispute, depuis le commencement » selon les termes de Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient[4]. Sans remonter jusqu’à la nuit des temps, il suffit de jeter un rapide regard sur la « nuit coloniale » qui s’est abattue sur cette région du monde à la fin de l’âge des Lumières. Les Lumières de l’Occident plongeaient ainsi dans l’Orient comme dans une terre d’obscurité, d’enchantements, de fables, la terre des contes des Milles et unes nuits qui sont traduits et diffusés en Europe par le Français Antoine Galland au tout début du XVIIIe siècle. Univers fantasmé par les Européens, l’Orient va en fait de l’Andalousie au Japon, soit un vaste univers qui abrite toute une série de cultures et de populations qualifiées de différentes, voire d’étranges. De cet exotisme a d’ailleurs émergé progressivement une conception plutôt dénigrante, jusqu’à cultiver au siècle suivant un certain racisme des plus pervers. Comme l’a montré Edward Saïd, l’orientalisme européen est un phénomène ambigu dans lequel se mêlent des sentiments de fascination et des ambitions de supériorité[5]. L’Expédition de Napoléon Bonaparte en Égypte en marge de la Révolution française marque une étape importante dans cette dialectique : d’un côté elle approfondit la fascination et une certaine mode pour l’Orient en encourageant un nouveau mouvement culturel ; d’un autre côté, elle pose les jalons de la colonisation de l’Orient et, plus spécifiquement, du démembrement de l’Empire ottoman par les Européens au XIXe siècle. Ce mouvement s’accélère quand les Britanniques, vainqueurs de Bonaparte à Aboukir puis Trafalgar, se saisissent de la Méditerranée et de l’Égypte comme des segments majeurs de la route qui relie Londres à Bombay : l’artère n’en devient que plus importante quand, en 1869, est achevé le percement du canal de Suez.
Le « poids des empires » est donc immense dans la structuration historique du Moyen-Orient actuel. Dans une publication précédente du réseau Chrétiens de la Méditerranée, le journaliste Thierry Garcin avait déjà fait remarquer que l’appellation même de « Moyen-Orient » dénote en fait une dénomination anglo-saxonne, britannique[6]. Comme le savent les spécialistes de la région, à l’instar de Vincent Lemire et ses confrères historiens, « l’expression “Moyen-Orient” relève en elle-même du vocabulaire géopolitique, puisqu’elle a été précisément forgée entre 1900 et 1902 dans les cabinets de la diplomatie britannique pour cerner une région stratégique située entre l’Extrême-Orient (Far East), le Proche-Orient (Near East) et l’Europe, dans le cadre d’une analyse globale des routes et des carrefours stratégiques à défendre pour garantir l’intégrité et la pérennité de l’Empire britannique. Le terme « Moyen-Orient / Middle East » désigne donc formellement cette région considérée depuis l’Europe (et non pas « en elle-même et pour elle-même »), dans la perspective des relations internationales et des jeux de puissances »[7]. L’expression « Moyen-Orient » reflète donc surtout l’évolution historique des intérêts de la puissance britannique dont la politique se décide à Londres mais dont l’attention est toute portée sur les Indes qui constituent jusqu’en 1947 le joyau de l’empire britannique, puis sur l’Iran qui constitue la pièce centrale d’un « Grand Jeu » avec l’empire russe au nord.
Car l’apparition du pétrole provoque la création d’un nouveau pôle d’attraction et d’influence autour du Golfe persique. L’expression « Middle-East » qui inclut donc l’Arabie et la Perse s’impose alors définitivement au détriment de celle de « Near East » ̶ ce « Proche-Orient » qui, pour les Britanniques n’a plus qu’une valeur culturelle, voire archéologique[8]. Ce basculement est en plus encouragé par la pression des Français qui, après la Première guerre mondiale, installent leurs mandats en Syrie et au Liban, et pour lesquels l’expression « Proche-Orient » renvoie à cette région qui, de l’Égypte au sud aux confins de la Turquie au nord, correspond à ce « Levant » médiéval, perçu comme traditionnellement francophile, voire francophone. Les expressions « Moyen-Orient » et « Proche-Orient » constituent donc les « stigmates lexicaux encore perceptibles des divergentes ambitions franco-britanniques » au tournant du XIXe-XXe siècles. Comme le résume très bien l’historien Florian Louis : « Délimiter un territoire, c’est en effet se l’approprier intellectuellement et symboliquement, et parfois préluder à son appropriation concrète »[9]. La carte actuelle du Moyen-Orient reflète ainsi le partage d’une terre par des forces coloniales européennes à l’époque de la Première Guerre mondiale. Or dans ce jeu d’influences et d’ambitions géopolitiques, la dimension religieuse n’est pas nulle. Concept géopolitique, le Moyen-Orient peut aussi apparaitre comme un objet religieux.
