Les islamistes prétendent restaurer la pensée et les pratiques des premières communautés islamiques, et s’approprient les textes sacrés pour élaborer leur propre conception d’un gouvernement théo-démocratique

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Dernière mise à jour: 22/04/2022 09:02:27

Les islamistes prétendent restaurer la pensée et les pratiques des premières communautés islamiques, et s’approprient les textes sacrés pour élaborer leur propre conception d’un gouvernement théo-démocratique fondé sur la notion de souveraineté divine. Ils affirment que cette notion remonterait à la période formative de l’Islam. Mais on ignore ainsi les interprétations différentes et essentiellement apolitiques qui se trouvent dans les sources les plus anciennes.

 

Bon nombre d’analystes – musulmans et non-musulmans – tentent de lire dans le Coran un mandat précis pour la création d’une culture politique particulière, voire d’une forme de gouvernement déterminée. Le cas le plus emblématique est celui des islamistes modernes, qui prétendent tirer des Écritures tout un système politique, et en considèrent la réalisation comme la priorité la plus urgente pour les musulmans des temps modernes. Il y a aussi certains orientalistes selon lesquels l’Islam contiendrait une théologie politique particulière : le Coran imposerait ainsi aux musulmans un leadership religieux et charismatique. Selon ces spécialistes, les exemples tirés de l’histoire sunnite qui sont porteurs d’une image différente et plus terrestre du gouverneur de la cité islamique occulteraient délibérément les tendances politiques originelles et bouleverseraient l’idéal coranique du guide légitime[1].

 

Ce discours politique – tenu aussi bien par des musulmans que par des non-musulmans – affirmant l’existence d’un ordre socio-politique établi par la charia, cite souvent un verset particulier du Coran – (4,59) – généralement interprété en ce sens : les fidèles musulmans, pourvu qu’on ne leur demande pas de violer un précepte religieux, devraient obéir sans hésitation à leurs gouvernants, compris comme les référents de l’expression coranique ulî ’l-amr (« ceux qui détiennent l’autorité »). Certains spécialistes modernes sont allés jusqu’à affirmer que ce verset entraverait la naissance d’une culture politique dynamique dans les sociétés à majorité musulmane.

 

L’orientaliste britannique Bernard Lewis a soutenu ainsi avec désinvolture que le verset 4,59 enseignerait que

 

 […] le devoir premier et essentiel du sujet envers le souverain est l’obéissance ». Et il a ajouté que « le devoir d’obéissance à l’autorité légitime n’est pas uniquement un simple expédient politique : c’est une obligation religieuse, définie et imposée par la Loi Sacrée et fondée sur la révélation [2].

 

Dans des traités politiques musulmans médiévaux écrits après le IXe siècle, ce verset est souvent utilisé comme une preuve textuelle en faveur du quiétisme politique et d’une culture de l’obéissance à l’autorité politique légitime. Mais c’est une erreur évidente d’affirmer qu’il s’agit d’une interprétation indiscutable, dont la généalogie remonterait aux origines mêmes de l’Islam, plutôt que d’un développement physiologique conditionné historiquement et déterminé par des circonstances politiques externes précises. Comme nous allons le voir, lorsque les premières significations attribuées à ce verset sont confrontées avec des interprétations successives, y compris celles modernes, on voit émerger d’importantes transformations évolutives[3].

(...) 

 

Exégèse prémoderne

 

Le Coran 4,59 dit : « Ô vous qui croyez ! Obéissez à Dieu ! Obéissez au Prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité (ulî ’l-amr minkum) ».

 

L’œuvre exégétique la plus ancienne dont nous disposons est celle de Mujâhid Ibn Jabr (m. 722), de la fin du VIIe siècle. Dans son Tafsîr Mujâhid affirme que ce verset a été révélé pour indiquer « ceux qui détiennent une compréhension critique de la religion et de la raison » (ulî-’l-fiqh fî ’l-dîn wa-l-‘aql). Une seconde variante enregistrée par Mujâhid rapporte que la phrase se réfère à « ceux qui possèdent compréhension critique, connaissance, opinion [solide] et vertu » (ulî ’l-fiqh wa-l-‘ilm wa-l-ra’y wa-l-fadl)[4]. Dans ces gloses, on peut particulièrement relever l’accent mis sur la connaissance, sur le raisonnement indépendant et sur le discernement critique comme des éléments caractéristiques propres aux ulî ’l-amr, qui ne sont identifiés par ailleurs avec aucun groupe de personnes ni catégorie de profession particulière.