Terre Sainte
Parsemé de sanctuaires et de lieux dits « saints », berceau des religions dites abrahamiques, le Moyen-Orient peut prendre l’aspect d’une « terre promise » et, à ce titre, attise donc les disputes et convoitises religieuses. De nombreux lieux mériteraient d’être mentionnés ici : des montagnes comme le Mont Sinaï, le Mont Ararat ou le Mont Tabor, des villes dites « saintes » comme La Mecque peut l’être pour les musulmans du monde entier, Nadjaf pour les chiites, et bien sûr Jérusalem. Dans l’histoire de l’Occident médiéval, le Moyen-Orient est devenu une terre de missions religieuses, celles menées par exemple par le Dominicain de Florence Riccoldo da Monte di Croce (1243-1320). À partir du XVe siècle surtout, tout un mouvement religieux latin a eu pour objectif de ramener dans le giron de Rome ces chrétiens qui autrefois étaient dans l’empire romain d’Orient. Les relations de l’Europe avec l’Empire ottoman, celle de François Ier avec Soliman le Magnifique par exemple, s’inscrivent aussi dans ce mouvement, non sans paradoxes puisque cette alliance est aussi recherchée par le Très Chrétien roi de France contre l’empereur tout aussi catholique Charles Quint. Les questions d’Orient sont souvent en fait des affaires européennes, et manifestent des implications chrétiennes, aujourd’hui comme au XVIe siècle. À la fin de son roman sur Léon l’Africain qui évolue dans ces eaux troublées du début de l’époque moderne, lors d’une scène qui se déroule sous les murs de Pavie, Amin Maalouf introduit ainsi un dialogue sur la paix des plus suggestifs. Représentant le pape Clément XII et le pouvoir temporel de l’Église, un ambassadeur florentin insinue que « pour être sûrs que la paix ne se fera pas, nous devons en être les médiateurs »[10]. Certes il s’agit d’un roman. Mais Amin Maalouf tombe-t-il pour autant dans l’hérésie historique ou l’erreur théologique en suggérant que, entre Croisades et commerce, l’Église n’a pas toujours été à son avant-poste prophétique concernant la paix, y compris donc au simple sens d’arrêt des conflits ?
Le XVIe siècle méditerranéen, celui du troisième livre de Fernand Braudel, pose en fait les bases du cadre moderne des relations internationales, en Europe, mais aussi avec l’Empire ottoman. Pour stimuler son commerce, l’Empire musulman accorde alors à la France avant l’Angleterre et d’autres nations européennes, des privilèges commerciaux, appelés « capitulations » qui permettent à certaines communautés religieuses placées sous la protection de ces puissances européennes de bénéficier de privilèges douaniers[11]. Ces héritages craquent sous le poids des paradoxes au XIXe siècle, notamment parce que le mouvement colonial européen a su se saisir de cet élan et de ce lexique religieux en l’association à la soi-disante « mission civilisationnelle » qui incomberait à « l’homme blanc ». Dans cette poussée européenne qui mêle aussi la Russie et alimente presque tous les nationalismes de l’époque, les missions chrétiennes et les minorités religieuses se transforment en autant de truchements déstabilisateurs. En 1860, Damas est ainsi le théâtre de massacres qui annoncent d’autres atrocités. Si les Français appuient les Maronites, les Britanniques soutiennent les Druzes et bientôt les Juifs qui, pour fuir les pogroms en Europe orientale, et s’ils ne s’embarquent pas pour les Amériques, commencent à s’installer autour de Jérusalem.
De fait, la configuration religieuse du Moyen-Orient moderne, sa mosaïque religieuse, a pu constituer le terreau favorable pour de multiples conflits, d’hier à aujourd’hui. Selon Michel Younès, aujourd’hui doyen de la Faculté de théologie de l’Université catholique de Lyon, « les crispations identitaires, de nature culturelle, religieuse, voire confessionnelles peuvent contribuer aux tensions géopolitiques »[12]. Cependant, les canaux communautaires ont aussi été des vecteurs de modernisation. Comme l’explique Christian Lochon, ancien administrateur de l’Œuvre d’Orient, parce que liés à l’Europe, les communautés chrétiennes orientales représentent « un élément dynamique sur le plan économique et sur le plan culturel »[13]. À la fin du XIXe siècle, les chrétiens du monde arabe deviennent ainsi les vecteurs d’un « réveil » arabe, la Nahda, contribuant à ébranler la domination européenne dans l’ensemble du Moyen-Orient, voire à secouer l’islam qui demeure le visage religieux principal de la région.
Terre d’islam
Au tournant du XIXe-XXe siècles, la Nahda favorise donc aussi l’émergence de nouvelles forces musulmanes, des forces qui peuvent être antagonistes et qui cherchent à établir une certaine hégémonie alors que l’antique symbole du califat chute en 1924 face aux velléités modernisatrices de Atatürk. Selon les récentes recherches de Stéphane Lacroix, on voit ainsi émerger d’un côté l’islamisme qui prend par exemple le visage de la Société des Frères Musulmans créée en Égypte en 1928 et dont l’objectif est d’islamiser les institutions ; et de l’autre le salafisme, mouvement d’éducation des masses qui, très puissant en Égypte également, rayonne surtout à partir de l’Arabie Saoudite, pays créé en 1932[14]. Or ce réveil musulman au Machrek, cet Orient arabe, inspire des mouvements de résistance jusqu’aux terres du Couchant, ce Maghreb sous domination française et provoque une prise de conscience de la part des missionnaires chrétiens sur tout le pourtour méditerranéen. Car, en « Terre d’islam » selon l’expression missionnaire de l’époque, les conversions de musulmans au christianisme sont quasi-nulles[15]. À contre-courant des accents triomphalistes et coloniaux, plusieurs figures font émerger un nouveau paradigme relationnel fondé sur le témoignage de foi. Inspirés par le modèle de Charles de Foucauld, mort parmi les Touaregs sahariens en 1916, l’orientaliste et catholique français Louis Massignon et le Père Blanc Henri Marchal encouragent, voire parrainent, une nouvelle génération de missionnaires à se lancer à la rencontre de l’autre musulman. De nouvelles institutions missionnaires catholiques apparaissent dans cette optique : l’Institut des Belles Lettres Arabes (IBLA) à Tunis, ancêtre de l’Institut Pontifical d’Études Arabes et d’Islamologie (PISAI), à Rome ; et, au Caire, l’Institut Dominicain d’Études Orientales (IDEO) qui demeure jusqu’à aujourd’hui un pôle d’excellence des études chrétiennes d’islamologie. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en Égypte et au Liban, des chrétiens de culture arabe comme Georges C. Anawati, Michel Asmar et Mgr Georges Khodr s’investissent ainsi dans le dialogue avec l’islam[16].
Mais, au-delà des recherches académiques, ce sont surtout les drames de l’ère de la décolonisation qui soutiennent le développement du dialogue islamo-chrétien. Dans le sillage de la Nakba, la grande catastrophe des Palestiniens qui met sur les routes de l’exil des centaines de milliers de Palestiniens en mai 1948, des musulmans et des chrétiens vont créer de nouvelles solidarités dans les camps de réfugiés en Transjordanie et au Liban. Car au Moyen-Orient, la décolonisation qui correspond principalement au retrait de la domination britannique (française plus secondairement), est marquée par la violence et la division. Les Britanniques échouent à créer les conditions d’une entente dans leur mandat palestinien où le terme « terrorisme » est alors appliqué aux sionistes qui commettent par exemple le terrible attentat de l’hôtel King David le 1er juillet 1946. Le leader sioniste Ben Gourion a d’ailleurs bien compris l’évolution des rapports de force planétaires, et va chercher le soutien de Washington tandis que les Britanniques continuent d’appuyer les élites arabes traditionnelles. Après avoir exprimé quelques réticences, le président américain Harry Truman fait finalement voter le plan de partage de la Palestine à l’ONU en novembre 1947. Les Soviétiques appuient eux aussi le partage, moins par empathie pour la cause sioniste que pour affaiblir un peu plus l’empire britannique, leur vieil adversaire au Moyen-Orient. Encore une fois, les empires pèsent sur le Moyen-Orient. À tel point que la renaissance d’une unité arabe parait impossible.