 

Un autre des exégètes les plus anciens, Muqâtil Ibn Sulaymân al-Balkhî (m. 767), rapporte dans son commentaire coranique que l’expression-clé ulî ’l-amr minkum aurait été révélée en référence précise au commandant militaire Khâlid Ibn al-Walîd en un contexte historique particulier, et, plus généralement, se réfèrerait aux commandants de contingents militaires (sarâyâ)[5]. De façon significative, Muqâtil soutient que Coran 4,59 a un parallèle en Coran 24,51-52, lequel aiderait à éclairer ultérieurement le sens du premier verset. Coran 24,51-52 affirme : « Lorsque les croyants sont appelés devant Dieu et son Prophète pour que celui-ci juge leurs différends, ils ne prononcent qu’une seule parole : ils disent : ‘Nous entendons et nous obéissons !’ Voilà ceux qui sont heureux ! ». Confrontant ces versets entre eux, Muqâtil interprète donc Coran 4,59 comme une obligation à obéir seulement à Dieu et à son Messager, à l’exclusion des ulî ’l-amr.

 

Ces deux interprétations trouvent un écho dans l’ancienne œuvre exégétique de ‘Abd al-Razzâq al-San‘ânî (m. 827). Celui-ci rapporte, sur l’autorité du célèbre Successeur al-Hasan al-Basrî (m. 728), que « ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité » se réfère aux « savants » (al-‘ulamâ’) ; et sur l’autorité de Mujâhid, que l’expression se réfère aux « personnes ayant une profonde compréhension et connaissance » (ahl al-fiqh wa-l-‘ilm). ‘Abd al-Razzâq fournit donc une démonstration valable du fait que, durant les deux premiers siècles de l’Islam, l’expression ulî ’l-amr était comprise avant tout comme se rapportant à : 1) en général, les personnes instruites et dotées d’une compréhension profonde et 2) dans des circonstances déterminées, les commandants militaires désignés par le Prophète.

 

Le célèbre al-Tabarî, commentateur coranique de la fin du IXe siècle (m. 923), offre un compte-rendu des différents sens attribués à cette expression, et nous permet de comprendre l’évolution de l’interprétation que l’on en donne. Il cite de nombreuses autorités des premiers temps, qui comprirent ulî ’l-amr comme une expression se rapportant à différents groupes de personnes. Selon Ibn ‘Abbâs et al-Suddî (m. 744), l’expression se réfèrerait à différents commandants militaires contemporains du Prophète[6]. Il est intéressant de noter que dans un autre récit rapporté par al-Tabarî, Ibn Zayd, qui appartient à la seconde génération de musulmans (les Successeurs), cite le Compagnon Ubayy Ibn Ka‘b, selon lequel le verset faisait référence aux gouvernants politiques (al-salâtîn)[7]. Le terme al-salâtîn est employé de façon curieusement anachronique dans ce contexte, vu que les sultans ne firent leur apparition dans le monde islamique qu’à partir du IXe siècle, bien après l’époque des Compagnons[8].

 

En tout état de cause, al-Tabarî poursuit en citant un nombre considérable d’autorités qui comprirent ce verset comme une référence aux « gens de la connaissance et de la profonde compréhension » (ahl al-‘ilm wa-l-fiqh). D’autres variantes sont aussi enregistrées, sur l’autorité de différentes sources, qui identifient les ulî ’l-amr avec les « gens de la profonde compréhension et de la connaissance » ; avec « les détenteurs d’une profonde compréhension de la religion et de la raison » (ulî ’l-fiqh fî ’l-dîn wa-l-‘aql) ; avec les « gens de la connaissance »[9]. Un autre groupe de traditions identifie les ulî ’l-amr avec « les personnes intelligentes et savantes », termes qui doivent être entendus comme analogues de l’expression précédente ahl al-fiqh wa-l-‘ilm, et qui, en un sens plus général, se réfère à tous les Compagnons de Muhammad[10].

 

Le vaste commentaire coranique de al-Tabarî confirme ainsi que les premières lignes d’exégèse de ce verset crucial conféraient aux ulî ’l-amr non tant une autorité politique qu’une autorité épistémique se signalant par une connaissance supérieure et une meilleure compréhension des choses.

 

Au XIIe siècle, Fakhr al-Dîn al-Râzî (m. 1210) fait un exposé détaillé de ce verset et de ses différentes interprétations en cours à son époque, avant d’indiquer celle qu’il préfère ; à son avis, l’expression ulî ’l-amr minkum ferait référence aux savants, définis également par l’expression ahl al-hall wa-l-‘aqd (littéralement « ceux qui délient et qui lient ») dans la littérature juridique. Cette combinaison de termes établit que seuls les juristes seraient à inclure dans les ulî ’l-amr, parce que, comme il l’observe, « ce genre de savants » a la capacité exclusive d’ordonner et d’interdire sur la base de la Loi religieuse[11].