Le panarabisme qui vise alors à transcender les frontières nationales pour unir les Arabes de l’Atlantique au Golfe Persique ne trouve en fait son unité que dans l’opposition au nouvel État d’Israël créé officiellement le 14 mai 1948. On peut observer alors un grand renversement mondial : en Occident, en Europe en particulier, les chrétiens redécouvrent leurs racines juives et l’Occident se présente depuis comme une civilisation judéo-chrétienne ; en Orient en revanche, la judéité devient le front repoussant d’un nationalisme arabe en quête de boucs émissaires et de bases politiques contre, d’une part, les anciennes élites arabes et, d’autre part, l’islamisme politique. Dans cette dynamique, le monde arabe se vide « en une décennie à peine, de ses ancestrales communautés juives […]. Dès lors, le sort de ces centaines de milliers de réfugiés juifs est mis en parallèle par l’État israélien avec le sort des réfugiés palestiniens […]. Le “loi du retour” qui permet à n’importe quel juif de devenir citoyen israélien, justifie ainsi l’opposition au “droit au retour” réclamé par les réfugiés palestiniens »[17]. Comme il y avait eu une sorte d’échange – tragique – de populations entre la Turquie et la Grèce au lendemain de la Première guerre mondiale, une homogénéisation culturelle et religieuse se met en marche à grande échelle dans les années 1950. Seuls les chrétiens représenteront désormais une forme d’altérité, bien précaire, dans l’océan musulman comme en Israël où l’émergence d’une république de foi et de sang ne peut que fragiliser le discours démocratique comme tentent de le montrer les « nouveaux historiens » israéliens. La question israélo-palestinienne représente donc clairement l’entrée du Moyen-Orient dans une nouvelle ère, celle de la paix impossible.
Le chemin de la paix
« Faire advenir la paix au Moyen-Orient va être alors nécessairement un chemin – tout un long chemin à parcourir », note en conclusion de l’ouvrage La paix au Moyen-Orient le Frère Dominicain Gabriel Nissim[18]. Laborieuse, la paix correspond donc surtout à un chemin fait de détour, d’obstacles et d’ombres, à l’image de l’histoire contemporaine du Moyen-Orient qui est attachée à celle de la Méditerranée, hantée par des figures de la mémoire dont certaines constituent de véritables traumatismes.
Dans l’histoire contemporaine du Moyen-Orient, les années 1950 sont d’abord celles de l’installation des nationalismes armés, en Israël, en Turquie, comme dans d’autres pays méditerranéens, du Portugal à la Grèce, et dans les différents pays arabes. L’Égypte de Nasser, vainqueur politique plus que militaire de la crise de Suez en 1956, en est l’un des modèles. Mais ces nationalismes arabes en particulier vont échouer à rediriger leurs ressources budgétaires vers les besoins internes aux sociétés moyen-orientales au profit de parades extérieures et d’une démographie incontrôlée. L’époque est aussi celle de la Guerre froide et du conflit des nouveaux empires, le soviétique et l’américain. Ce dernier va alors s’appuyer au Moyen-Orient sur les éléments non-arabes : Israël, la Turquie kémaliste et l’Iran du Shah principalement. Pour les Américains qui sont bien loins, en comparaison d’un empire soviétique qui peut parler de zones de proximité, le Moyen-Orient se confond donc avec la Western Asia, l’Asie occidentale, qui tend à être associée dans les organisations américaines et les instances internationales à l’Afrique du Nord, North Africa. À travers le sigle MENA « Middle East and North Africa », le Moyen-Orient retrouve ainsi son destin mêlé à une région, la Méditerranée, qui au lendemain de la Seconde guerre mondiale reste, malgré les épreuves de la décolonisation, un bassin d’inspirations, sur le plan littéraire notamment : des Cahiers du Sud à Taha Hussein, en passant bien sûr par Albert Camus dont l’œuvre consiste à mettre en lumière ce qui sinon resterait dans l’ombre. N’est-ce pas là le rôle de la littérature ? Dans son commentaire de l’œuvre de Camus, le critique argentin Horacio Gonzalez affirme ainsi que « la littérature doit être révélation. Elle surgit d’une force obscure. Si elle ne dit pas ce que l’on sait déjà, mais que l’on ne comprend pas, elle ne pourra jamais être un organe de notre propre expérience »[19].
Sur l’horizon de la compréhension, la littérature peut recouper ainsi l’œuvre de la discipline historique dont la compréhension est définie par Paul Ricœur en 1952 dans Histoire et Vérité, en termes de volonté de rencontre comme d’explication[20]. De même la compréhension peut légitimement se poser sur l’axe du dialogue des religions naissant au milieu du XXe siècle. En 1956, le Père Blanc Jacques Ghys qui travaille dans les milieux immigrés nord-africains de la région parisienne lance par exemple un petit bulletin « à 1’usage des Chrétiens qui veulent comprendre l’Islam et 1es Musulmans »[21]. L’effort de connaissance appelé à être déployé dans les numéros et les pages de ce bulletin appelé Se comprendre qui parait jusqu’en 2013, est donc placé dès l’origine sur l’horizon du dialogue et de l’amitié, à contre-courant donc des violences et des heurts qui rythment les conflits de cette période de décolonisation, et en particulier de la guerre d’Algérie. Mais ce petit bulletin résonne aussi avec l’œuvre plus large des Pères Blancs en rapport avec l’islam, et rappelle la figure du Cardinal Charles Lavigerie qui, contre les autorités coloniales réclamait déjà au XIXe siècle en Algérie le privilège d’aimer les musulmans comme ses fils[22]. Héritier du siège de Lavigerie dans les années 1950, Mgr Léon-Étienne Duval semble avoir partagé une même idée de sa charge épiscopale à un moment autrement critique de l’histoire de l’Église, celle de la décolonisation de l’Algérie française. Car son riche bagage augustinien lui permet de fonder une idée du dialogue avec les musulmans « dans l’égalité devant la Vérité ». Sur la trame méditerranéenne, la reconnaissance de l’autre apparait comme une ré-orientation nécessaire. De même la mémoire s’impose comme un nouvel Orient sur le chemin de la paix.
Les figures de la mémoire
Dans une étude dense et documentée sur l’éducation au Liban, André Daher expose la nécessité de « l’éveil d’une mémoire commune »[23], tandis que Sandrine Mansour en appelle à ne pas tomber dans l’amnésie pour éviter les erreurs du passé. La mémoire est en fait au cœur de l’engagement de nombreux chrétiens, sur le terrain et au niveau le plus officiel. Dans les années 1960, le Concile Vatican II (1962-1965) invite par exemple à ne pas oublier le lien fondamental entre chrétiens et juifs. Mais si le Concile convoque la figure d’Abraham, c’est aussi pour ne pas réduire le dialogue interreligieux à un rapprochement avec Israël. Au début des années 1960, les évêques de l'Orient arabe poussent ainsi l’Église à dépasser la relation judéo-chrétienne et à s’adresser aussi aux musulmans qui, « professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique » (Lumen Gentium, §16). Dans le cas des musulmans cependant, le Concile en appelle au paragraphe 3 de la Déclaration Nostra Aetate à l’oubli des « dissensions et inimitiés » pour « s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ». Si un travail mémoriel est donc clairement identifié comme un chemin vers la paix, le défi pour l’Église s’est aussi déplacé depuis les soixante dernières années vers la transmission de ce patrimoine conciliaire, base du dialogue interreligieux, mais un héritage souvent contesté. Or, dans cette perspective, la figure d’Abraham peut s’avérer encore rassembleuse.
Une autre figure de la mémoire est celle des ruines qui, nombreuses dans le monde méditerranéen et moyen-oriental, l’est peut-être moins ailleurs et peut laisser perplexe. Car l’archéologie, comme d’autres disciplines, peut se transformer en programme et instrument politique, voire en « religion nationale » : à l’instar de l’archéologie israélienne qui, après la victoire d’Israël en 1967, s’est attachée à mettre au jour les traces millénaires du passé juif dans les nouveaux territoires conquis comme l’a souligné l’historien israélien Shlomo Sand[24]. Le Palestinien Edward Saïd affirmait quant à lui que l’archéologie israélienne creuse le sol palestinien « avec le même acharnement que les bulldozers détruisant les traces matérielles du passé arabo-palestinien »[25]. Au lendemain de la Guerre des Six Jours, les ruines sont donc aussi politiques et sociales puisque le projet national arabe ne se remet pas de la défaite et ne résiste plus, ou mal, à la marée montante de l’islamisme politique. Après 1967, les chrétiens retombent ainsi généralement dans un état de citoyens de seconde zone, y compris en Israël. D’autres émigrent vers l’Europe, le Canada ou l’Australie quand, ceux qui restent, tombent souvent dans « une dérive confessionnaliste couvrant une corruption devenue généralisée » comme l’explique Michel Younès[26]. De la passion pour les ruines anciennes à l’amoncellement des ruines modernes, dont Beyrouth devient le triste symbole dans les années 1980, le Moyen-Orient comme la Méditerranée sont des théâtres et des témoins privilégiés.