 

Un autre exégète du Moyen-Âge tardif, Ibn Kathîr (m.1373), enregistre-lui aussi dans son œuvre exégétique influente les différentes interprétations de ce verset, montrant que les interprétations les plus anciennes le rapportaient aux « gens du discernement et de la religiosité » (ahl al-fiqh wa-l-dîn) et/ou à des commandants militaires particuliers de l’époque où le Prophète était encore en vie[12]. Mais il est clair que Ibn Kathîr penche plutôt pour la conception qui était de son temps (l’époque mamelouke) majoritaire, c’est-à-dire que le terme coranique ulî ’l-amr indiquerait avant toutsi ce n’est exclusivement – ceux qui détiennent une autorité politique. À l’appui de cette thèse, il dresse la liste d’un nombre exagéré de hadîths qui imposent en général l’obéissance au gouvernant politique et recommandent aux fidèles de supporter stoïquement le gouvernant injuste, du moment que celui-ci est destiné à subir la punition de ses excès dans l’Au-delà. Les textes des hadîths, toutefois ne révèlent aucun rapport avec Coran 4,59, vu que pas un de ces récits ne laisse entendre que le Prophète les ait prononcés comme une explication directe de ce verset.

 

Les modernistes et le discours islamiste

 

L’idée que l’exégète et réformateur égyptien du XXe siècle Muhammad ‘Abduh se faisait du bon gouvernement peut se déduire en grande partie de la manière dont il traite le verset 4,59 dans le Tafsîr al-Manâr (édité par son célèbre disciple Rashîd Ridâ). ‘Abduh renvoie à Mujâhid Ibn Jabr (m. 722) qui, nous venons de le voir, estimait que ce verset se référait avant tout à un groupe imprécisé de savants, ou, à la lettre, à « ceux qui détiennent une compréhension critique de la religion et de la raison ». ‘Abduh développe cette idée, ajoutant que l’expression ulî ’l-amr se réfèrerait aux gouvernants politiques, aux juges, aux spécialistes de la religion, aux chefs militaires et autres gouvernants et leaders musulmans, auxquels, dit-il, les personnes se confient pour leurs propres nécessités et pour leur propre bien-être général[13]. Toutefois ‘Abduh signale que Coran 4,59 n’invite pas à obéir aux ulî ’l-amr, mais seulement à Dieu et à son Messager, du moment que ce verset poursuit en affirmant : « Et s’il vous arrive de disputer sur quelque chose, référez-la à Dieu et à Son Messager ». Si les ulî ’l-amr gouvernent en accord avec les préceptes de Dieu et de la Sounna, alors on leur doit obéissance ; dans le cas contraire, s’ils ont recours à la tyrannie et l’oppression, l’obéissance n’est plus obligatoire, bien plus, elle est interdite. ‘Abduh poursuit en disant que les actions des gouvernants temporels et politiques (al-umarâ’ wa-l-salâtîn) sont liées aux opinions juridiques (fatâwâ) des oulémas, vu que ceux-ci sont de fait les « commandants des commandants » (umarâ’ al-umarâ’)[14].

 

Cette interprétation de ‘Abduh évoque en partie l’exégèse de Muqâtil Ibn Sulaymân : celui-ci avait compris de même, comme on l’a vu, que le verset prescrivait l’obéissance uniquement à Dieu et à Son Messager, et non aux ulî ’l-amr. Les ulî ’l-amr ont essentiellement un rôle consultatif, et leur avis doit être sollicité dans les cas où le Coran et la Sounna ne fournissent pas de réponse catégorique à des questions précises. Agir sur la base des recommandations des ulî ’l-amr représente en conséquence davantage une option discrétionnaire, plutôt qu’une contrainte. Ces conclusions, qui sont implicites dans l’exégèse de Muqâtil, sont formulée de façon plus explicite dans celle de ‘Abduh.

 

En outre, ‘Abduh assimile les ulî ’l-amr à « ceux qui délient et qui lient » (ahl al-hall wa-l-‘aqd), formule qui, nous l’avons vu, avait été déjà utilisée par al-Râzî, mais qu’il dilate selon une logique moderniste. « Ceux qui délient et qui lient » inclut tous ceux en qui la communauté musulmane fait reposer sa confiance : les savants, les chefs militaires et les leaders des différents secteurs de la société qui promeuvent les intérêts généraux du peuple (al-masâlih al-‘âmma). Il y a, parmi ces secteurs, le commerce, l’industrie et l’agriculture. Par conséquent les leaders syndicaux, les leaders des partis politiques, les membres des rédactions et les directeurs des journaux faisant autorité, seraient tous inclus dans cette catégorie[15]. De la sorte, ‘Abduh associe la notion de maslaha/masâlih (intérêt général) à l’expression coranique ulî ’l-amr, y insérant des groupes ayant des compétences spécialisées, dont la plupart ne sont pas explicitement religieuses, mais qui contribuent au bien-être général de la cité.

 

La vision de ‘Abduh est en forte opposition avec celle de l’impétueux penseur et activiste égyptien Sayyid Qutb (m. 1966), dont la pensée politico-religieuse sur le soi-disant « gouvernement islamique » et sur la « souveraineté divine » (al-hâkimiyya) a exercé et continue à exercer, une influence notable sur ceux que nous appelons aujourd’hui islamistes. Contrairement à notre attente, Sayyid Qutb, dans son ouvrage d’exégèse Fî zilâl al-Qur’ân (« À l’ombre du Coran ») ne s’arrête guère sur l’expression ulî ’l-amr, mais considère les « détenteurs de l’autorité » comme impliqués de fait dans le précepte divin d’obéir à Dieu et à Son Messager. Il commente le terme ulî ’l-amr en deux points. Dans le premier, il dit : 

 

Quant à l’expression ulî ’l-amr, le texte [le Coran] distingue qui ils sont, c’est-à-dire ces croyants dont les conditions de la foi et le respect des préceptes islamiques […] se trouvent accomplis.

 

 Puis il poursuit en affirmant que ces préceptes concernent l’obéissance à Dieu et à Son Messager, la souveraineté divine – al-hâkimiyya – et le droit de légiférer dès le début uniquement sur la base du Coran et de la Sounna. Peu auparavant, dans son tafsîr, Sayyid Qutb avait souligné que la souveraineté appartient uniquement à Dieu, et qu’elle gouverne tous les aspects de la vie humaine, puisque Dieu a prescrit sa Loi, contenue dans le Coran[16]. Dans le second point, il affirme que l’expression ulî ’l-amr indiquerait les « croyants qui respectent la Loi de Dieu (sharî‘at Allâh) et la Sounna de Son Messager »[17], ce qui est une reformulation synthétique de sa première observation.

 

En effet, l’interprétation fortement politisée que Sayyid Qutb donne du verset 4,59, jointe au néologisme de la hâkimiyya, porte à son apogée la vision d’un Islam politique hégémonique avancée par son mentor Abû al-A‘lâ Mawdûdî. Dans son exégèse de Coran 4,59, Sayyid Qutb ne rapporte pas l’avertissement habituel, commun à toutes les ouvrages exégétiques des premiers auteurs jusqu’à Mawdûdî, touchant l’interdiction d’obéir au gouvernant qui, par ses actions ou ses ordres, violerait la loi religieuse. La brève explication qu’il donne de ce verset crucial laisse en outre peu de place au principe de la consultation et de la recherche de l’avis des gens (munâsaha), procédure sur laquelle des doctes précédents comme Ibn Taymiyya, avaient insisté[18]. Un déterminisme dangereux semble donc sous-tendre le schéma qutbien du gouvernement islamique.

 

Mystifier le passé

 

L’enquête diachronique prouve catégoriquement que, dans leur conception et compréhension du terme ulî ’l-amr, les doctes modernistes comme Muhammad ‘Abduh sont beaucoup plus proches de la première et de la seconde génération de musulmans que ne le sont les islamistes qui prétendent restaurer la pensée et les pratiques des premières communautés islamiques. Les penseurs islamistes modernes, nous l’avons vu, se sont approprié Coran 4,59 pour construire leur conception d’un gouvernement théo-démocratique fondé sur la notion de souveraineté divine. Ils affirment que cette notion remonterait à la période de formation de l’Islam, tout en ignorant, plus ou moins délibérément, les interprétations différentes et essentiellement apolitiques de ce verset qui se trouvent dans les sources les plus anciennes et qui, nous l’avons vu, caractérisent au moins les trois premiers siècles de l’Islam.

 

Les études occidentales sur l’autorité politique et religieuse dans l’Islam se sont concentrées surtout sur les ouvrages du Moyen-Âge tardif, qui présentent une conception autoritaire de la cité islamique, et qui invoquent souvent Coran 4,59 comme preuve textuelle. Cette position n’est pas soutenable. Comme on peut le déduire de ce que nous avons dit, plus qu’un mandat présumé de l’Écriture, c’est l’intérêt politique qui permet à la notion d’une obéissance pratiquement inconditionnelle au gouvernement, de gagner progressivement du terrain (non sans rencontrer d’opposition) dans certaines régions.