Le dialogue lui-même semble succomber sous les ruines dans la crise libanaise. Enterrant les espoirs de Camp David comme l’euphorie postconciliaire, les massacres de Sabra et Chatila en 1982 mettent au grand jour les contradictions profondes du dialogue interreligieux. Car comment parler de dialogue quand des milices chrétiennes armées par Israël massacrent des musulmans dans les camps de réfugiés palestiniens ? En réalité, depuis la fin des années 1970, les obstacles se multiplient. Du rayonnement de la Révolution iranienne à l’inondation de l’idéologie wahhabite sur l’ensemble du monde sunnite, le risque est réel pour le dialogue interreligieux de se transformer en un monologue chrétien. D’un autre côté, le monde arabo-musulman entre dans une nouvelle phase de tiraillements socio-économiques. Cœur pétrolier, le Golfe persique se confond avec un Middle East d’autant plus stratégique que s’y croisent des problématiques mondiales, mais au détriment d’une façade proche-orientale qui reste piégée par le conflit israélo-palestinien. Dans ce contexte, l’audace de la Rencontre d’Assise organisée en 1986 par le pape Jean-Paul II consiste à repositionner le dialogue interreligieux sur l’horizon de la paix, lui associant l’idée de justice et l’action de la prière, soutenant aussi une prise en compte des traumatismes mémoriels dans la lignée du Concile Vatican II.
L’ombre de la Shoah
Le traumatisme est une autre grande figure de la mémoire, à l’instar de la Shoah qui s’impose au Moyen-Orient comme raison majeure de clivage : mythe à la limite du mensonge pour de nombreux arabes qui le comprennent comme un outil de propagande israélienne, la Shoah est devenue un évènement fondateur pour l’État d’Israël et une quasi religion civile en Occident comme l’a bien montré l’historien Enzo Traverso : « Pour les uns, la naissance d’Israël est le symbole d’une résurrection, pour les autres d’une catastrophe : voilà un clash violent entre des mémoires qui n’arrivent pas à trouver la voie d’un dialogue »[27]. Et en Occident, singulièrement en France, la Shoah joue un rôle majeur dans notre littérature : un sujet prépondérant comme un défi à l’écriture. Dans sa dernière somme intitulée Les vérités du roman, François Dosse explique par exemple que, « confronté à l’incompréhension, notamment après la Shoah, l’historien ou le romancier ressent une blessure insupportable, qu’a bien exprimée Primo Levi dans son ouvrage Les naufragés et les rescapés. Quarante ans après Auschwitz »[28].
Or dans cet ouvrage, Primo Lévi emploie l’expression « musulman » qui désigne et décrit, dans le jargon des camps nazis, le prisonnier du camp d’extermination dans sa figure la plus extrême. Elle accentue ainsi à l’extrême une nuance péjorative du mot arabe « muslim » qui signifie le soumis à la volonté divine et met donc en avant le prétendu fatalisme islamique en vogue à l’heure de l’Orientalisme. Dans le contexte d’Auschwitz, la soumission n’est cependant pas un acte de volonté, mais bien au contraire une preuve que la volonté est brisée. Pour la psychanalyste Élisabeth Godart, cette figure du musulman représente en fait « un être chez qui l’humiliation, l’horreur et la peur avaient fini par anéantir toute conscience et toute personnalité, jusqu’à l’apathie […]. Muet et absolument seul, il était passé dans un autre monde, sans mémoire, sans compassion, au-delà de la haine »[29]. Muet, sans mémoire, sans émotion, bref écrasé. Outre ces accentuations, l’intérêt de l’analyse proposée par Élisabeth Godart est la mise en perspective de l’emploi du mot « musulman » chez Primo Levi avec toute une recherche d’ordre psychanalytique, et notamment en rapport avec ses cauchemars infantiles. Comment ne pas penser alors aux visions cauchemardesques que doivent vivre les naufragés de notre temps : ces enfants qui tentent la traversée désespérée de la Méditerranée avant ou après s’être retrouvés dans des camps de rétention ; ces enfants qui se retrouvent otages dans des caves ou des souterrains, qu’il soit à Gaza ou à Marseille comme le jeune Ilan Halimi qui a fait face aux « gang des barbares », sans parler des victimes de Mohamed Mera ; ces enfants qui, dans la Bande de Gaza, ont dû affronter le siège de l’hôpital al-Shifa, au cours duquel périrent au moins 1500 personnes dont la moitié étaient des femmes et des enfants. Selon des témoignages de rescapés, les drones de l’armée israélienne qui survolaient l’hôpital n’arrêtaient pas de hurler : « Come out, you animals (sortez, espèces d’animaux!) », tandis qu’à l’intérieur, les soldats séparaient des groupes de personnes avec des bracelets de couleurs[30]. Difficile pourtant d’y voir beaucoup de couleurs réjouissantes et encore moins les couleurs arc-en-ciel de la paix. Entre le bleu du ciel et de la Méditerranée qui constituent les parois de leurs prisons, s’impose ici le gris, la « zone grise » selon les termes de Primo Levi qui l’identifie à la non-couleur.