 

La recherche met en évidence la polysémie de concepts comme celui de ulî ’l-amr et leur malléabilité dans le lexique éthique et politique islamique. Cette malléabilité du reste fait bien espérer pour l’époque contemporaine, où doctes musulmans et simples citoyens sont impliqués dans des discussions passionnées sur les grandes problématiques de la légitimité politique et de la fidélité aux traditions islamiques. L’interprétation moderniste de Coran 4,59, solidement ancrée aux premières exégèses de ce verset fondamental, en mettant l’accent sur la nature consultative et collective de l’activité décisionnelle a des implications importantes pour la création d’un système démocratique soutenable dans les sociétés contemporaines à majorité musulmane. Il est donc juste de conclure sur l’observation convaincante avancée par Muhammad ‘Abduh à la fin du XIXe siècle :

 

Le désir de certains d’avoir un gouvernement consultatif et leur désapprobation du despotisme n’est pas le résultat de l’imitation des étrangers. Il dépend du fait que la consultation est un devoir prévu par la charia et que celle-ci interdit le despotisme. La loi de l’Islam ordonne de fait de suivre les préceptes du Coran et d’adhérer à la Sounna du Prophète. Quant au despotisme, il contredit la charia car il n’est pas lié par la loi[19].

 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de la Fondation Internationale Oasis

[1] Voir par exemple Wilfred Madelung, Succession to Muhammad: A Study of the Early Caliphate, Oxford University Press, Oxford 1998.

[2] Bernard Lewis, The Political Language of Islam, University of Chicago Press, Chicago 1988, p. 91.

[3] Je reprends dans cette section le contenu du troisième chapitre de mon livre Contemporary Issues in Islam, Edinburgh University Press, Edinburgh 2015, intitulé “Engaging the Shari‘a: rereading the Qur’an and Hadith”.

[4] Mujâhid Ibn Jabr, Tafsîr Mujâhid, édition ‘Abd al-Rahmân al-Tâhir b. Muhammad al-Sûratî, Majma‘ al-buhûth al-islâmiyya, Islâmâbâd, s.d., vol. 1, pp. 162-163.

[5] Muqâtil Ibn Sulaymân, Tafsîr Muqâtil, Mu’assasat al-halabî wa-shurakâ’ihi, al-Qâhira 1969, vol. 1, p. 246.

[6] Ibid., vol. 4, p. 151.

[7] Ibid.

[8]Voir l’article Sultan in Encyclopedia of Islam, New Edition, dir. G.E. Bosworth et al., vol. 9, Leiden 1997, pp. 849-851.

[9] Al-Tabarî, Tafsîr al-Tabarî (Jâmi‘ al-bayân fî ta’wîl al-Qur’ân), Dâr al-kutub al-‘ilmiyya, Bayrût 1997, vol. 4, p. 152.

[10] Ibid.

[11] Fakhr al-Dîn al-Râzî, Al-Tafsîr al-kabîr, Dâr ihyâ’ al-turâth al-‘arabî, Bayrût 1999, vol. 4, p. 113.

[12] Ibn Kathîr, Tafsîr al-Qur’ân al-‘azîm, Dâr al-Jîl, Bayrût 1990, vol. 1, pp. 490-491.

[13] Rashîd Ridâ, Tafsîr al-Qur’ân al-hakîm, connu comme Tafsîr al-manâr, édition Ibrahim Shams al-Dîn, Dâr al kutub al-‘ilmiyya, Bayrût 1999, vol. 5, p. 147.

[14] Ibid., vol. 5, p. 150.

[15] Ibid., p. 152.

[16] Sayyid Qutb, Fî zilâl al-Qur’ân, Dâr al-shurûq, al-Qâhira 2001, vol. 2, p. 691.

[17] Ibid., vol. 2, p. 692.

[18] Voir Ibn Taymiyya, Majmû‘at al-fatâwâ, dir. ‘Âmir al-Jazzâr et Anwâr al-Bâz, Maktabat al-‘ubaykân, al-Riyâd 1998, vol. 18, p. 1.

[19] Cit. in Aziz al-Azmeh, Islams and Modernities, Verso, London 2009, p. 124.

Pour citer cet article

 

Référence papier:

Asma Afsaruddin, « Le Coran comme programme politique », Oasis, année XIII, n. 25, juillet 2017, pp. 14-21.

 

Référence électronique:

Asma Afsaruddin, « Le Coran comme programme politique», Oasis [En ligne], mis en ligne le 29 août 2018, URL: https://www.oasiscenter.eu/fr/le-coran-comme-programme-politique.

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