Il ne s’agit pas cependant ici de mettre sur le même plan la Shoah et les tragédies contemporaines, mais d’identifier cette même pente sur laquelle peuvent glisser les droits universels dans une zone de non-droit, d’identifier les risques de naufrage de nos démocraties dites libérales, et comme le suggère Enzo Traverso, d’éviter à la mémoire de la Shoah elle-même de sombrer dans un anachronisme qui ne pourrait que détruire son potentiel critique[31]. Il ne s’agit pas non plus de tomber dans une compétition moribonde des mémoires traumatisantes, mais plutôt de créer des conditions d’une écoute mutuelle, voire de porter les soucis de la mémoire de l’autre et, passant par l’autre comme l’aurait dit Paul Ricœur, faire ainsi société. Enfin, plus que de cultiver une dépression mémorielle, il s’agit plutôt de repérer les capacités d’espérance dont peuvent être porteuses ces mémoires blessées.
À l’image d’un Walter Benjamin qui, à la fois, avait été le témoin horrifié de la destruction du Centre Bourse de Marseille[32], le paria d’une Europe antisémite et l’exilé d’une entre-deux-guerres, et qui invitait à écrire l’histoire « du point de vue des vaincus »[33], les critiques de notre temps doivent pouvoir dessiner l’image d’une réalité différente inspirante. Mais face aux impasses moyen-orientales, de quelle utopie peut-on être encore porteur ?
Le Moyen-Orient contemporain lui-même n’est pas un objet en manque d’utopie. De la pax britannica à la pax americana, l’utopie de la paix politique reste un horizon inatteignable et un ferment de frustrations ; à l’image des Accords d’Oslo qui ont indiqué sans la réaliser la résolution du conflit israélo-palestinien. Ensuite, non sans réinviter un certain Orientalisme à la fois maladroit et méprisant, le dessin du « Great Middle East » initié par les néo-conservateurs américains à l’occasion de l’invasion de l’Irak en 2003 s’est voulu la carte d’une démocratie aussi introuvable qu’insupportable quand elle prend un visage néocolonial. Enfin, sous le nom d’Abraham ou sous l’égide de la Chine, l’utopie de la prospérité s’est présentée ces dernières années comme la piste d’une pacification possible, comprise cependant comme la tranquillité de quelques-uns et oubliant au passage les humiliés du moment.
Or les opprimés sont aussi porteurs d’imaginaires : les révoltes contemporaines peuvent ainsi être lues sous le signe de la nostalgie d’une puissance perdue. Dans le cas du 7 octobre 2023, le Hamas aurait choisi ce jour comme date anniversaire de la guerre du Kippour qui avait débuté le 7 octobre 1973 et qui a marqué l’ultime alliance arabe contre Israël. Mais d’autres révoltes plus anciennes pourraient être évoquées pour éclairer l’usage de la mémoire comme source de résistance, des Intifadas à la Révolution iranienne qui, comme le soulignait Michel Foucault au début du mouvement, « agaçait » parce qu’elle ne correspondait pas aux cadres d’analyses occidentaux, de droite comme de gauche[34]. Au-delà du Moyen-Orient contemporain, d’autres révoltes musulmanes peuvent être comprises comme mouvements de résistance à une domination coloniale : la révolte du prince musulman Jeronimo en 1631 contre la domination portugaise à Mombasa[35] ; ou bien encore à la révolte des Malês, ces esclaves africains de confession musulman qui s’étaient révoltés en 1835 à Salvador de Bahia et dont la mémoire n’a jamais vraiment disparu si l’on en croit certains des habits blancs portés au Carnaval de Salvador de Bahia[36]. Au-delà donc même du Moyen-Orient, la fierté des opprimés et la résistance aux humiliations posent des jalons nécessaires de liberté.
Dans le Nouveau Monde, à côté de la mémoire de l’esclavage africain, celle des peuples indigènes pose une question fondamentale d’usage plus juste des mots. Cinq cents ans après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, des États américains comme le Brésil commencent à parler en termes d’invasion portugaise tandis que des politiques de réconciliation ont été entreprises, incluant aussi les Églises chrétiennes au Canada par exemple. Les évolutions historiographiques de ces dernières décennies renversent ainsi les frontières qui sépareraient, depuis les Grecs, les civilisés des barbares, ces Orientaux qui ne parlaient pas, selon les premiers, une langue claire. Se profile ainsi la nécessité de remettre les cultures sur un plan d’égalité, non comme des obstacles à une exploitation dominatrice et prédatrice, mais comme des trésors à contempler, à la manière plutôt donc d’un Marco Polo et suivant donc plusieurs pistes. Une première piste est celle du négoce à hauteur d’hommes et du temps long qui dessine un Moyen-Orient ordinaire, un bazar commercial entre Europe et Asie dans lequel les minorités intermédiaires et les diasporas recomposent territoires et pratiques au même titre, voire plus, que les politiques d’État[37]. Une deuxième piste est celle d’une diplomatie à parts égales dans lequel un pays comme la France puisse encore soutenir les efforts de la réconciliation dont sont porteurs les chrétiens d’Orient : à travers les œuvres d’éducation par exemple, mais selon une attitude d’accompagnement plus que de protection selon la formule de Mgr Pascal Gollnisch[38]. Enfin, à l’instar de la discussion imaginée par Italo Calvino dans Les villes invisibles entre un Marco Polo et un empereur mongol rêvés, il s’agit de suivre la piste de ce lieu pas encore là, mais toujours espéré, d’une humanité aimante et aimée. Ces différentes pistes indiquent donc autant d’approches qui remettent l’humain au centre et dessinent l’idée d’une paix entretenue et soignée : celle qui est bâtie sur l’égalité des discours et des références, et qui émerge d’un discours bienveillant sur l’autre.
Comme l’Orient n’est sur une boussole qu’une direction, et qui peut donc entrainer le croisement d’autres itinéraires, ce Monde Nouveau n’émergera qu’à partir de perspectives communes fondées dans l’amitié et la fraternité. C’est toute l’œuvre actuelle du pape François, en dialogue notamment avec plusieurs représentants du monde musulman dont le Grand Imam d’al-Azhar. À la croisée avec celles du christianisme, les ressources de l’islam ne sont pas de trop pour soutenir ce lien fort et pourtant si précaire entre miséricorde et paix comme s’attache à le travailler Abdelkader Al Andalussy Oukrid[39]. Plus de dix ans après les Printemps arabes et les multiples refroidissements qui ont suivi, les citoyennetés qui se cherchent laborieusement au Moyen-Orient ont tout à bénéficier d’un dialogue islamo-chrétien fondé dans la fraternité. Car qu’est-ce que la paix sinon, comme le souligne Ernest Reichert, actuel président de Sabeel-France, « quelque chose qui est donné, offert, et surtout quelque chose à partager »? Et ce dernier ajoute que « cela suppose la rencontre sans la moindre exclusive, sans le moindre a priori, et au-delà de son propre cercle »[40]. Pour les chrétiens il s’agit dès lors « d’être des “témoins” d’un monde autre et dans lequel chacun peut trouver sa place et sa dignité »[41]. En Palestine même, des chrétiens croient encore que le moment est opportun, un kaïros, pour construire « une paix qui sera une paix véritable pour toute cette région et pour le monde entier »[42].
*Ce texte reprend le contenu d’une conférence donnée au Centre diocésain de Marseille “Le Mistral” le 14 mai 2024.